Grand joueur des années 80 et du début des années 90, Stefan Edberg a été interrogé par les auditeurs de la BBC. Le « Suédois volant » s’est confié sans retenue sur le tennis d’hier et d’aujourd’hui. L’élégant serveur‐volleyeur disserte aussi sur son type de jeu tombé aujourd’hui en désuétude, comme « aspiré dans le noir du no man’s land des mémoires mortes, où l’ingratitude des peuples enfouit à jamais les héros d’hier quand d’autres héros se lèvent et les ensevelissent à l’ombre de la formidable de leurs gloires nouvelles… » Merci à Pierre Desproges pour ces dernières lignes et merci à Stefan Edberg pour ses confessions.
Stefan, en tant que grand serveur‐volleyeur, que pensez‐vous du déclin de la volée dans le jeu d’aujourd’hui ?
C’est une bonne question. Je pense que c’est une histoire de cycles. Je sais que c’est un jeu qui demande plus de temps pour arriver à maturité, et plus d’entraînement dans les jeunes années. C’est ainsi que j’avais développé mon service et mon jeu au filet. Je suis un peu triste qu’il ait disparu, parce que c’est bien d’apporter de la variation dans un jeu comme le tennis.
Le tennis suédois a eu un passé glorieux, notamment dans les années 80. Quels sont les facteurs qui sont à l’origine du déclin ?
Les années 80 ont été très fastes mais nous ne savions pas vraiment pourquoi. Avec le recul, je pense que nous avions beaucoup de jeunes joueurs à peu près du même âge. Nous travaillions très dur, en groupe, et probablement plus intensément que la plupart de nos adversaires. Nous nous inspirions les uns des autres, et nous avions la chance d’avoir beaucoup de bons entraîneurs. Ce sont quelques unes des raisons de notre réussite.
Si vous deviez prendre un coup de n’importe quel joueur de l’histoire, lequel serait‐il ?
Probablement le toucher de John McEnroe.
Selon vous, quel est le meilleur joueur que vous n’ayez jamais rencontré ?
Lors de ma carrière, j’ai eu la chance de joueur bon nombre des plus grand joueurs : John McEnroe et Ivan Lendl à leur meilleur, Pete Sampras, que je considérerais peut‐être comme le meilleur joueur de mon ère. Il avait ce gros service, une bonne volée et il bougeait bien sur le court. Il était, je pense, le joueur le plus complet.
Tim Henman avouait avoir façonné son tennis en vous regardant jouer. Quelles étaient vos sources d’inspirations lors de votre enfance en Suède ?
Pour moi, Björn Borg était une grande idole. Pour beaucoup de joueurs de ma génération, il a été le héros. Il a eu tellement de succès et tout le monde l’admirait.
Quel a été votre souvenir le plus marquant en Grand Chelem ?
C’était mon premier Wimbledon (NDLR : en 1988 contre Boris Becker), avec la tradition qui va avec. J’avais vu les cinq finales de Borg, donc pour moi c’était la plus savoureuse.
Quelle a été la victoire la plus satisfaisante et la défaite la plus douloureuse lors de votre carrière ?
Les plus satisfaisantes, en fait, ont été ma première victoire à Wimbledon et ma première victoire en Coupe Davis (NDLR : en 1984 contre les Américains en finale, accompagné d’Anders Jarryd, Edberg s’impose contre la paire Peter Fleming‐John McEnroe alors numéros 1 mondiaux en double). La plus douloureuse était évidemment celle de Roland Garros (NDLR : contre Michael Chang en 1989). Ce n’était pas si difficile à accepter sur le moment parce que je pensais que j’allais avoir d’autres opportunités de gagner le tournoi, mais avec le recul, ça aurait été vraiment bien de gagner.
Pensez‐vous qu’Andy Murray, qui a beaucoup de succès en Masters 1000, puisse bientôt passer le cap en Grand Chelem ?
Je pense qu’il le fera. Il est assez bon pour en gagner un. Il me rappelle Ivan Lendl, à qui il a fallu du temps pour gagner son premier Grand Chelem, comme à Andy finalement. Il est face à des adversaires très forts, comme Federer, Nadal, Djokovic. Avec un peu de réussite, s’il continue à s’entraîner, s’il garde sa motivation, il finira par en gagner un. Qu’il le fasse cette année ou l’année prochaine, c’est difficile à dire, mais il a clairement une chance dès cet US Open.
Publié le mercredi 19 août 2009 à 17:24