AccueilCoupe DavisNoah : "On ne joue pas pour répondre à Henri Leconte"

Noah : « On ne joue pas pour répondre à Henri Leconte »

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À trois jours du coup d’envoi de la demi‐finale de Coupe Davis entre la France et la Serbie, Yannick Noah a livré ses impres­sions sur la rencontre. Le capi­taine trico­lore est apparu détendu et a profité de l’oc­ca­sion pour distiller quelques punchlines en direc­tion de Henri Leconte, suite aux récentes décla­ra­tions de ce dernier.

Yannick, il n’a pas été facile de faire une séléc­tion compte tenu des bles­sures ou de la méforme de certains joueurs. Est‐ce que Lucas Pouille a le profil d’un joueur de Coupe Davis ? 

Cette sélec­tion a été assez facile juste­ment car la diffi­culté depuis quelques années était de choisir sur six, sept joueurs, car il y avaient quatre ou cinq joueurs de simple et une équipe de double. Là c’est un peu plus simple, je savais que Gaël (Monfils) avait un petit problème donc j’avais un plan B, que Richard (Gasquet) était hors de forme. Quand bien même il était motivé pour la suite, il a toujours été motivé pour la Coupe, il n’était pas vrai­ment dans la course. Donc la sélec­tion a été assez simple. Pour ce qui est de Lucas, je fais atten­tion à ne pas rentrer dans les raccourcis ou les clichés. Oui, il a fait des bons matchs, mais chaque match a sa parti­cu­la­rité. Il a réussi à gagner des matchs lors­qu’il était favori. Maintenant, on vit au présent, notre objectif est clair, on a une belle carte à jouer cette année. Donc il va falloir jouer match après match, ne pas trop se projeter, mais Lucas m’a prouvé qu’il était capable de relever le défi. Il va falloir qu’il continue sur cette voie la ce week‐end en simple.

Lucas est à la maison, devant son public, comment allez‐vous faire avec le staff pour le faire sortir de ces moments émotion­nels qui vont sans doute être forts ?

On essaie d’en parler le plus possible avant, d’éva­cuer le plus de chose possible avant. C’est bien qu’il puisse profiter de sa famille avant le match, pour ensuite avoir la possi­bi­lité de se concen­trer sur sa partie et ne pas être décon­centré pendant. Il faut qu’il soit à 100% concentré sur son match. Ce qui ne veut pas dire ne pas puiser dans l’énergie du public, au contraire. Mais il faut que ce soit bien cadré, je pense que le fait d’ar­river hier est un aspect positif.

Est‐ce que c’était le bon moment pour faire ce genre de décla­ra­tions de la part de Henri Leconte ?

Non, je crois que ce n’est pas le moment, sur la forme. Et dans le fond ce n’est pas juste non plus. D’un autre côté c’est Henri, donc on prend ça comme une décla­ra­tion d’Henri, je le connais depuis 40 ans. La diffé­rence est que main­te­nant, il y a les réseaux sociaux, le bashing, et que c’est bien de dire du mal des autres. Même si ce n’est pas très constructif. C’est impor­tant de pouvoir être critiqué, de les écouter pour peu qu’elles soient construc­tives. Quand on sort de trois mois depuis Wimbledon où on a pas eu de résultat, on est à l’écoute de conseils, d’idées pour pouvoir avancer. Là tout d’un coup, à une semaine de la demi‐finale, il envoie ça, c’est à côté, c’est pas dans le tempo. Il n’est pas très bien placé pour tenir ce genre de propos. Ce qui est impor­tant c’est que beau­coup de gens le reprennent, il y a encore quelques temps, quand il disait quelque chose, on s’en foutait voire on rigo­lais. Maintenant c’est repris par tout le monde, c’est éton­nant. Donc on va se faire confec­tionner des tee‐shirts avec un melon dessus.

« Il y a encore quelques temps, quand il disait quelque chose, on s’en foutait voire on rigo­lais. Maintenant c’est repris par tout le monde, c’est éton­nant. Donc on va se faire confec­tionner des tee‐shirts avec un melon dessus. » Yannick Noah à propos de Henri Leconte.

Les joueurs donne­ront la réponse sur le court ?

Si jamais cela peut avoir une influence qui nous permette d’être un peu plus motivés… On ne joue pas pour répondre à Henri Leconte, s’il y en a un qui a été blessé ou touché, s’il peut l’uti­liser pour être motivé… Mais la moti­va­tion est suffi­sam­ment forte. Lorsqu’on part dans une aven­ture, on essaie de se demander pour qui on joue. Qui‐est‐ce qu’on a envie de regarder quand on fait un beau point ? Vers qui on se retourne quand on gagne la balle de match ? C’est pour ces gens‐là qu’on joue, et forcé­ment ce sont des gens qu’on aime. Des gens qui nous aiment, qui nous supportent, souvent méconnus. On a l’op­por­tu­nité d’écrire une page impor­tante de nos carrières à tous, donc dans ces moments‐là on essaie de se charger de bonnes ondes pour avancer. À l’époque quand j’étais capi­taine, il suffi­sait de dire qu’on ne lisait pas les jour­naux, on coupait les télé­vi­sions et il n’y avait pas les infor­ma­tions qui pouvaient polluer les esprits. Aujourd’hui, les mecs se réveillent le matin, ils ont les alertes, savent tout ce qui se dit. Et quand on joue moins bien, il y a plus de mauvaises choses, donc ça peut tirer sur l’am­bu­lance. C’est la mode, des gens deviennent des super­stars de la télé­vi­sion en disant du mal.

On parle beau­coup de méforme du tennis fran­çais, néan­moins, Nicolas Mahut et Pierre‐Hugues Herbert sont revenus au premier plan cet été. Ne seraient‐ils pas votre atout numéro un pour ce week‐end ?

Ce serait bien qu’il y ait cinq double oui (sourire). On est en équipe, on sait qu’on est toujours perfec­tibles. Nico et PH sont perfec­tibles, c’est aussi le but de ce stage. Ce n’est pas juste pour se retrouver et discuter, c’est aussi pour bosser. Essayer de voir par rapport à ce qu’ils ont fait avec leur struc­ture, comment ils se sont entraînés, où ils en sont… Faire un point et voir si on peut apporter une amélio­ra­tion, tout comme avec les joueurs de simple.

Le décor, l’am­biance, 15 000 personnes, est‐ce que tout cela va avoir plutôt tendance à galva­niser les Serbes ou à les inhiber ?

Je ne sais pas. Vous savez cela dépend des joueurs. Certains joueurs se sentent bien dans un climat hostile. Nastase aimait bien que les gens rigolent pour pouvoir bien jouer, McEnroe aimait bien qu’il y ait le bordel pour pouvoir bien jouer, Borg s’en foutait. Moi je préfé­rais avoir le public avec moi, mon gamin au basket préfère avoir tout le public contre lui. Le tout est de connaître ses joueurs, se préparer. On va jouer dans un stade qui va nous encou­rager et qui sera peut‐être parfois impa­tient, car il se prépare à ce que l’on gagne faci­le­ment. À ce niveau‐là ils seront peut‐être un peu déçu. Ça ne va pas être un match facile, préparez‐vous !

De votre envoyé spécial à Lille