AccueilActualitéArantxa Sanchez, et c'est parfois le taudreau qui gagne

Arantxa Sanchez, et c’est parfois le taudreau qui gagne

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Si une tennis­woman a incarné la figure de l’out­sider pendant 17 ans d’une carrière où elle fut toujours dans le tiercé final, c’est bien Arantxa Sanchez. Sans service, ni coup droit, ni revers, sans autre point fort que sa résis­tance physique et son intel­li­gence de jeu, l’es­pa­gnole a signé un des plus beaux palmarès du circuit. Et avec le sourire s’il vous plait. 

C’est quoi le signe de quel­qu’un qui n’a pas peur, qui ne croule pas sous le poids de l’enjeu, qui joue sa finale comme un autre match, bref à quoi reconnait‐on qu’un outsider va se grignoter le favori parce qu’il n’a pas commis l’er­reur de refaire 15 fois la finale dans sa tête la nuit précé­dente ? C’est peutêtre l’art très parti­cu­lier de prendre son pied le dimanche. C’est Boris Becker qui au premier set de sa finale contre Kevin Curren se met à jongler comme un foot­bal­leur avant de faire un retourné spec­ta­cu­laire pour rendre la balle au petit ramas­seur qui l’avait laissé échapper. C’est Pete Sampras qui à 20 ans n’ôtera jamais de son visage ce sourire béat limite benêt qu’il affi­chera jusqu’à la remise du gros chèque du jour après avoir épinglé McEnroe, Lendl et Agassi à l’US Open 1990. Mais c’est surtout une jeune Espagnole intré­pide qui en plein milieu d’une finale contre la grande légende du tennis, Steffi Graf, se permet de rattraper en plein vol une balle balancée depuis la tribune haute par un de ses suppor­ters venus de Catalogne pour la soutenir. « Arriba Arantxa ! » s’écrie le lanceur impu­dent et le public pari­sien, sous le charme d’une séquence aussi inouïe, marquant à la fois l’adresse et la décon­trac­tion de la joueuse, de prendre défi­ni­ti­ve­ment fait et causes pour le taureau face au matador. Pour une fois, le taureau aura la vie sauve. 

On l’ou­blie, mais au coeur d’une double année 1988–1989 où Steffi Graf remporta 7 tour­nois du Grand Chelem sur huit, seule une joueuse trouva les ressources mentales pour la faire chuter, qui plus est de le faire dans son trois pièces meublé, Roland‐Garros, et à l’âge de 17 ans et demi, deve­nant du même coup la plus jeune vain­queur à la Porte d’Auteuil. Dans une partie d’échecs de près de 3 heures, remportée 7–6 3–6 7–5, la jeune Arantxa Sanchez avait eu en sus le culot de faire marrer le public fran­çais. Côté tactique la Barcelonaise avait piégé Steffi dans des rallyes éprou­vants, faisant valoir son incroyable résis­tance du fond du court, une capa­cité préna­da­lienne à ramener toutes les attaques de coup droit de l’Allemande quitte à lui livrer des grandes cloches sans consis­tance. Steffi avait trouvé une première rivale céré­brale à sa taille. Bientôt elle aurait fort à faire avec l’in­tui­tive et espiègle Monica Seles. 

Pendant ce temps, Arantxa Sanchez allait donc se dessiner une carrière d’éter­nelle « 3ème fille », toujours bien placée dans la ligne droite, présente dans pas moins de 12 finales de Grand Chelem entre 1989 et 1998, mais victo­rieuse unique­ment à quatre reprises. C’est en 1994 qu’elle connais­sait l’apogée de sa carrière en rempor­tant à nouveau Roland‐Garros au dépend de Mary Pierce avant de signer un remake de sa victoire surprise contre Steffi Graf en battant une nouvelle fois l’Allemande à l’US Open. Alors que cette dernière n’avait pas concédé un set depuis le début du tournoi et continué son galop d’en­traî­ne­ment en finale en enquillant dans le premier set la baga­telle de 20 points sur 24 possibles (6−1), Graf chutait lour­de­ment dans le 2ème set et coin­çait son tennis. Un gros coup de résis­tance de l’Espagnol dans le tie‐break du 2ème remporté 7 points à 3 et voilà Arantxa qui se jouait à nouveau de Graf dans la 3ème manche (6−3). L’Allemande prenait sa revanche lors du Roland‐Garros 1995 mais c’est bien l’Espagnole qui était devenue un peu plus tôt et pour douze semaines consé­cu­tives, la numéro 1 mondiale. L’éternelle outsider du tennis féminin signait par ailleurs l’ex­ploit d’être au sommet de la hiérar­chie tant en simple qu’en double, une perfor­mance plus entrevue depuis la retraite de Martina Navratilova. 

Mais c’est surtout par son humeur toujours joyeuse, son fair‐play reconnu de toutes, et son grand patrio­tisme qu’Arantxa allait marquer le tennis mondial. Tout d’abord en rame­nant la première Fed Cup en Espagne en 1991, un trophée qu’elle allait remporter 5 fois, mais surtout en ouvrant l’ère des Ibères à Roland‐Garros. Dans le sillage d’une dernière victoire à Paris en 1998 contre Monica Seles obtenue symbo­li­que­ment devant le roi d’Espagne, les Bruguera, Berasategui, Moya, Corretja, Costa, Ferrero et autres Nadal s’étaient depuis long­temps engouf­frés pour faire du stade des Mousquetaires leur jardin pari­sien. Intronisée 2007 au Hall of Fame au côté de Pete Sampras, Arantxa n’était pas peu fière du chemin parcouru : « Il me semble que les Espagnols me recon­naissent d’avoir été quel­qu’un d’im­por­tant dans l’his­toire de mon sport ». Toujours aussi humble, Arantxa ne cachait pas que pour elle, le grand sportif de l’his­toire de la pénin­sule demeurait