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Le tennis améri­cain perd la tête !

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Connors, Courier, McEnroe Chang, Sampras, Agassi, Roddick… Le tennis améri­cain a toujours garni les premières places du clas­se­ment ATP. Toujours sauf aujourd’hui. Confronté à une crise aussi profonde que durable, surtout chez les hommes, les Etats‐Unis n’ont plus de repré­sen­tants dans le Top 10. Et ça ne semble pas parti pour changer de sitôt.

« C’est un destin complexe que d’être Américain. » Célèbre écri­vain de la fin du XIXème siècle, Henry James avait trouvé la formule juste. Le tennis US n’a pas été à la hauteur de son destin. D’un côté, tout va bien. Serena Williams assome le tennis féminin et les frères Bryan dominent le double depuis une dizaine d’an­nées. Mais de l’autre, chez les hommes plus préci­sé­ment, c’est la vache maigre. Après nombre d’illustres repré­sen­tants, le tennis masculin améri­cain peine à retrouver la forme. Et on le sait : il n’y a rien de pire pour un ancien riche que de devenir pauvre. Fort d’une histoire d’hé­gé­monie mondiale, les Etats‐Unis ont eu toutes les peines du monde à embrayer sur le XXIème siècle avec la même stature. La retraite progres­sive des « stars » aussi bien natio­nales qu’in­ter­na­tio­nales au début des années 2000 n’a pas accouché d’une géné­ra­tion aussi dorée que les précé­dentes. Il y a 14 ans, en février 2000, il étaient 12 Américains dans le Top 100 dont sept dans le Top 50 et trois dans le Top 10. Aujourd’hui, ils ne sont plus que six dans le Top 100. Le numéro un, John Isner, est 13ème…et seul repré­sen­tant dans le Top 50 ! Symbole de cette perte de vitesse, c’est Andy Roddick, dernier numéro un mondial et retraité depuis août 2012, qui était chargé d’assurer la promo­tion du Masters de Miami l’année dernière.

Un déclin prévisible

Si le déclin paraît assez brutal de l’ex­té­rieur, il était en fait dans l’air depuis plusieurs années. Par le passé, la force améri­caine était, d’abord, d’oc­cuper les premières places mondiales, et ensuite, de placer de nombreux joueurs dans le Top 30 voire le Top 20. Une impres­sion­nante densité qui a long­temps fait la force des Etats‐Unis. Mais dès la deuxième moitié des années 90, la tendance commence à s’es­souf­fler. Fin 1998, Pete Sampras, toujours au top, attire la lumière en compa­gnie d’Andre Agassi. Mais derrière, il n’y a déjà plus grand monde. Ils ne sont plus que quatre Américains dans les trente premiers. Mais les deux leaders natio­naux sont alors encore là pour cacher la forêt. Avec l’ex­plo­sion de Roddick au début des années 2000 accordé à la longé­vité d’Agassi, les USA conservent une belle visi­bi­lité dans le Top 10. En 2006, le Kid de Las Vegas tire sa révé­rence, rendant ainsi le problème plus visible. Roddick, seul, se main­tient alors à niveau jusqu’au début des années 2010 et fait figure de bouclier. Aujourd’hui retraité, Andy n’a trouvé personne à qui passer le flam­beau, même si James Blake l’a soutenu . Pas même John Isner, éphé­mère Top 10 en 2012. Bien qu’en­core redouté et parfois redou­table, le géant n’a pas les épaules, pour­tant larges, pour bous­culer la hiérar­chie. C’est pour­tant à lui d’as­surer le leader­ship national, rôle qu’il n’au­rait jamais eu à occuper en d’autres temps. Pour preuve : le dernier Américain encore en acti­vité à avoir atteint le dernier carré d’un tournoi du Grand Chelem est… Robby Ginepri, demi‐finaliste à l’US Open en 2005. Il est aujourd’hui 320ème joueur mondial. 

A la peine à l’intérieur…

Sa dégra­da­tion, le tennis améri­cain la doit surtout à d’im­por­tants problèmes en interne. Face à la popu­la­rité crois­sante des sports natio­naux que sont le basket et le foot­ball (améri­cain), de moins en moins de jeunes se destinent au tennis. Et c’est là que le serpent se mord la queue : pour­quoi les enfants se passionnent‐ils pour un sport ? Parce qu’ils ont une idole, une star pour laquelle ils se passionnent et qui nourrit leur ambi­tion. Le tennis étasu­nien étant actuel­le­ment dans le creux de la vague, il ne dispose plus des vedettes dont il dispo­sait par le passé. Et le cercle est vicieux. Plus un sport perd de l’im­por­tance, moins les jour­naux en parlent. Et moins les jour­naux en parlent, plus les gens le délaissent. Et les Américains étant très patriotes, ils ne s’in­té­ressent souvent au tennis que lorsque l’un de leurs compa­triotes y brille. Mais ça n’est pas tout. 

…Et ça se voit à l’extérieur

La donne mondiale a égale­ment consi­dé­ra­ble­ment changé. Alors qu’ils se dispu­taient la quasi‐totalité des titres dans les années 80 avec les Suédois, les Tchécoslovaques, les Australiens, les Français et autres Allemands, les Américains doivent aujourd’hui composer avec l’émergence des autres pays du monde. C’est le King of Swing, Pete Sampras, qui l’ex­plique dans une chro­nique du New York Times : « Le niveau mondial s’est amélioré. La Serbie et l’Espagne n’étaient pas des nations histo­ri­que­ment présentes au plus haut niveau et le sont progres­si­ve­ment deve­nues ces dernières années. » Une nouvelle donne qui a boule­versé la hiérar­chie du tennis inter­na­tional. Et l’un des premiers à être venu cham­bouler l’ordre mondial est sorti d’un pays auquel personne n’au­rait pensé : la Suisse. Le 2 février 2004, Roger Federer détrône Andy Roddick du fauteuil de numéro un mondial… pour ne plus jamais le lui rendre.

L’importance du facteur chance

Le déclin était prévi­sible. D’accord. Il a aussi plusieurs expli­ca­tions précises. Très bien. Mais la véri­table raison n’est‐elle pas ailleurs ? N’est‐elle pas dans l’im­prévue ? Si les Etats‐Unis ont si long­temps occupé le sommet de la hiérar­chie du tennis mondial, elle le doit aussi certai­ne­ment à la chance. La chance puis la forma­tion. N’importe où dans le monde, à n’im­porte quel moment, un talent excep­tionnel peut voir le jour. Qui aurait pu prédire, il y a ne serait‐ce que 20 ans, que la Suisse allait offrir le plus grand joueur de l’his­toire ? Pas grand monde. Le tennis US a long­temps vu ses joueurs se bous­culer au portillon du Top 10, une densité de compé­ti­teurs surtout due au hasard. Un Pete Sampras ou un Andy Roddick n’au­rait jamais été ce qu’ils ont été sans une forma­tion à la hauteur de leur talent c’est vrai. Mais d’autres joueurs n’au­raient jamais été Pete Sampras ou Andy Roddick, même avec un niveau de forma­tion simi­laire. Dans le tennis comme ailleurs, tout part d’abord d’un don, d’une dispo­si­tion parti­cu­lière. Aujourd’hui, l’Espagne a un grand cham­pion, la Serbie a un grand cham­pion, l’Ecosse a un grand cham­pion… Côté Américain, on a long­temps cru avec ces mêmes grands joueurs poten­tiels avec les John Isner, Ryan Harrison et autre Donald Young, pour­tant vain­queur au tournoi des Petits As en 2004, comme Rafael Nadal quatre ans plus tôt. Très promet­teurs très tôt, ils n’ont jamais eu la progres­sion espérée (à un degré moindre tout de même pour le premier cité). Une décep­tion confirmée par Patrice Hagelauer, Directeur tech­nique national de la Fédération Française de Tennis, pour le figaro.fr l’an passé : « Un moment donné, j’ai vrai­ment cru en Isner, tout comme Jim Courier. Mais je trouve qu’il stagne un peu. La progres­sion est moins rapide que celle qu’on aurait pu imaginer. Mais, le poten­tiel est là. Quant à Harrison, j’ai du mal à voir en lui la classe des Américains de la grande époque. Je le vois davan­tage aux alen­tours des 20–30 premiers. Pendant long­temps, des joueurs excep­tion­nels ont percé natu­rel­le­ment, grâce à leur seul talent. La Fédération a aussi long­temps laissé la forma­tion aux acadé­mies privées. Le problème, c’est que ces dernières accueillent beau­coup de joueurs étran­gers. L’objectif n’était donc pas du tout ciblé sur le haut niveau des jeunes Américains. »

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