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WLT rencontre… Paul‐Henri Mathieu

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C’était il y a un mois ; nous avions contacté Paul‐Henri Mathieu pour prendre de ses nouvelles et avoir son senti­ment sur « Grand Chelem, mon amour ». Dans cet ouvrage, nous avons sélec­tionné deux de ses matches : le premier, pour son niveau de jeu, face à Nadal ; le second, pour le symbole et rendre hommage à son adver­saire, face à Gustavo Kuerten.

Le livre « Grand Chelem, mon amour » est dispo­nible. Retrouvez les 40 matches de légendes de la décennie 2001–2011. Un livre de la rédac­tion de GrandChelem/Welovetennis.

Paul‐Henri, on a sélec­tionné deux matches auxquels tu as parti­cipé : ta rencontre avec Nadal, à Roland Garros 2006 (défaite 5–7 6–4 6–4 6–4 – Roland Garros 2006), et celle avec Gustavo Kuerten, le dernier match de Guga à Paris (victoire 6–3 6–4 6–2 – Roland Garros 2008). Tu as un souvenir de celui‐ci ? A la fin, tu lui donnes une belle accolade…

Oui, bien sûr. Je savais que c’était spécial pour lui. Son dernier tournoi du Grand Chelem, son dernier match à Roland… En même temps, il ne jouait plus trop sur le circuit. Je savais que j’avais une bonne chance de m’imposer. Mais c’était un moment impor­tant pour lui, je ne voulais pas être trop démons­tratif. D’ailleurs, ça n’a pas été facile à gérer psycho­lo­gi­que­ment. Quoi qu’il en soit, j’étais content d’être en face de lui pour son dernier match.

Lors du tirage au sort, qu’est-ce que tu t’étais dit ? « C’est un tirage facile » ? « Je vais jouer une légende en fin de vie sportive » ?

Honnêtement, je savais qu’il ne pouvait pas tenir sur la durée – il avait mal à la hanche – et que j’avais de fortes chances de m’imposer. Dans cette rencontre, ce sont surtout les para­mètres exté­rieurs qui primaient : ce match, à Roland Garros, face à Gustavo Kuerten, pour sa der’… 

Tu lui as dit quelque chose de parti­cu­lier à la fin ?

Que j’étais content d’avoir pu jouer contre lui lors de son dernier match. Un grand bravo, aussi, pour sa carrière. Et qu’il était un exemple pour tous les joueurs !

C’est un joueur que tu appréciais ?

Oui, j’ai énor­mé­ment de respect pour lui, pour le person­nage, pour le joueur, pour la carrière qu’il s’est construite. D’ailleurs, j’ai eu de la chance de l’avoir joué plusieurs fois !

Est‐ce que vous ne vous ressem­bliez pas un peu, avec ce punch en coup droit et en revers…

On n’a pas le même revers – moi, je suis à deux mains –, mais il était très agréable à regarder sur le court. Il avait un jeu atypique ; c’était un atta­quant, qui savait tout faire. 

Tu te rappelles de l’ambiance dans le stade ?

C’était un peu bizarre, un peu comme un grand match d’exhibition. On a joué le dimanche, c’était un premier tour à Roland Garros, tout le monde me voyait favori… D’ailleurs, quand j’ai gagné ce match, j’avais plus l’impression de devoir refaire un premier tour derrière, que de me quali­fier au deuxième. (Rires)

L’autre rencontre que l’on a retenue, c’est celle contre Nadal, en 2006. Avec le recul, Rafa continue de penser que c’est l’un des matches les plus durs qu’il ait eu à jouer sur terre. Ca te surprend ?

C’était un match très intense pour moi, mais pour lui aussi, j’imagine. Il était crevé à la fin, c’est vrai. De toute façon, contre lui, sur terre battue, on est obligé de mettre énor­mé­ment d’intensité. Tous les points étaient accro­chés. Sur les plans psycho­lo­gique et physique, j’étais à 200%.

On dit souvent que PHM est passé à coté de grands exploits. Est‐ce que c’est le match qui t’apporte le plus de regrets ?

Non, pas vrai­ment ! J’ai perdu en quatre sets, je ne menais qu’une manche à zéro… Disons que je n’étais pas à quelques points de la victoire, même si les sets étaient accrochés.

On en fait trop sur ce match ? Quand on a ques­tionné les gens sur les 40 matches de la décennie, ils nous l’ont souvent cité…

Je pense que c’était un match très relevé. Il y avait un super niveau de jeu, on a fait excellent match tous les deux. Un gros combat physique, beau­coup de points gagnants. Vu du court, c’était assez impressionnant !

Et toi, si tu avais trois matches à retenir sur cette décennie ?

C’est diffi­cile… Quand on est sur le circuit, on ne regarde pas vrai­ment les matches. Mais il y a la finale à Wimbledon, en 2009, Roddick‐Federer. C’était un match énorme ! Je ne connais pas person­nel­le­ment Andy, mais il méri­tait de gagner au moins une fois Wimbledon, à mon sens. Là, il fait un super match. Je ne l‘ai pas regardé en entier, mais j’en ai vu une partie. Et puis, évidem­ment, il y a aussi le Nadal‐Federer de 2008…

Qu’est-ce que tu penses de la finale du dernier US Open, Nadal‐Djokovic ? Comme Nicolas Mahut, tu dirais qu’on est dans quelque chose d’irrationnel ?

Oui, mais j’ai déjà vu Marat Safin jouer à ce niveau. Il y a une finale à Bercy contre Lleyton Hewitt où il gagne en trois sets (NDLR : en 2002, il l’emporte 7–6(4) 6–0 6–4 contre l’Australien). Marat avait cette capa­cité à élever son niveau de jeu, comme Novak Djokovic le fait aujourd’hui.

Et les trois plus beaux matches de ta carrière à toi ?

Il y en a un que personne n’a vu : c’était en 2002, à Long Island. Je bats Sampras au terme d’un match énorme (NDLR : victoire 6–3 6–7(7) 6–4). La même année, je joue une super demi‐finale, à Moscou, contre Safin (NDLR : victoire 7–6(3) 6–4, sur le numéro quatre mondial). Après, je ne sais pas trop. Il y a Nadal, évidem­ment. S’il avait joué un poil moins bien, j’aurais peut‐être pu gagner…

Tu en es où, aujourd’hui ?

Je m’accroche ! J’essaie de jouer une heure et demie par jour. J’ai encore quelques douleurs, donc il me faut du temps…

Le calen­drier ?

Aucune idée. J’espère pouvoir rejouer en Australie. Maintenant, je ne suis plus à quelques semaines près non plus. Je vais voir… Je vais voir quand je me sentirai mieux. Il faut que je sois capable d’enchainer les entraî­ne­ments et les matches.

Tu auras un clas­se­ment protégé ?

Oui, je crois que c’est 90 ou 95ème. Mais bon, je n’y aurais droit que le temps de huit tour­nois, donc ça va me permettre de rentrer dans les Grands Chelems. Ensuite, je repar­tirai de zéro.

Comment tu te projettes vis‐à‐vis de la déli­cate période qui s’annonce ?

Pour moi, c’est secon­daire. Mon objectif, déjà, c’est de reprendre les matches et retourner sur le court. Après ce que je viens de traverser – une année sans jouer –, honnê­te­ment, je ne pense même plus au clas­se­ment. C’est le dernier de mes soucis. Taper la balle, c’est ça qui compte.

Qu’est-ce que tu fais sur tes séances d’une heure et demie ?

Un peu de jeu, des gammes… Pour le moment, je n’arrive pas à me lancer a 100%. Il faut que je revienne petit à petit, que je reprenne confiance. J’ai quelques douleurs, mais je peux taper à fond, servir à fond… C’est bien. Ca veut dire que je ne repar­tirai pas de zéro une fois que j’aurai récu­péré le physique. 

Quand est‐ce que tu pren­dras la déci­sion de t’aligner ou non à l’Open d’Australie ?

Je le saurai courant décembre. Si je vais en Australie, c’est que j’ai recouvré 100% de mes capa­cités physiques. Par contre, c’est clair que je ne serai pas encore préparé à jouer un Grand Chelem. J’irai pour la tête, me faire plaisir, me mettre un peu de baume au cœur et me donner du courage pour l’année qui vient. J’ai raté je ne sais combien de Grand Chelem d’affilée…

Tu veux passer un message à ceux qui te soutiennent, qui te suivent au quotidien ?

A ma copine…

Au niveau de l’entraînement, qui te suit au quotidien ?

Je me débrouille un peu tout seul quand je suis à Paris. Sinon, il y a Thierry Champion qui me suit. Je joue aussi avec des jeunes de l’INSEP. C’est diffi­cile d’engager un entraî­neur alors que je ne sais pas quand je vais rejouer. Financièrement, je ne peux pas promettre quelque chose que je ne pourrai peut‐être pas donner après.

Parmi les spor­tifs qui ont eu la même opéra­tion que toi (NDLR : au genou gauche), beau­coup ont réussi à revenir à un bon niveau ?

On ne sait pas. On espère… Une inter­ven­tion chirur­gi­cale garde toujours une part d’inconnue, rapport à la reprise qui suit. On ne sait jamais comment et si on va revenir au haut niveau.

Et ne pas y arriver, c’est quelque chose que tu envisages ?…

Aujourd’hui, je mets tout en œuvre pour rejouer. Si je n’y arrive pas, je serai déçu, c’est sûr. Mais, au moins, j’aurai tout donné et tout tenté. Je me donne les chances de réussir, même si je sais qu’il y a cette possi­bi­lité de ne pas réussir.

Tout autre sujet : on te voit, main­te­nant, en tant que consul­tant, à la télé ; on te sent très à l’aise, alors que, sur le court, tu parais timide !…

(Rires) Merci. On a tous une person­na­lité un peu diffé­rente sur le court, j’en suis conscient. Moi, ces trois dernières années, j’étais moins bien. Je me posais plus de ques­tions et, forcé­ment, ça se reflé­tait sur le terrain. Ca, ce sont des choses dont on ne se rend pas compte quand on joue toutes les semaines et qu’on a la tête dans le guidon. Mais, quand on prend un peu de recul, on découvre pas mal de trucs. Tout ça fait partie de la vie d’un sportif de haut niveau, souvent enfermé dans sa bulle.

Tu te plais dans ton boulot de consultant ?

Je prends du plaisir, car je joue au tennis depuis tout petit. Donc, j’aime aussi en parler et retrans­crire un peu ce qu’on ressent sur le court ou en‐dehors. Quelques fois, les gens ne se rendent pas compte de la diffi­culté de notre métier. Mais je serais, évidem­ment, plus heureux si je jouais…