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Paul‐Henri Mathieu : « Je me suis fait avoir plusieurs fois parce que je suis trop gentil »

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Paul‐Henri Mathieu aime la terre battue. La rédac­tion de GrandChelem en a fait un de ses outsi­ders et ce malgré une saison sur terre battue en demi‐teinte. Malgré tout on a tous en mémoire sa formi­dable bataille en 2006 face à Nadal. Entretien vérité. 

Revenons tout d’abord sur la Coupe Davis et ton match face à James Blake. Quand Guy Forget dit que t’es à deux mètres de la victoire, tu penses que c’est vrai ? 

Non, aujourd’hui je refais le match 50 fois, je pense que je le gagne­rais 48 fois. Je n’ai vrai­ment pas eu de chance sur ces deux balles de match. Lui, il a eu beau­coup de réus­site même s’il est vrai qu’il eu le mérite de tenter ces coups‐là. Alors c’est vrai que j’au­rais pu monter au filet mais ça faisait quatre heures qu’on jouait avec une tension au niveau maximal quand même, donc c’est facile à dire mais après à faire… Moi sur la balle de match j’ai très bien joué je pense, j’ai très bien servi… 

Est‐ce qu’une fin de match en Coupe Davis contre Blake tu te permets de la re‐regarder parce que quand on voit qu’il fait 15 coups qui sortent de nulle part… 

(il coupe) J’ai regardé la balle de match, j’ai rigolé, ça m’a fait rigoler. Je rigole parce que si je la rejoue, je suis au même stade du match, je lui refais la même chose et s’il me refait la même chose et bien qu’il aille jouer au poker. 

Est‐ce que tu n’es pas le troi­sième homme main­te­nant ? On sent qu’il y a une vraie émula­tion en France, ce Roland‐ Garros 2008 il est pour toi non ? 

(il coupe). Non je ne me sens pas le troi­sième homme. Il n’y a pas de premier ni de deuzième. Je vais me donner le maximum de chances pour essayer de bien jouer à Roland‐Garros, même s’il est vrai qu’on a une prépa­ra­tion un peu courte. Mais Roland c’est mon objectif. 

Est‐ce que la terre battue a toujours la place qu’elle mérite ? Est‐ce que tu penses que c’est la plus belle des surfaces ? 

C’est la plus belle oui. J’adore la terre battue. Je pense que c’est la surface la plus diffi­cile sur laquelle on peut jouer, la plus éprou­vante que ce soit physi­que­ment ou menta­le­ment. Parce que les matchs sont plus longs. 

Quand tu étais petit, tu jouais toujours sur terre en Alsace ou tu as varié ? Parce que la polé­mique aujourd’hui en France sur la terre c’est qu on dit qu’il y a pas assez de courts ? 

Elevé sur terre, non c’est un grand mot. J’ai joué un peu sur toutes les surfaces, mais j’ai toujours apprécié la terre. Après c’est vrai peut‐être qu’on manque de terre battue. Il y a beau­coup de joueurs qui gran­dissent sur dur, mais moi non, je n’ai pas grandi spécia­le­ment sur dur et pas spécia­le­ment sur terre battue. J’ai fait un peu des deux. 

Le passage entre dur et terre battue semble très diffi­cile, est ce que la saison sur terre battue est trop courte aujourd’hui pour être perfor­mant à Roland‐Garros ? 

Oui, c’est vrai­ment trop court, sauf si on joue en février en Amérique du Sud sur terre battue, J’aurais bien aimé jouer en Amérique du sud mais je ne pouvais faire l’im­passe sur le tournoi de Marseille car jouer devant son public c’est encore plus important. 

Quand on passe du dur à la terre on a un programme spécial, une tech­nique spéci­fique, physique ou comme tu l’as dit tout à l’heure on essaie d’en­quiller le match et les victoires ? 

C’est vrai que l’idéal c’est d’avoir au moins deux semaines pour se préparer un physique adéquate à la prépa­ra­tion sur terre battue, parce qu’on ne prépare pas les mêmes muscles, les mouve­ments sont diffé­rents. C’est vrai que c’est un petit peu court donc après la meilleure prépa­ra­tion c’est de gagner des matches 

Quand Nadal dit : l’ATP ne s’oc­cupe pas de nous les joueurs de terre battue. Est‐ce que tu t’es­times un joueur de terre battue ou fina­le­ment cette étiquette ne t’in­té­resse pas tellement ? 

Je pense que je suis un joueur poly­va­lent mais je voudrais bien jouer autant de temps sur terre battue que sur dur. Pas juste 5 semaines ou 4 semaines de l’année sur terre battue. C’est évident ! 

Aujourd’hui si on veut un peu revenir sur ta carrière tu as toujours eu des événe­ments très diffi­ciles à gérer. Je pense à Youznhy, je pense à Thierry Champion qui part entraîner Gaël Monfils… 

J’ai un chemin depuis le début de ma carrière qui est assez atypique et j’ai eu beau­coup de coups durs, beau­coup plus que d’autres. Mais chacun à son histoire et j’es­père qu’un jour çela va me sourire et que je vais faire un gros truc. 

En même temps aujourd’hui tu es très bien classé, tu progresses mais on a l’im­pres­sion qu’on te met toujours à coté du truc. 

Je suis 12ème mondial (NDLR : L’interview a été réalisée à Monte‐Carlo) donc je peux pas dire que c’est pas bien, c’est fabu­leux mais je pense que je suis 12ème mondial vrai­ment avec les tripes. C’est vrai­ment diffi­cile, je me suis vrai­ment battu et oui je pense qu il me manque un très gros résultat. 

Pour parler tech­nique, est‐ce que tu acceptes le fait qu’on te dise à un moment donné qu’il faudrait que tu ailles plus vers l’avant pour tutoyer les sommets ? 

Pas vrai­ment car si on regarde ma carrière de près, on remarque que j’ai été vrai­ment pas loin de faire deux trois gros coups et c’est vrai que je pense que j’ai manqué souvent d’un peu de chance. De plus j’ai été blessé à de très mauvaises périodes, je suis toujours bien revenu mais… il ne me manque pas grand chose, j’ai battu prati­que­ment tous les joueurs qui comptent sur le circuit donc la roue va tourner. 

Est‐ce que ça te stimule de voir des nouveaux joueurs faire la une des jour­naux comme Jo‐Wilfried Tsonga par exemple ? 

Franchement, c’est toujours stimu­lant mais moi je ne l’ai pas attendu pour avoir des résul­tats. Maintenant c’est vrai, comme je le disais il y a trois ans, on n’avait qu’un joueur ou deux joueurs dans les 30 premiers joueurs du monde. Je pense que la France mérite d’avoir au moins 3, 4 joueurs dans les 20 premiers. 

Ton coach est Mats Wilander. ça ne t’embête pas que l’on te demande constam­ment si il a trouvé les bons mots pour te faire gagner ? 

Non parce que Mats me le répète constam­ment. Ce n’est pas lui qui va me faire gagner. Aujourd’hui il me donne des conseils qui sont très inté­res­sants, il a beau­coup d’expérience. 

Mais quand tu étais petit c’était quel­qu’un que tu respec­tais, que tu admirais ? 

J’étais un peu trop jeune pour le regarder jouer, ça parle plus à mon père mais c’est vrai qu’au­jourd’hui c’est un ancien joueur qui a une carrière fabu­leuse. C’est une légende du tennis donc bien sûr j’ai un respect énorme pour lui. 

Est‐ce que tu n’as pas le senti­ment, c’est pas péjo­ratif ce que je vais dire, mais que tu es trop gentil avec ce milieu du tennis qui est très dur ? 

C’est mon tempé­ra­ment, c’est très diffi­cile de changer son tempé­ra­ment mais je suis très conscient que je me suis fait avoir plusieurs fois parce que je suis trop gentil. 

Et là aujourd’hui, ton rêve, tes vrais objec­tifs au delà des ques­tions, c’est laisser une empreinte dans le tennis fran­çais ? Gagner un grand chelem ? Faire un coup d’éclat ? Etre un joueur de Coupe Davis sur lequel on peut compter ? 

En Coupe Davis j’ai eu des défaites qui étaient entre guillemet drama­tiques parce qu’elles étaient diffi­ciles mais j’ai eu aussi de très très bonnes victoires contre des joueurs qui étaient beau­coup plus forts que moi. 

Tu ne peux pas me dire que l’ob­jectif c’est dire que je vais être dans les 10, c’est pas un objectif pour un champion 

(coupe) Mon objectif c’est de gagner un Grand Chelem, c’est évident. 

Et quel est le plus atteignable ? 

Ils sont tous très diffi­ciles. Roland‐Garros, on peut croire qu’il est plus attei­gnable pour moi, mais c’est une surface qui est très éprou­vante, qui est très diffi­cile. J’ai ma chance partout. Là, où j’ai le moins de chance peut‐être c’est à Wimbledon, même si j’ai fait huitième de finales l’année dernière. 

Toi que te manque‐t‐il techniquement ? 

Techniquement on peut toujours s’amé­liorer sur deux, trois détails. Je pense que je peux travailler encore mon service, mon dépla­ce­ment, la volée aussi, parce que même si je ne monte pas souvent, ça peut faire la diffé­rence sur un ou deux points. 

Penses‐tu que cette année, au vu des résul­tats de Federer et Nadal, Roland‐ Garros soit un tournoi plus ouvert ? 

Ca dépend toujours du tableau, il faut toujours avoir un peu de chance dans les Grands Chelems. Ensuite Nadal, il reste au‐dessus. Nadal sur terre battue il fait toujours peur. 

On lance un site qui s’ap­pelle welo­ve­tennis. fr. Pourquoi tu aimes le tennis ? 

Ce que j’aime c’est le jeu. Il y en a qui préfère la compé­ti­tion. Moi j’aime la compé­ti­tion et j’aime m’en­traîner. J’aime me fixer des objec­tifs et essayer de les réaliser. C’est passionnant. 

Et tout ce travail tu le mènes tout seul ou as‐tu des confi­dents ? Ta famille, tes amis t’aident ? 

C’est diffi­cile ce n’est pas une vie évidente. C’est vrai que de l’ex­té­rieur on se rend pas forcé­ment compte mais c’est une remise en ques­tion perpé­tuelle, chaque jour on doit se remettre en ques­tion, après une victoire de tournoi, après une défaite qui est diffi­cile, le lende­main ça repart. Oui j’en parle à quelques personnes pas beau­coup mais on en parle. 

Ton meilleur souvenir tennis­tique, c’est une victoire en tournoi à Casablanca ? Un gros match ? où même une défaite ? Quel est ton plus gros pied dans le tennis ? 

C’est diffi­cile à dire. 

Tu n’ar­rives pas à faire le tri ? 

Toutes les victoires en tournoi sont toujours un moment spécial. Ensuite, en Coupe Davis quand j’ai battu Moya c’était vrai­ment parti­cu­lier. La même chose quand j’ai battu Sampras. 

Tu te vois conti­nuer long­temps cette vie de nomade des circuits ? Tu te vois comment dans cinq, six ans ? 

Dans cinq, six ans ça sentira la fin c’est sûr (rires). Mais j’es­père avoir encore trois, quatre années vrai­ment au top. 

Est‐ce que tu penses que l’on peut avoir des grandes amitiés dans ce monde là ? 

On peut. C’est diffi­cile, mais ça existe. 

4 ques­tions à Georges Brasero,attaché de presse de Paul‐Henri Mathieu 

• Partages‐tu l’idée que Paul‐Henri est trop gentil ?

Paul‐Henri est un garçon qui a eu une éduca­tion exem­plaire, c’est quel­qu’un de loyal, qui reste fidèle à ses prin­cipes, parmi tous les joueurs dont je me suis occupé (NDLR : Notamment Puerta et Gaudio) il est exem­plaire de profes­sion­na­lisme et de qualités humaines, je pense notam­ment aux moments très durs qu’il a vécu avec des bles­sures très impor­tantes, et cela on en parle pas assez ! 

• Certains lui collent l’image d’un perdant ?

Cela me fait rire, car ceux qui connaissent le tennis et sa carrière vont vite s’aper­ce­voir des qualités de PHM. D’abord physi­que­ment, c’est un monstre, quoi qu’on dise, j’ai en mémoire sa bataille avec Nadal, fina­le­ment il est le seul à avoir poussé l’Espagnol aussi loin à Roland‐Garros. 

• Parmi les fren­chies, PHM semble le mieux armé pour ce Roland‐Garros 2008

J’ai toujours dit que PHM parvien­drai à matu­rité à 26 ans comme Gaudio que je connais bien, donc si vous regarder sa date de nais­sance vous compren­drez ma réponse. 

• Une anec­dote qui résume PHM ?

Elle est simple, chaque année dans mon club de la Tennis Club de la Chataigneraie à Rueil Malmaison dont il est parrain, il se plie à diverses opéra­tions auprès des jeunes et de l’école de tennis. Jamais il ne m’a dit non. Jamais il n’a traîné les pieds. Ce cham­pion est vrai­ment exemplaire.