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Marion Bartoli : « Quand je vois mes anciens détrac­teurs se jeter sur mon père comme si c’était Dieu, ça me fait bien rire »

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Souvent moquée par le reste du tennis fran­çais pour les méthodes de prépa­ra­tion peu ortho­doxes déve­lop­pées avec son entraî­neur de papa, Marion Bartoli a fait taire tout son petit monde en étant la meilleure fran­çaise à Roland‐Garros, puis en attei­gnant à 22 ans la finale de Wimbledon avant de faire son entrée dans le top 10. Ou comment une outsider est devenue la numéro 1 fran­çaise avec un mélange de rêve améri­cain et d’in­dé­pen­dance corse. 

Aujourd’hui, Marion, tu n’es plus une outsider mais dans le passé est‐ce que cette étiquette était lourde à porter ?

Non, c’était même beau­coup plus facile. Quand on joue dans la peau d’une outsider, on n’a vrai­ment rien à perdre. C’est beau­coup plus facile de lâcher ses coups. Si on fait trop de fautes directes et qu’on perd le match, tout le monde dira que c’est normal et si on fait l’ex­ploit parce que tout rentre, tout le monde vous applau­dira. Moi, ca fait quand même pas mal de temps que je suis dans la peau d’une favo­rite. Depuis les juniors. 

Vu de l’ex­té­rieur, on a l’im­pres­sion que tu assumes faci­le­ment ton rôle de favo­rite. Quand tu dis que ton contrat à l’US Open c’est d’ar­river en 8e de finale contre Serena, tu assumes tota­le­ment ce statut.

Oui, ca fait pas mal de temps que j’as­sume ce rôle, j’ai cette matu­rité. Ca ne me pose pas de problème. C’est comme cela que j’ar­rive à me motiver. 

Est‐ce que c’est une manière de fonc­tionner qui marche ?

Cela diffère selon chaque personne. Il y a des joueurs qui ont besoin de ne pas se mettre de pres­sion et de voir match après match. Ils ont moins à subir de la part des jour­na­listes. Moi j’ai toujours assumé les choix que j’ai fait et la pres­sion que je me suis mise. Je suis très franche et s’il faut répondre aux jour­na­listes après une défaite cuisante, j’y vais. 

Le tennis reste un milieu très conser­va­teur. Ton parcours non lié aux struc­tures fédé­rales est‐il un avantage ?

Au départ c’était plutôt un incon­vé­nient. On a vite eu des blocages au niveau des clas­se­ments ou même des inscrip­tions aux tour­nois. Il a vite fallu faire ses preuves. Depuis le plus jeune âge, j’ai toujours assumé d’être à l’ecart des autres. Ca m’a donnée une volonté de montrer que je pouvais faire sur le terrain aussi bien si ce n’est mieux que les filles qui prove­naient des struc­tures fédérales. 

Ca veut dire qu’un outsider est souvent à la marge ? Ou est‐ce le fait d’être à la marge qui le rend plus efficace ?

C’est plutôt d’être dans une struc­ture diffé­rente. En France, on n’est pas bien vu si on n’est pas dans une struc­ture fédé­rale. Les choses main­te­nant ont un peu bougé, peut‐être un peu grâce à moi. On le voit bien avec le Team Lagardère. Les gens savaient très bien que j’étais capable de jouer à un niveau élévé mais pensaient que sans une struc­ture fédé­rale, je n’y arri­ve­rais pas. J’ai démontré le contraire. 

Tu parles souvent de tes origines corses dans les inter­views. C’est quelque chose d’important ?

Oui parce que je me sens vrai­ment corse dans mon atti­tude. J’ai eu la chance de retourner dans le village corse des Bartoli et c’est vrai que j’ai tout de suite été en phase avec les gens du cru. Je me retrouve tout à fait dans l’at­mo­sphère et la façon de fonc­tionner des Corses. Je me sens beau­coup plus à l’aise en Corse qu’au nord de la France. Je crois avoir quelques signes distinc­tifs dans mon attitude. 

A la suite de la finale perdue à Wimbledon, tu as eu le discours d’une grande cham­pionne. C’est assez rare d’en­tendre une Francaise dire  » Je veux être là l’an prochain mais en soule­vant le trophée à la fin de la quinzaine » ?

C’est plus une menta­lité à l’Américaine. J’ai toujours voulu être la meilleure dans tout ce que je fais. A l’école ou dans les jeux auxquels je jouais, j’ai toujours voulu gagner. Si j’ar­rive en finale, j’ai quand même beau­coup de mal à accepter de perdre même si c’est contre une soeur Williams et qu’elle a bien plus l’ha­bi­tude de jouer en finale de Grand Chelem que moi. Je veux toujours m’amé­liorer, et pour moi m’amé­liorer à Wimbledon, c’est gagner. J’ai dit cela parce que c’est ce que je pensais à ce moment‐là. 

Mickaël Jérémiasz nous a dit qu’à Wimbledon il avait ressenti beau­coup d’amour. Est‐ce que c’est quelque chose que tu as ressenti ? Peut‐être plus qu’à Roland‐Garros ?

Je dois avouer que le public de Roland m’a toujours beau­coup soutenue. Encore cette année au 2eme tour, je perdais 6010, c’était le jour des enfants, ils m’ont beau­coup encou­ragée et j’ai réussi à gagner ce match. Le suivant, je jouais Dementieva et j’avais tout le public avec moi. C’était moti­vant. A Wimbledon, quand les Anglais ont vu la petite Francaise gagner contre Justine en faisant tourner le match, ils m’ont vrai­ment adoptée. Les gens là‐bas vous soutiennent jusqu’au bout comme si on était de leur pays. 

Qu’est‐ce qui t’as le plus marquée sur ta quin­zaine de Wimbledon ? Ta perfor­mance au niveau du jeu en terme tech­nique ou ta perfor­mance mentale ?

Je crois que c’est d’abord la perfor­mance mentale. C’est vrai que j’ai assuré beau­coup de matches avec les doubles. Ce furent 15 jours d’une énorme pres­sion mentale. J’ai pu à chaque fois remonter même si je perdais le 1er set, ce qui avant me bloquait vrai­ment pour gagner. Le niveau de jeu du 3eme set contre Justine m’a vrai­ment étonnée. Je ne pensais pas pouvoir avoir ce niveau en match offi­ciel. A l’en­traî­ne­ment peut‐être, mais pas en match offi­ciel. Ca a été comme une révélation. 

Tu es très liée à ton papa. Quels sont les autres hori­zons que vous vous êtes fixés tous les deux ?

D’arriver à exprimer au maximum mon poten­tiel sur le terrain et ça passe par une prépa­ra­tion physique irréprochable. 

Tu vas faire des efforts supplé­men­taires que tu ne faisais pas avant ?

Exactement. Je pense avoir encore une marge de progres­sion sur mon physique pour mieux m’ex­primer sur le terrain. Mon tennis est toujours là mais je pense avoir entre 15 à 20% de progres­sion physique à réaliser. Je privi­légie aujourd’hui l’en­traî­ne­ment physique car il y a un gros chan­tier à faire. Je compte vrai­ment sur cette coupure hiver­nale pour ces 15–20% et j’aurai de gros objec­tifs sur l’Open d’Australie car je n’ai jamais bien joué là‐bas. 

Ca veut dire que globa­le­ment tu estimes aujourd’hui avoir les éléments tech­niques suffi­sants pour battre les meilleurs ?

Exactement. Quand je suis bien physi­que­ment comme sur cet US Open, je peux tout faire. Dans mon jeu, j’ai très peu de choses à améliorer. Maintenant il faut que je m’af­fûte. Les filles comme les soeurs Williams sont des extra­ter­restres sur le plan physique, il faut bien s’en rendre compte. 

Le regard des autres aujourd’hui a changé. Vous en riez parfois avec ton père ?

Il y a des gens a la Fédération qui ont toujours été derrière nous comme le président Bîmes ou Patrice Dominguez. Ils ont toujours cru en notre projet. On a eu aussi de gros détrac­teurs, qui n’ont eu de cesse de répéter que j’avais trop de lacunes. Et voir main­te­nant ces gens‐là se jeter sur mon père pour lui dire bonjour comme si c’était Dieu en personne, ça me fait bien rire. 

Mais cela peut être bles­sant. Il y a des choses qui ont été dites comme les propos de Golovin sur la Fed Cup dans le quoti­dien L’Equipe ?

J’aurais bien aimé en parler avec elle, mais c’est comme ça. Au moins je connais mes ennemis. 

On a l’im­pres­sion que la réus­site en France, ça fait peur. Tu as cette impres­sion là ?

J’ai un peu cet esprit à l’Américaine où on a la philo­so­phie que tout est possible, que tout est faisable et que tout peut être réalisé. En France, on a tendance à se mettre des barrières en pensant qu’on a des limites qui ne sont pas fran­chis­sables. Pour moi, les seules limites que l’on a sont celles que l’on se met. Et si on ne s’en met pas, on peut arriver à tout. 

Tu es tres draguée par les marques et les médias aujourd hui ?

C’est diffi­cile car c’est passé de rien à tout. J’avais accu­mulé beau­coup de fatigue. Les médias se sont déchainés. Mais bon, j’ai accepté car cela va avec les résul­tats que j’ai obtenus. Et puis de toutes façons, il faut que je m’ha­bitue car je ne compte pas m’ar­rêter sur la perf’ de Wimbledon. 

On a l’im­pres­sion que tu as plaisir à raconter les matches, à raconter pour­quoi tu es là. Ce qui n’est pas le cas de toutes les joueuses…

Ca dépend du carac­tère de chacun. J’ai toujours été a l’aise pour m’ex­primer, même en public. 

En dehors de tout cela, tu as beau­coup de temps libre ?

Oui, j’ai beau­coup de temps libre. Quand je travaille c’est intense, mais ce n’est pas huit heures par jour non plus ! J’adore regarder des DVD. Je peins beau­coup et je cuisine souvent avec ma maman qui m’ap­prend ses petits trucs. Je passe de très bons moments de relaxa­tion. Je n’ai pas besoin de faire des choses extra­or­di­naires pour avoir de très bons souve­nirs. Depuis pas mal de temps, j’ai l’im­pres­sion de pouvoir plus profiter de la vie. 

Dernière ques­tion : quel est le parte­naire idéal pour un double‐mixte ?

Roger Federer, je suis une fan absolue de Rodgeur.