Ce jeudi, Arnaud Clément a eu le privilège de se frotter en avant‐première à Rafael Nadal, n°1 mondial et quadruple vainqueur Porte d’Auteuil, lors du Masters Guinot – Mary Cohr de Rueil Malmaison.
L’occasion pour « la Clé » de trouver ses derniers repères à quelques jours d’un Roland Garros qu’il attend avec impatience non dissimulée…
Clément, comment te sens‐tu avant d’attaquer cette édition 2009 de Roland Garros ?
Bien. Sincèrement… Très bien même ! Ce qui est important pour moi, c’est de me sentir bien physiquement, et c’est le cas. Je suis très confiant avant de disputer ce Roland‐là. Ma préparation s’est bien passée, je n’ai eu aucun pépin, j’arrive au top physiquement. Alors ce n’est peut‐être pas la garantie que je vais gagner plusieurs matches à Roland, mais c’est essentiel pour me jeu : cela me donne au moins la possibilité de bien jouer.
Quel est ton objectif sur la quinzaine ?
Difficile d’avoir un objectif. Je préfère attendre de voir comment va se passer le tirage au sort. Là, je peux vous dire « J’aimerais gagner deux matches, trois matches, quatre matches… », et si je joue le gars que j’ai joué aujourd’hui, mes objectifs peuvent être revus à la baisse assez vite ! (sourire)… On verra bien. En tout cas, j’ai envie de me régaler. Mon objectif se passe avant. Mon objectif, quand j’aborde un Grand Chelem, c’est de tout faire pour arriver la veille de ce Grand Chelem dans les meilleures conditions possibles. Et c’est le cas, donc mon objectif est atteint d’un point de vue personnel. Je sais que lorsque j’entrerai sur le court, j’aurai la hargne, l’envie. Parce que l’on est en France, parce que c’est un Grand Chelem. Et parce que j’ai 31 ans, et des Roland Garros, je sais que je n’aurai pas l’occasion d’en jouer encore dix. Tout ça sera très naturel pour moi. Je suis très content d’arriver dans ces dispositions‐là.
Tu t’apprêtes donc à disputer ton douzième Roland Garros avec un gros appétit…
Oui, bien sûr. Je suis très, très motivé. Qu’y a‑t‐il de plus motivant, avec la Coupe Davis, que de pouvoir jouer un Grand Chelem dans son pays ? Mais aussi très confiant, très décontracté. Je me sens bien, et pas de raison que cela se passe mal. Mais les matches de tennis, je sais ce que c’est. Je sais que c’est dur. Je sais qu’il y aura quelqu’un en face qui aura envie de me battre. Quel que soit le tirage au sort, ce ne sera pas facile de passer le premier tour. Et si je le passe, ce ne sera pas facile de passer le deuxième… Mais je suis là pour ça. J’arrive très armé mentalement, car j’ai une grosse envie
Le Arnaud Clément cru 2009, que vaut‐il ?
Pas mal (sourire)… Même si je sais, car j’étais à Bordeaux la semaine dernière, qu’il y a eu beaucoup de grêle et que cela a détruit une bonne partie de la production… (sourire) En tout cas, pour moi, pour l’instant, ça va. Je veux vraiment profiter de chaque instant. Je suis peut‐être plus décontracté car j’ai aujourd’hui plus de recul qu’avant. Mais j’ai toujours cette envie. Et quoi qu’il se passe, si je perds au premier ou au deuxième tour, je sais que je serai très déçu, que ça fera mal. En tout cas, je n’aborde pas Roland en pensant à ça. J’aborde Roland en me disant que tout va bien pour moi, dans mon tennis et mon physique, et que j’ai de bonnes chances de gagner des matches.
Et par rapport aux autres saisons ?…
Ça va être très intéressant. Parce que je me demande si je ne suis pas meilleur qu’avant sur terre battue. Y a‑t‐il eu des choses aujourd’hui dans mon jeu qui ont pu « gêner » Nadal ? En tout cas, je me sens très bien, et suis très excité à l’idée de faire des matches.
Comment te sens‐tu après avoir joué Nadal aujourd’hui ?
C’est clair que sa balle est très dure à contrôler, il frappe très fort… Mais ce que je vous dit là, ce sont des banalités quand on parle de lui… En tout cas, c’est bien de jouer un gars comme ça, car je sais que, quel que soit mon adversaire au premier tour (sauf si c’est lui) : la balle sera plus facile à contrôler. C’est bien, ça donne des points de repères, des schémas de jeu. Il est toujours très intéressant de jouer contre des joueurs qui ont un niveau aussi exceptionnel que le sien.
En quoi est‐ce une bonne chose de prendre part à un tournoi comme ce Masters Guinot‐ Mary Cohr ?
C’est toujours un plaisir de pouvoir participer à un événement aussi bien organisé. Et l’on arrive sur un court qui ressemble vraiment énormément à un court de Roland. Or pas facile de faire des courts aussi parfaits qu’à Roland ! On joue à peu près dans les mêmes conditions. Et l’on est en situation de match, de concentration de match, avec les ramasseurs, les arbitres etc. En configuration de compétition. Même si, forcément, c’est plus détendu, c’est très intéressant, trois jours avant le début du tournoi, de faire des matches comme ça. Ça donne des repères.
Comment as‐tu senti Rafa ?
Il a joué tellement de tournois ces dernières semaines, gagné tellement de matches… Si l’on pense, parce qu’il a perdu un match sur trente, qu’il est moins bon que l’année dernière, bon… (sourire) C’est clair que les repères ne sont pas les mêmes pour tout le monde ! Je crois qu’il a fait énormément de matches extrêmement importants, beaucoup de matches accrochés, de matches durs ces dernières semaines. Et là, il est forcément un peu plus décontracté, essaye d’avoir de bonnes sensations, de bien taper dans la balle. S’il fait quelques fautes, ça n’a pas plus d’importance que ça. Il essaye, à mon avis, de bien régler ses schémas de jeu. En tout cas, je pense qu’il est en pleine forme, et que ce sera vraiment l’homme à battre dans les quinze jours qui viennent.
A ton avis, combien de joueurs rentrent sur le court en se disant sincèrement qu’ils sont en mesure de le battre ?
Je ne peux pas répondre pour les autres. Mais moi, si je rentre sur le terrain face à Nadal, je rentre pour le battre. Sinon, même pas la peine de rentrer sur le court ! A mon avis, c’est le cas de la majorité des joueurs. Peut‐être que quelques‐uns arrivent d’entrée avec le match perdu dans la tête. C’est possible. Je n’en sais rien. Je ne veux pas parler pour les autres. Simplement, pour arriver à ce niveau‐là, nous sommes des compétiteurs. Et les compétiteurs veulent relever des défis. C’est clair que jouer Nadal, ça c’est un sacré défi ! Si l’on arrive sur le court en étant sûr de perdre, ces matches deviennent inutiles. Ça n’a aucun intérêt. Alors que c’est quand même un super challenge contre des gars comme ça, des top Ten. Vous imaginez ? Jouer contre le n°1 mondial, essayer de le battre… Même si l’on a une infime chance, il faut essayer de la saisir si elle se présente.
Face à un joueur comme lui, on arrive à prendre du plaisir, à s’éclater ? Ou tout va trop vite ?
Oui, bien sûr ! Après, ça dépend : s’il te met à quatre mètres à chaque point, c’est un peu moins marrant… Mais je prends du plaisir dans l’effort physique, dans les courses. Alors avec lui… C’est bien on visite du terrain, c’est pas mal (sourire). Par contre, il a une balle très dure à contrôler. Il fait vraiment faire des fautes, et ça, c’est un peu moins drôle…
Quelle est, à ton avis, sa faiblesse sur terre ?
Alors là !… Si jamais quelqu’un a la solution, qu’il nous la transmette !… Quelques joueurs sont capables de le battre, quand ils sont au top de leur forme, et si jamais Nadal n’est pas à 100%. Mais ça ne veut pas dire qu’il a une faiblesse. Cela veut simplement dire qu’ils sont, eux aussi, très forts. Quand ces mecs‐là sont en pleine possession de leurs moyens, quand ils sont dans un grand jour, compliqué de les battre eux aussi !
Qui peut battre Nadal ? Et comment le battre à Roland Garros ?…
Ces dernières semaines, deux joueurs ont montré qu’ils étaient capables de le battre. Deux joueurs l’ont inquiété : Djokovic et Federer. Même s’ils en sont capables, ils devront sortir LE match le jour J.
Pour ta part, te sens‐tu capable de battre n’importe qui ces prochains jours ?
La terre battue, je ne vais pas vous dire n’importe quoi : c’est la surface qui convient le moins à mon jeu. Même si cette année j’ai des sensations un peu différentes (notamment grâce à un changement de matériel), je me sens beaucoup plus à l’aise… Mais aujourd’hui, je ne peux pas avoir l’ambition d’atteindre les demies ou les quarts de finale de Roland, alors que mon meilleur résultat était un huitième de finale, il y a six ans, à un moment donné de ma carrière où je considère que j’étais beaucoup plus fort qu’aujourd’hui. Je ne dis pas que c’est impossible, mais il faut un concours de circonstances, un bon tableau, que je joue mon meilleur tennis un, deux, trois fois d’affilée : ça n’arrive pas chaque semaine… Après, pourquoi pas ? Pourquoi ça n’arriverait pas en France, devant ce public qui soutient toujours les Français à 100% ? On a cette chance‐là… Donc pourquoi pas Roland. Ce n’est pas un objectif, mais pour moi, rien n’est impossible en tennis. On a des surprises tous les ans dans les Grands Chelems. Je ne me mets pas de barrières, ni d’objectifs trop hauts non plus.
A Roland, tu es souvent tombé d’entrée de jeu sur des joueurs très forts…
Quand on est tête de série, dans les 32 premiers, on est au moins protégé sur les deux premiers tours. Ces gars‐là, leur classement, ils l’ont mérité sur les douze derniers mois. Et ils méritent cette pseudo‐protection. Et il y a aussi des mecs quarantièmes ou cinquantièmes qui valent largement une tête de série. A moi d’être soit mieux classé… soit mieux classé. Voilà.
Fabrice Santoro dispute son dernier tournoi Porte d’Auteuil. Que t’inspire son parcours ?
C’est une exceptionnelle longévité. Il y a peu d’exemples de joueurs, à cet âge‐là, encore cinquantièmes au monde. Fabrice a une carrière très, très longue, très belle : c’est extrêmement respectable.
En direct du Paris Golf & Country Club, Rueil‐Malmaison (92)
Publié le vendredi 22 mai 2009 à 02:27