Ancien grand joueur italien, romancier et grand poète du tennis, Gianni Clerici pose un regard doux‐amer sur les cadences infernales qui menacent la santé des joueurs surtout sur ciment. Expert uniquement dépêché sur les grands tournois, il ne porte pas un regard très optimiste sur l’avenir du jeu.
Gianni, est‐ce que la terre battue est une bonne surface pour préserver la santé des joueurs ?
Mais même pour ma santé ou la tienne, c’est une bonne surface. Quand le tennis était encore un jeu civilisé, on jouait sur terre battue ou sur herbe, et on n’avait pas tellement d’accident. Mais ce sport veut désormais jouer sur du ciment, c’est fou.
Ca fait mal le ciment ?
Mais ça fait très mal ! Il y a des gros traumatismes, des lésions tout le temps. C’est démentiel.
On a croisé Gustavo Kuerten qui est l’exemple du joueur cassé, mulitpliant les opérations et qui n’a jamais pu rejouer à son niveau.
Il se passe qu’on n’a pas encore produit d’études sérieuses, très peu de médecins se sont penchés sur la question, mais il est évident que ce n’est dans l’intérêt général de personne d’avoir à écrire quelque chose là‐dessus.
Tu parles des instances internationales
Oui ils font un stage chaque année à Londres au mois de juillet, il faudrait quand même qu’ils se penchent sur ça. Mais ne nous faisons pas d’illusion, la machine ne va pas s’arrêter, sauf s’il y a des morts.
Est‐ce que finalement ce ne serait pas intéressant qu’il y ait un mort comme en Formule 1 ou en cyclisme ?
Non, il n’y aura pas de mort, on va juste te changer une pièce, une hanche, un genou, mais un mort frapperait l’imagination de tout le monde.
Mais le spectacle de Rafael Nadal souffrant à l’US Open devrait faire évoluer les mentalités, non ?
Non, je ne crois pas. Après la guerre, les Etats‐Unis jouaient sur herbe et sur terre mais ils ont développé une culture du ciment en Californie qui permettait d’avoir moins de main d’oeuvre. Moi je me souviens avoir vu à Bombay 14 employés qui s’occupaient d’un court qui n’était pas propre. C’était une autre civilisation.
Oui, où on se faisait servir le thé au bord du court…
Oui, mais ça c’est devenu très difficile aux Etats‐Unis et comme les Etats‐Unis sont les précurseurs de la marche du monde, il y a eu cette coulée de ciment sur le tennis mondial, et cette coulée nous engloutit jusqu’au cou. Je ne vois pas de raison pour laquelle on va faire marche arrière.
Mais il y a quand même des choses qu’on peut changer : le calendrier, les semaines de repos
Ecoute, je suis un vieux monsieur et j’en assez vu pour ne pas être optimiste en connaissance des intérêts de chacun. Autant je vois bien l’intérêt de certains à casser les gens, autant je ne vois pas leur intérêt à devoir tout changer pour que les gens se cassent moins.
La victime sacrificielle : Gustavo Kuerten
« Le sport à plein temps atteint un niveau où les joueurs vont d’avantage se blesser »
Publié le jeudi 15 mai 2008 à 07:58