Relax, tranquille et sûr de lui, Gilles Simon, que nous avons rencontré dans le cadre de la rencontre de Coupe Davis France‐Australie, nous dévoile sa science du coaching. Attention… ça déménage !
Gilles Simon, première partie de l’entretien.
Gilles Simon, deuxième partie de l’entretien.
Selon Toni Nadal, que nous avons interrogé sur le sujet (voir ici et ici), le coach devrait pouvoir intervenir pendant les matches de son joueur et ne pas se contenter de rester assis, sans rien dire. Qu’en penses‐tu ?
Je m’inscris en faux. Cela transformerait le tennis qui, pour moi, deviendrait carrément un autre sport. Ce qu’il y a de puissant dans le tennis, c’est que le joueur est seul et que c’est à lui seul de trouver la solution sur le court. C’est un peu l’idée d’un sport individuel, non ? Il y a un aspect tactique qui est défini avec le coach à l’approche d’un match, mais, quand ça tourne mal, le joueur doit avoir la capacité de s’adapter aux circonstances. En aucun cas il ne doit pouvoir se tourner vers une tierce personne. Cela tuerait ce qui est, selon moi, très intéressant dans le tennis.
Mais alors, à quoi sert un coach ?
Le coach, il est là pour remarquer ce qui ne va pas dans les matches et travailler ces points‐là par la suite. Il est aussi là pour aller observer les futurs adversaires et préparer les rencontres à venir. Son rôle est ainsi très important, car il englobe plusieurs missions. Celui de réserver les terrains, de faciliter la vie du joueur et, bien sûr, de définir les chantiers, les priorités techniques pour améliorer le jeu de son athlète. Il doit être en relation avec le kiné et le préparateur physique. Mais, une fois que le joueur entre sur le court, son rôle devient minime. Sur le circuit, tout du moins, car la Coupe Davis est vraiment différente là‐dessus. D’ailleurs, certains gars sont beaucoup plus forts dans cette compétition. Pourquoi ? Parce que le soutien du Capitaine, pour ceux qui n’ont aucun sens tactique, facilite les choses et peut faire basculer une rencontre. Mais, à mon sens, un joueur doit être capable de tenir ses nerfs, de rester concentré et ce n’est pas vraiment la même chose s’il s’appuie sur quelqu’un tous les deux jeux pour garder une ligne de conduite tactique sur le court.
On n’en fait pas un peu trop sur le rôle du coach ?
Non, car un coach va avoir un pourcentage d’influence différent sur chaque joueur. Par exemple, Jo (Tsonga), j’ai l’impression qu’il en a moins besoin qu’un autre. D’ailleurs, le moment où il a été le plus performant, c’est quand il était seul. Rafa, c’est tout le contraire. Toni exerce sur lui une influence assez forte. Néanmoins, quelle que soit cette influence, le tennis reste un combat entre deux joueurs seuls sur le court, sans aide extérieure. C’est son essence et la beauté de ce sport. Je regrette que ce ne soit pas forcément le cas dans d’autres disciplines, comme la Formule 1, où les pilotes ne partent pas sur le même pied d’égalité suivant la voiture qu’ils conduisent.
« Le tennis reste un combat entre deux joueurs seuls sur le court, sans aide extérieure ! »
Tu parles de Formule 1 et de moyens techniques. Mais, aujourd’hui, on tend vers une organisation globale avec des teams complets, dont les coaches seraient les chefs d’orchestre. Et, forcément, pour supporter de telles structures, il faut beaucoup de moyens…
C’est bien le sujet et le problème, car un joueur 80ème mondial ne peut pas avoir le staff d’un gars comme Novak Djokovic. C’est aussi pour cela qu’on s’est battus pour l’augmentation des prizes‐money. On voulait faire en sorte que les joueurs du top 100 puissent avoir les moyens de s’entourer d’un coach et d’une équipe, car cela nous semble plus juste. Au moins, on peut se dire qu’à cette échelle, nous partons plus ou moins tous sur un même pied d’égalité.
Le coach a souvent un rôle très global, mais il y a des joueurs qui préfèrent parcelliser leur entraînement. Certains travaillent le mental avec un coach mental, par exemple. Qu’est‐ce que ça t’inspire ?
Selon moi, tout doit partir du coach. Car ce n’est pas aussi simple qu’on veut bien le faire croire. On ne dit pas à un préparateur physique : prépare‐moi un avion de chasse. Tout ça doit se faire dans le dialogue et la concertation. C’est, notamment, très important pour le kiné. Il devrait toujours y avoir une passerelle entre le préparateur physique, le kiné et le coach, car, au final, tout est lié. Donc tu peux prendre trois experts dans chaque domaine, s’ils ne se parlent pas, cela ne servira à rien. Là, le rôle du coach devient essentiel : c’est lui qui a une vue globale du programme. Ce recul, il est nécessaire pour éviter les blessures, par exemple. C’est un tout ! Moi, je sais que cela m’a manqué par le passé. Certaines fois, il m’est arrivé de faire beaucoup de physique pour m’améliorer… avant de me blesser dans la foulée. J’allais alors logiquement voir le kiné pour réparer. Ce fonctionnement n’est pas le bon, il aurait fallu que je mette en place des synergies globales entre les différents intervenants pour me permettre de travailler en limitant le risque de blessure. C’est à ce moment‐là que le rôle du coach devient ultra‐important, même si je trouve que cette profession a un problème de reconnaissance.
C’est‐à‐dire ?
A mon avis, le travail des coaches n’est pas assez concret pour le grand public. On ne les voit pas, on a du mal à expliquer ce qu’ils font…
« Le travail des coaches n’est pas assez concret pour le grand public »
Eux s’en plaignent, de ce manque de reconnaissance…
Oui, mais là, je vais repartir dans mes délires (rires) : je pense que ça va encore rester ainsi très longtemps. Car on ne peut pas demander aux journalistes et aux médias en général de comprendre ce qui se passe sur le terrain (éclats de rire). Or, c’est aussi à eux de montrer le rôle du coach. Il y a une incompréhension globale qui dessert la profession. Si l’on ne voit pas concrètement le travail de l’entraîneur, alors on ne le comprend pas. Et, si on ne le comprend pas, on remet en question une expertise ou on simplifie à outrance, ce qui revient au même. Je te donne un exemple : comment a été expliquée la victoire de Stan à Melbourne ? Comment ? Un déclic. Un déclic dans sa tête. Le fameux déclic ! C’est l’explication que j’ai lue. Pareil avec Robin Söderling. Pourtant, moi, je sais pourquoi Robin est passé de la 30ème place mondiale à la cinquième et il ne s’agit pas d’un simple déclic. Mais si on ne parle que de ce déclic, d’une part, on ne comprend pas ce qui s’est passé et pourquoi il a atteint la finale de Roland Garros ; d’autre part, on ne met pas vraiment en avant le travail de Magnus Norman.
Certes, mais, d’un autre côté, on a l’impression que les coaches n’ont pas la volonté de communiquer entre eux ou de dévoiler leurs méthodes…
C’est bien pour ça qu’on a toujours une fausse explication… et la fameuse idée du déclic (rires).
Cela veut dire que tout doit rester secret ?
C’est une évidence. Je vais paraître vraiment arrogant, mais je pense que j’en connais un rayon incroyable sur la tactique. Néanmoins, je ne vous en parlerai jamais avec précision. Je pourrais vous expliquer mes pronostics des matches de ce week‐end et comment j’ai pu anticiper les choses, mais ça non plus, je ne le ferai pas (rires). D’autant qu’en Coupe Davis, c’est un peu particulier, car si tu donnes certaines clefs à un coéquipier, tu sais que tu vas peut‐être le jouer la semaine d’après sur le circuit. C’est assez délicat. En revanche, je discute beaucoup plus avec les jeunes, car ils vont m’enterrer tôt ou tard. Du coup, là, je transmets mon savoir avec plaisir.
Deuxième partie ce jeudi 20 février à 19h00.
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Publié le jeudi 20 février 2014 à 11:29