Le rideau tombe sur la saison 2014. À cette occasion, WeLoveTennis a décidé de dresser un bilan de cette année tennistique, riche en événements et émotions. De Serena Williams à Roger Federer, en passant par Novak Djokovic, Fabio Fognini ou Stan Wawrinka, nos grands témoins vous livrent leurs analyses, avec passion. Patrick Mouratoglou, consultant sur Eurosport et entraîneur de Serena Williams, et Lionel Roux, consultant sur Canal+ et entraîneur de l’équipe de France de Coupe Davis, suivent toutes les semaines l’actualité du tennis. Et possèdent un regard avisé sur le monde de la petite balle jaune.
Coup de cœur…
« Je vais remuer le couteau dans la plaie, mais il faut rendre hommage à la saison de Roger Federer qui termine en apothéose en gagnant la Coupe Davis, le seul grand titre qui lui manquait. Cela a toujours été quelqu’un que j’admire, au‐delà du tennis, il fait partie des grands champions, des grands hommes du tennis. J’insiste beaucoup sur ce mot là, car en‐dehors de ce qu’il produit sur le court, c’est une chance pour le tennis d’avoir un mec qui donne autant, qui a autant de respect pour son sport. Il y en a peu qui arrivent à faire la part des choses. Il est toujours resté lui‐même, avec tout ce qui va derrière, il a eu des changements dans sa vie avec l’arrivée d’enfants, il est resté très compétitif, avec le sourire. Je me souviens à Bercy, il prenait des photos avec des enfants avant un match. Pouvoir commenter Federer est un vrai régal. Regarder, admirer ce qu’il fait sur le terrain, c’est fabuleux. Il a su aussi se remettre en questions. Dans le milieu, et j’aime bien ces termes, on dit qu’il a plus le style de jeu « costard », mais par exemple il a beaucoup travaillé le double en fin de saison par rapport à la Coupe Davis, donc avec un objectif précis. Il sait pourquoi il le fait. Il est capable de mettre le « bleu de travail », une force quand on a son âge. »
Coup de gueule…
« C’est un joueur qui, encore une fois, est très talentueux, mais je n’ai plus envie de le commenter, c’est Fabio Fognini. Il devient de plus en plus difficile à commenter, à voir jouer. On regarde simplement car il va se passer quelque chose, mais dans le mauvais sens du terme. A la fin de la saison (après sa défaite face à Lucas Pouille au BNP Paribas Masters de Bercy), Carlos Bernardes, qui est un arbitre respecté du circuit, ne lui serre pas la main. Au lieu de lui mettre des sanctions financières, l’ATP devrait lui infliger des suspensions au niveau des tournois comme on peut voir dans d’autres sports. Et je suis persuadé que c’est un bonhomme qui peut très bien jouer au tennis. Il a un super coach (NDLR : José Perlas), je ne sais pas s’il se rend compte de ce qu’il peut produire avec sa raquette et de l’entourage qu’il a. Je n’ai plus envie de le commenter (rires). Après attention, il ne faut pas aseptiser le tennis non plus. Quand un joueur casse une raquette ou envoie une balle, il ne faut pas donner d’avertissement tout de suite. Fognini qui insulte tout le monde, qui met le bazar, qui est irrespectueux, là faut mettre le hola. A un moment donné les enfants regardent aussi, je suis père et je dis à mes enfants d’être respectueux des adversaires, des arbitres, on est un exemple pour les prochaines générations. C’est vraiment dommage car il est numéro un italien et ça faisait longtemps que l’Italie n’avait pas eu un tel joueur capable de gagner des tournois et de les amener en demi‐finales de la Coupe Davis. »
Un fait marquant de la saison 2014…
« Quand on voit les vainqueurs de Grand Chelem de l’année, ça laisse peut être la perspective aux autres de se dire que c’est possible car Marin Cilic et Stan Wawrinka l’ont fait. On a beaucoup parlé du « Big Four » qui a eu une belle période à tout dominer, ça paraissait impossible de gagner un tournoi. Là, on se dit pourquoi pas, et je pense aux Français qui doivent se dire que c’est possible, peu importe l’âge aussi. Maintenant je trouve que beaucoup de joueurs peuvent rester compétitifs très longtemps, c’est difficile de remporter un gros titre très tôt comme des Hewitt ou Roddick à l’époque. Il y a un match qui m’a marqué et que j’ai regardé du premier au dernier point, c’est la demi‐finale du Masters de Londres entre Stan Wawrinka et Roger Federer. Ils se sont vraiment déchirés ! Ils se sont battus tous les deux, et c’est la meilleure manière de montrer le respect que l’on a pour l’autre en donnant tout ce que l’on a. Cela aurait pu leur coûter cher pour la finale de Coupe Davis, mais finalement, cela a été une force. Je trouve aussi que c’est bien de voir des nouvelles têtes qui ont confirmé comme Nishikori, Dimitrov ou un mec comme Goffin. C’est quelqu’un à suivre je pense car toutes les victoires consécutives qu’il a réalisé, certains diront qu’il y a des Challengers, mais il faut le faire ! Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir faire ça. Un mec comme Nadal m’a également manqué. Sans lui, c’est différent. On sent Federer plus fort quand il n’est pas là. Il a tellement un ascendant psychologique sur lui… C’est un peu mon sentiment personnel. J’adore le double aussi, c’est très vivant, il n’y en a pas assez à la télévision. J’en profite pour dire que ce que font les Bryan, c’est juste monumental. Il y a des critiques envers le double, mais quand des joueurs de simple essaient de s’y mettre, ce n’est pas évident de gagner. Tactiquement, les Bryan sont fabuleux. Ils en sont à plus de 100 titres ensemble, il faut souligner cette longévité. Ils font un peu oublier que le tennis US n’est pas au mieux, ils aident à booster derrière. »
- « Federer fait partie des grands champions, des grands hommes du tennis »
Rafael Nadal peut‐il effectuer un énième retour…
« C’est toujours compliqué pour Nadal, son jeu se base sur son physique, un élément très important. Mentalement c’est un des mecs les plus forts. Après je pense qu’il sera encore très difficile à battre à Roland‐Garros, il peut encore aller en grappiller quelques uns sur terre. J’espère qu’il sera là car c’est comme Federer, je le mets dans la catégorie des grands champions et c’est toujours dommage qu’il soit absent du circuit. J’espère qu’il va faire une grosse saison, pour cette rivalité entre les grands et ceux qui poussent derrière. Nadal a quand même quatre titres en jouant une moitié de saison, il n’est pas si loin des autres (Djokovic sept titres et Federer cinq titres). S’il fait une saison complète il sera encore plus présent, il faudra compter sur lui. Il a pris le temps de bien se soigner, ça va être intéressant, il fait partie de ces mecs qui vous changent un tournoi, ça rejoint ce que je disais sur Federer, et quand il n’est pas là, c’est différent selon moi. »
Djokovic, le patron du circuit…
« Djokovic est clairement le patron, à l’image de cette fin de saison en indoor (titré à Bercy et au Masters de Londres). Après je le trouve un peu un cran en‐dessous de ce que réalisent Federer et Nadal. Ça reste plus personnel aussi, je préfère Federer et Nadal dans ce qu’ils représentent et le charisme qu’ils peuvent avoir, ce sont des joueurs que je mets dans la catégorie des grands champions. Djokovic je le mets à part. Il a toujours ce côté de truqueur. Je me souviens aussi de la finale de Coupe Davis en 2010 où il avait harangué la foule, je me dis que Federer et Nadal ne l’auraient pas fait. Il surjoue un peu, ça manque un peu de naturel. Il est peu robotisé. Mais attention, il est monstrueux dans ce qu’il est capable de faire notamment au retour, il voit tout avant tout le monde et plus vite, il est au‐dessus ! »
Un pari pour la saison 2015…
« Je dirais Nishikori que je mets devant Raonic, malgré sa grosse arme qui est le service. Si ça ne va pas bien, il a peu de solution. Nishikori est beaucoup plus complet. Attention à Murray qui va être là, il a confirmé Amélie (Mauresmo) dans son rôle d’entraîneur. Il n’a pas été jugé à sa juste valeur et il est capable de faire beaucoup mieux. Dimitrov, j’ai encore du mal à me faire une opinion, autant parfois c’est exceptionnel ce qu’il fait, et autant parfois on a du mal à savoir ce qui se passe. Par contre, il a su très bien s’entourer, ce qui est un point très important. Il est avec Roger Rasheed et il a pris le physio de Roger Federer, Stéphane Vivier. On le voit avec les autres aussi, Nishikori a Chang, Raonic a Ljubicic et Piatti. Les mecs ont un objectif fort et ils y mettent tous les moyens pour y parvenir. C’est un coût, mais c’est un investissement qui paie, ils terminent déjà dans les dix. Après je pense aussi à un Gulbis qui est capable de faire mal en Grand Chelem s’il arrive à gérer les premiers tours, à être parfois un peu moins fou fou, mais c’est aussi ce qui caractérise son jeu et ses forces. Il est capable d’embêter les meilleurs. Je le vois comme un joker sur un gros événement. Des joueurs peuvent exploser, on parle beaucoup de Coric, c’est solide, mais j’attends de voir. Je vais être un peu franchouillard, j’ai bien aimé ce qu’a fait Lucas Pouille en fin de saison. S’il continue, il est capable d’aller chercher rapidement une place dans les 50. J’aime beaucoup son attitude. Zverev a fait beaucoup de progrès et il va confirmer. Il a connu une période un peu plus compliquée, mais le temps qu’il digère, il va vite grimper. Franchement, c’est très costaud ! »
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Publié le mercredi 31 décembre 2014 à 09:00