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Quelle place pour les parents ?

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Trois témoins face aux quatre ques­tions qui tuent de l’in­ter­view de Patrick Mouratoglou, GrandChelem a tiré quatre problé­ma­tiques concrètes. 1) Pourquoi le monde entier répète que la France a la meilleure forma­tion du monde ? 2) En consè­quence, où se situe notre problème : dans la tête ? 3) Quelle doit désor­mais être la place des parents dans la réus­site de leurs enfants ? 4) Quels ensei­gne­ments précis tirer de l’ex­tra­or­di­naire réus­site de la famille Williams ? Pour répondre à ces ques­tions, nous sommes allés voir trois témoins clef : Patrice Dominguez, respon­sable de la direc­tion tech­nique natio­nale, Alain Solvès, le respon­sable du programme Avenir National et Scott Silva, le papa de Jan Silva, ce petit prodige arrivé à 5 ans en France et que son père annonce comme étant le futur Tiger Woods du tennis. 

Patrice Dominguez

Puisqu’on parle des parents, je tiens à dire que le problème du papa Rezaï a été réglé. Les Rezaï ont aplani le diffé­rent entre eux et la DTN, et je trouve que c’est une bonne chose parce qu’on ne pouvait pas conti­nuer comme ça. Je suis très content qu’on soit parvenu à cette entente, c’était une de mes prio­rités et c’est donc ce que je répète aux entraî­neurs : « Les parents seront toujours les parents, donc on doit faire avec ». C’est une direc­tive de la DTN : toutes les déci­sions que nous prenons avec les enfants doivent être prises avec leurs parents. Moi‐même je suis parent d’en­fants, si on ne me deman­dait pas mon avis, je ne suppor­terai pas ça. Maintenant il est vrai que pendant long­temps on a dit aux parents « Vous posez les enfants sur le parking et vous revenez les cher­cher à 17 heures ». Aujourd’hui on est dans une société qui a évolué. On ne peut plus faire ça. D’autant que le problème se pose de façon encore plus accrue avec les filles car elles sont lâchées préco­ce­ment dans le grand bain. Mon métier a changé depuis 10 ans. Je dois raconter aux parents où les enfants vont se situer dans un an, dans deux ans, dans dix ans. Je fais des réunions qui impliquent égale­ment le corps médical car il y a eu les problèmes soulevés ces dernières années par la préven­tion du dopage, le harcè­le­ment sexuel, etc…. Les parents doivent être informés et prin­ci­pa­le­ment sur une chose, c’est que dans notre sport il y a de la cruauté : sur cent enfants d’une classe d’âge, seul un enfant ira au bout. Donc il ne faut pas s’emballer. Tout le monde ne sera pas la fille du père Williams. 

Alain Solvès

La grosse évolu­tion de ces dernières années, c’est que les parents sont placés au coeur de la cellule . On s’at­tache avoir une forma­tion sur les parents avec des psycho­logues, des pédo­psy­chiatres pour leur faire comprendre les enjeux de la pratique de leurs enfants et leur clai­ri­fier leur rôle. Leur rôle c’est de donner de l’amour, de la confiance en soi mais de ne pas être des juges. Et c’est diffi­cile. Pendant des années, on est resté sur les dimen­sions tech­niques. Il fut un temps où les parents devaient rester dans la voiture, là main­te­nant c’est une vraie asso­cia­tion. On a besoin d’eux. C’est eux qui vont être capable de nous dire si l’en­fant s’en­dort bien, se couche tard, mange bien. Un gamin a égale­ment besoin du récon­fort de ses parents. Au‐delà de ça, il y a eu un rajeu­nis­se­ment de la filière. Quand avant on envoyait les premières tour­nées à 14 ans, aujourd’hui c’est 12 ans donc les parents doivent être là. Il y a égale­ment eu des faits extra spor­tifs… donc la respon­sa­bi­lité du soir, du coucher, c’est fait avec les parents. Ca nous dégage de ce type de respon­sa­bi­lités par exemple. 

Scott Silva

Ma place de parent est très simple, elle est de mettre tout le monde en respon­sa­bi­lité avec le projet et de garder un regard général sur celui‐ci. Je discute avec Patrick Mouratoglou et avec les diffé­rents respon­sables de l’Academy. Question tennis, eh bien juste­ment je ne suis pas un joueur de tennis ! (Rires) D’ailleurs si on joue avec des balles modi­fiées, mon fils peut déjà me battre. Vu son niveau et vu ce qu’il peut devenir, mon boulot c’est donc d’or­ga­niser les choses autour de lui, le rapport aux médias par exemple, le site où je tiens régu­liè­re­ment les infor­ma­tions sur lui, pour faire en sorte qu’il ne soit pas qu’une bête de foire, un phéno­mène de crique, mais qu’il y ait de la substance. Je veux dire que si tout le monde fait ce qu’il a à faire, il n’y a aucune raison pour que nous échouions, il n’y a aucune raison pour que Jan ne remporte pas plusieurs Grands Chelems. Maintenant la chose la plus impor­tante, c’est l’amour parce que c’est ce qui reste à la fin de la journée. Il faut savoir que dans les 5, 10 prochaines années, Jan va jouer et perdre beau­coup de matches. Défaites, défaites, défaites et nous, nous conti­nue­rons de l’aimer quelque soit son destin. Vous savez, on écoute pas mal de rap à la maison et il y a une chanson de Jay‑Z qui raconte la peine qu’il y a à perdre, mais c’est une peine obli­ga­toire qui t’ap­prend juste­ment à ne plus vouloir perdre. Moi je veux que Jan apprenne ça, je veux que des gamins le battent, sans discus­sion possible, parce qu’à la fin, on est un grand cham­pion que si on a appris à perdre.