C’est dans le cadre du Verrazzano Open à la Mouratoglou Tennis Academy que Benoit Paire nous a accordé un entretien. Calme, serein, le facétieux joueur tricolore a accepté de nous parler de cette terre battue qu’il aime tant où il pratique deux arts, celui de la glissade et de l’amortie.
Quel est ton rapport avec la terre battue ?
La terre battue est la surface que j’affectionne le plus. J’aime créer. Sur la terre‐battue, j’ai envie de dire que tout est possible. On peut faire des amorties, jouer service‐volée de temps en temps si on le désire. En fait, je pense que c’est sur l’ocre que mon jeu s’exprime le mieux. C’est une surface où l’on a le temps, où l’on peut installer une tactique bien précise. D’ailleurs, quand je suis bien physiquement et que je sens bien la balle, je crois sincèrement que c’est une surface sur laquelle je peux battre n’importe qui.
La terre‐battue, c’est aussi l’art de la glissade. Est‐ce que c’est un geste que l’on travaille constamment ?
Oui, on travaille la glissade et c’est primordial de la maîtriser. C’est une des grandes particularités du jeu sur terre. D’ailleurs, aujourd’hui, on glisse aussi sur dur donc ce geste doit faire partie de la panoplie du joueur de haut‐niveau. Quand on est jeune et en apprentissage de la glissade, on est amené à faire beaucoup d’exercices basés sur des déplacements sans la balle et la raquette. Le but est d’apprivoiser ce geste, d’être en confiance pour parvenir à être efficace en match. Pour ma part, venant du Sud et ayant grandi sur l’ocre, je dirais que l’art de glisser est venu assez naturellement. Je n’ai pas besoin de beaucoup d’heures d’entraînement par exemple pour retrouver mes automatismes. De plus, la sensation de glisser vers une balle que l’on croyait perdue est un des vrais privilèges du jeu sur la terre battue. C’est aussi pour cela que j’aime plus que tout cette surface.
Est‐ce que tu te rappelles de ton premier souvenir d’enfance sur l’ocre ?
Je ne m’en rappelle plus trop. Mais je me souviens en revanche que ce qui m’a vraiment plus c’est la possibilité de faire des amorties, de plonger aussi s’il faut. Comme j’aime faire le spectacle, c’est rapidement devenu ma surface de prédilection. J’ai des souvenirs aussi des masters régionaux qui se jouaient sur terre, c’étaient de vraies bagarres. C’étaient des duels épiques, comme seule la terre peut nous en offrir.
- « Glisser est naturel pour moi »
On va un peu parler d’amorties. On peut dire que tu maîtrises bien ce coup alors même qu’il peut être vraiment humiliant pour l’adversaire…
Je considère que l’amortie est un coup d’attaque que l’on peut tenter presque dans n’importe quelle position. Quand j’étais plus jeune, je le faisais souvent pour me débarrasser de la balle. Aujourd’hui, à haut niveau, cela ne fonctionne plus. Ce coup est un peu inné car déjà tout petit je le tentais. En fait, je jouais beaucoup avec mon frère dans les petits carrés. On se faisait de vrais matchs avec beaucoup de jeu en toucher, en déviations, en utilisant de l’effet. Cela m’a fait travailler la main. Par la suite, forcément, j’ai utilisé cela en match. Après c’est vrai que cela peut paraître humiliant pour l’adversaire mais il faut en faire abstraction car au final, une amortie bien exécutée, c’est aussi une arme fatale. J’ai gagné beaucoup de matches au 3e set car mon adversaire était cuit à force de courir vers l’avant. Alors même si au début, je peux en rater, l’essentiel est aussi d’user physiquement son adversaire.
Souvent on dit que l’arroseur peut être arrosé. As‐tu en mémoire un match où ton adversaire était aussi performant que toi dans ce domaine ?
Je dirais que j’ai presque rencontré un maître en amortie en la personne de Dustin Brown (rires). J’ai le souvenir d’un match contre lui où cela a été un vrai concours pour savoir qui en ferait le plus. C’était même un peu ridicule. Je me rends compte aussi que beaucoup de joueurs qui d’habitude n’en font pas régulièrement prennent un malin plaisir à en tenter contre moi. J’ai l’impression qu’ils veulent me passer un message pour me dire que eux aussi ils maîtrisent ce coup. Cela est amusant.
Le temple de la terre battue, des amorties, c’est forcément Roland Garros ?
Évidemment, Roland Garros reste la Mecque de la terre battue. J’y ai beaucoup de bons souvenirs. J’y ai fait tous les championnats de France.
- « L’amortie est un coup d’attaque »
Quel est pour l’instant le match qui t’a le plus marqué ?
C’est ma victoire sur Marcos Baghdatis sur le Suzanne Lenglen en 2013. De toute façon, à chaque fois que le tournoi approche, l’adrénaline grimpe d’un ton. J’ai toujours hâte de participer à Roland Garros d’autant que je sais que quoi qu’il arrive le public sera derrière moi. C’est vraiment un moment très particulier, spécial pour un Français car il y a toujours une vraie communion avec les fans.
Les spécialistes de la communication expliquent que Benoit Paire est clivant. En gros, on aime, ou on n’aime pas, es‐tu d’accord avec ça ?
C’est vrai que lorsque l’on parle de moi, il n’y a pas de compromis possible. Tout au long de la saison, je croise beaucoup de personnes dans les allées qui me disent qu’elles adorent mon style de jeu et aussi d’autres presque aussi nombreuses (rires) qui me regardent avec une vraie agressivité. C’est mon quotidien, je m’y suis habitué.
Est‐ce facile à gérer ?
J’y parviens mais j’avoue aussi que je suis assez sensible et émotif. Du coup, quand je lis des choses assez négatives à mon sujet cela me touche et cela me fait quelques fois très mal.
Es‐tu conseillé pour parvenir maîtriser tes émotions ?
Oui, et j’essaye de changer d’attitude, de réagir en prenant du recul. Par le passé, il m’est arrivé de dire des choses sur le coup de l’émotion et cela peut être vraiment mal interprété et avoir de vraies conséquences négatives.
Beaucoup de champions sont un peu tendus et nerveux sur le court alors que dans la vie ils sont calmes, c’est d’ailleurs ce qui se dit sur toi…
C’est effectivement la vérité. Je me transforme quand je rentre sur le court. Donc tout ce qui se dit sur moi me touche car le Benoit Paire joueur ce n’est pas le Benoit Paire dans la vie.
On est quand même obligé de parler de la Coupe Davis, est‐ce que tu penses que c’est déjà terminé avant même d’avoir commencé ?
Je la regarde de loin pour l’instant car je n’en ai jamais fait partie. Même en tant que 40e mondial quand l’équipe est décimée mon nom ne fait pas partie de la liste. Donc je me dis qu’il y a beaucoup beaucoup beaucoup (il insiste) de monde devant moi. Je fais avec maintenant, même si cela reste un gros objectif et que représenter mon pays serait un vrai honneur.
On a l’impression qu’il n’y pas de dialogue avec le team France, on se trompe ?
Non, c’est la réalité. J’ai croisé Yannick Noah à Miami il m’a encouragé pour mon match, c’est tout. C’est comme ça, et au final, ce n’est pas la peine de polémiquer là‐dessus.
Publié le jeudi 18 mai 2017 à 19:30