Fixé au bord du court n°1, sous un temps gris, j’ai pu admirer la technique affolante de Nick Kyrgios. Un vrai privilège finalement d’assister à ce spectacle permanent. Invectives, choix tactiques contestables, bluff, l’Australien ne peut laisser indifférent. A l’heure où l’on se plaint de champions trop peu charismatiques, on peut décemment compter sur Nick pour bousculer les habitudes.
Il le répète et il le crie même, il ne fera pas ses vieux jours sur le circuit. Véritable ovni dans le monde policé du tennis international, Nick Kyrgios dénote. Mieux, il perturbe. Pas de protocole, ni de faux semblants, le mec est là pour frapper la balle, et pour en finir. Aujourd’hui face au qualifié Marco Cecchinato il a proposé le bon et le pire. Le bon, c’est un service où il lance à peine sa balle, un coup droit où le fouetté de son poignet tourne aussi vite qu’une hélice à plein régime. Le pire, c’est un revers irrégulier sur le kick de son adversaire et une certaine lenteur quand il s’agit d’aller vers l’avant. « Je joue mal, cela fait quinze jours que je joue mal, c’est pas bon ».
Tout au long de la partie, Nick se parle, parle à son clan, au ciel, mais aussi à son adversaire et quelques fois à l’arbitre. Fauve sur le court, lapin en conférence de presse, Kyrgios subit presque ce sport qu’il aime peu, lui qui aurait préféré dunker sur les parquets de la NBA. Pas étonnant donc de le voir déambuler en salle de presse avec des Air Jordan, et sur le court 1 avec un long short qu’aurai pu porter Kobby Briant. On le sait le « mec » aime les déclarations chocs, et les coups de génie, et face à Marco, par séquence, il a envoyé du très lourd, prenant la balle dès le rebond sans glisser juste à l’instinct et à l’impact. Talentueux, plus que ça, forcément doué, athlétique, et hargneux, et aussi bagarreur.
Premier titre à l’Open 13
Depuis l’Open 13, il est enfin vainqueur d’un tournoi du circuit ouvrant enfin son palmarès. « Oui ce titre m’a fait du bien, c’était important de commencer » dit‐il du bout des lèvres à un journaliste australien venu réaliser la traditionnelle interview de 3 minutes chrono. Pas désabusé, ni ennuyé, Kyrgios sert le minimum, presque spectateur du cirque médiatique. Il reste que le garçon propose sur le court des choses différentes, que ce soit en terme de trajectoires mais aussi de frappes. Sans anti‐vibrateur, mais avec un bras solide, le son de son cadre est comme celui du cristal et sa deuxième main bien haute sur le revers lui offre une technique plutôt particulière.
Mais c’est en coup droit qu’il bouscule les codes, sa tête de raquette accélérant à la vitesse grand V au moment de l’impact, d’où des coups droits gagnants de n’importe quelle position et quelques bâches forcément de temps en temps. Vainqueur en trois sets accrochés, il est loin d’être un favori ici Porte d’Auteuil, seulement un outsider. Mais une chose est sûre, les spectateurs du court 1 en ont eu pour leur argent. Certains pourront dire dans quelques années, qu’ils ont vu de près, l’une des stars du tour…à moins, que déjà lassé, ou blessé, ce géant aussie ne puisse avoir la carrière qu’il mérite.
A l’inverse de Thiem ou Coric, Kyrgios a une vraie personnalité
Il reste qu’à l’inverse d’un Thiem ou d’un Coric, Nick possède un petit plus : une vraie personnalité. Et souvent comme le tennis est un sport d’hommes cela transpire dans son jeu et ses choix. Alors oui tenter un premier service à 200 sur une deuxième balle dans le tie break du deuxième set à 5–4 est une pure folie, sauf si derrière on lâche prise. Or, le gaillard, quelque peu énervé, a tout de suite fait un pas de plus dans le court et cela a suffi pour mettre la petite dose de pression supplémentaire pour que le « rital » plie.
Oui je vous le dis, Kyrgios sera un top player, c’est une évidence, c’est logique, et l’on ne peut que saliver à l’idée qu’aguerri et plus solide, il se mette un jour à la table des plus grands pour leur proposer un peu de nouveauté et surtout un vrai grain de folie.
De votre envoyé spécial à Roland Garros
Publié le dimanche 22 mai 2016 à 18:42