AccueilCoupe DavisLionel Roux : « Notre objectif : aller au bout ! »

Lionel Roux : « Notre objectif : aller au bout ! »

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Nous sommes allés à la rencontre de Lionel Roux, entraî­neur de l’équipe de France de Coupe Davis, il y a quelques temps. Celui que nous esti­mons, à la Rédaction, être le meilleur candidat à la succes­sion de Guy Forget nous fait une petite revue d’ef­fec­tifs à l’aube d’un France‐Etats‐Unis explosif. Et parle de son avenir. Un entre­tien à retrouver dans GrandChelem 27.

GrandChelem 27, dispo­nible ici !

Jouer les Etats‐Unis, c’est mieux que jouer la Suisse de Roger Federer ?

Je pense que c’est bien de jouer les Etats‐Unis, même s’ils sont capables de sortir de grandes perfor­mances. Sur le papier, c’est évident qu’on est les favoris. Pour ce qui est de la Suisse et cette idée qu’elle aurait été une nation plus fun à affronter… C’est le cadet de nos soucis ! Si le destin nous propose les Etats‐Unis, il faut juste saisir notre chance. Notre objectif, c’est d’aller jusqu’au bout de cette compé­ti­tion. Ca me tient parti­cu­liè­re­ment à cœur, car il se peut que ce soit aussi ma dernière saison. 

Guy Forget va arrêter, mais, toi, tu vas forcé­ment te posi­tionner, non ? Tu es le favori, il ne reste que toi… non ?

(Rires)Je serai donc un choix par défaut…

Non, au contraire, ça paraît logique que tu sois désigné !

C’est toi qui le dis. Plus sérieu­se­ment, c’est évidem­ment quelque chose qui ne se refuse pas. Mais, pour l’ins­tant, ce n’est pas l’ac­tua­lité – il y a un quart de finale à gagner.

Tu es quand même candidat ?

J’ai été cité parmi les huit préten­dants dans le fameux article de L’Equipe, suite à la décla­ra­tion de Guy. Mais quand tu me demandes si je vais me posi­tionner, je te réponds : « On verra. » 

Ce sont les joueurs qui décident ?

Pas tout à fait, mais je vois mal un candidat être recalé si l’en­semble des joueurs l’ont sélectionné. 

On dirait que tu as peur de te déclarer candidat…

Non, je n’ai pas envie de le faire comme ça, ni de faire du lobbying ou des effets d’an­nonce. Ce n’est pas dans mon tempé­ra­ment. Après, il y en a d’autres qui font la course et je pense que c’est normal et logique. Je le répète : Capitaine de l’Equipe de France, c’est un poste incroyable, même s’il y a beau­coup de pres­sion. On fera donc les comptes au moment opportun. Pour l’ins­tant, l’ac­tua­lité et ce qui me motive, c’est de pouvoir contri­buer au formi­dable chal­lenge d’une victoire en Coupe Davis, la dernière année du mandat de Guy. Finir sur une victoire, ce serait magni­fique pour lui et pour nous tous. 

Revenons à la rencontre, face aux Etats‐Unis. Comment fait‐on le choix de la surface et du lieu, sachant que ça peut être déter­mi­nant, comme on l’a vu pour la Suisse, à Fribourg ?

Le choix, c’est une discus­sion. Dès qu’on a gagné à Vancouver, on s’est mis autour d’une table pour évoquer le sujet. Chacun a donné son avis libre­ment. Moi, j’at­ten­dais un peu, je ne voulais pas influencer les joueurs – Guy non plus. Par le passé, on a plutôt joué sur les faiblesses des autres, au lieu de s’appuyer sur nos forces et, quelques fois, il faut bien l’avouer, on s’est trouvés un peu coincés. Là, les options étaient claires : c’était la terre battue dehors ou le dur en salle. Après que Gilles et Richard ont été consultés, le choix s’est porté sur la terre battue en exté­rieur. Cette déci­sion prise, on a orga­nisé un nouveau tour de table avec Christophe Fagniez, chargé de la Coupe Davis à la Fédération Française. On lui a donné les options et ça a été à lui de décro­cher le meilleur lieu. 

Le « meilleur lieu » : le Monte Carlo Country Club. Une riche idée, non ?

Tout le monde est ravi, les joueurs, les médias, les suppor­ters et, je crois, même les Américains ! La Coupe Davis a lieu quelques jours avant le début du tournoi, ça leur permettra peut‐être d’y parti­ciper… (Rires) C’est la première fois que le Monte Carlo Country Club accueille un tel événe­ment, je trouve ça magique. En plus, c’est à Roquebrune, donc ce n’est pas Monaco ! (Rires) On sait très bien qu’il va y avoir des critiques, qu’on va nous expli­quer que c’est un peu l’équipe suisse qui joue à Monaco (NDLR : l’en­semble des joueurs fran­çais du team, Llodra excepté, habitent en Suisse)… De quoi alimenter une petite polé­mique. J’ai en mémoire l’épi­sode de Toulon avec l’équipe d’Action Discrète, de Canal+, qui était venue déguisée en groupe de suppor­ters helvé­tiques. Mais, ça, c’est pour l’anec­dote, car France‐Etats Unis à Monte Carlo, ça a de la gueule…

Tu as été surpris par la perfor­mance d’Isner, face à la Suisse ?

Isner, ce n’est pas vrai­ment une surprise. On se rappelle tous de son match face à Nadal, l’an dernier, à Roland Garros. Qu’il batte Roger Federer dans les condi­tions que m’a décrites Pascal Maria, l’ar­bitre de la rencontre, ça ne m’étonne pas plus que ça. Jim Courrier, qu’on avait rencontré en Australie, se frot­tait presque les mains. Il nous avait confié que jouer en indoor, à 600 mètres d’al­ti­tude, sur une terre battue installée pour l’évé­ne­ment, ça conve­nait parfai­te­ment à son team. Les matches lui ont donné raison. De la part des Suisses, c’est une erreur tactique, selon moi. Installer une terre, c’est très compliqué. Au final, vous avez beau­coup de faux rebonds et elle se creuse rapidement. 

Jouer la Suisse, ça aurait été aussi un sacré rendez‐vous…

Je le répète, le staff, comme les joueurs, on n’a aucune décep­tion par rapport à ça.

Pour GrandChelem, la petite révé­la­tion de ce début de saison, c’est Julien Benneteau, qui reviens au premier plan. Tu partages cet avis ?

Julien n’est pas un nouveau joueur cette saison. Il a juste connu un creux à cause de sa bles­sure. J’ai le souvenir d’un Bennet’ conqué­rant, face à l’Espagne, à Clermont. Un vrai guer­rier. Aujourd’hui, je ne suis pas surpris. Il a beau­coup bossé. Je me rappelle les très gros efforts qu’il avait consentis pour essayer de revenir et de jouer la finale face à la Serbie. Quelle volonté ! Le fait d’être présent dans l’équipe, c’est une vraie récom­pense pour son inves­tis­se­ment et son impli­ca­tion. Julien, c’est un mec de Coupe Davis. Il la vit avec ses tripes, il respire les valeurs de cette compé­ti­tion. La présence de Loïc Courteau lui a égale­ment fait beau­coup de bien. Ils ont un super feeling, ça fait la diffé­rence. Et puis, battre Gilles à l’Open d’Australie a été positif pour lui. 


Il y a un problème Gilles Simon ?

Bien sûr que non. Gilles Simon, j’ai appris à le connaître, à comprendre son mode de fonc­tion­ne­ment. C’est facile de lui tirer dessus, mais il n’a jamais eu des matches super faciles. Gilles, dans sa façon de fonc­tionner, c’est un mec plus perso, mais ça n’est pas l’un des plus compli­qués, loin de là. 

Cette expé­rience en Coupe Davis ne t’incite pas à vouloir devenir coach ?

D’abord, je ne peux pas, je n’ai pas le droit en tant qu’en­traî­neur de l’équipe de France et c’est assez logique. Autrement, je pour­rais influencer des déci­sions en faveur du joueur dont j’au­rais la respon­sa­bi­lité. Ca crée­rait des tensions. Après, entraîner, ça m’in­té­resse, mais ça dépend du projet et du joueur. Il faut qu’il y ait une dimen­sion affec­tive forte. En revanche, vivre toute l’année aux côtés de mon joueur, ça, je sais que ce ne serait pas possible. Je crois que ce type de fonc­tion­ne­ments, ça tue le couple. C’est bien et positif de ne pas être tout le temps sur le dos de ton gars, je pense que tu travailles mieux de cette manière. C’est plus qualitatif.

Sur Jo (Tsonga), tu as été plutôt dur après Bercy. Tu parlais d’un déficit en revers ?

Quand tu dis que j’ai été dur, je tiens à préciser que je n’ai jamais dit qu’il était faible en revers. Il ne faut pas déformer mes propos. J’ai juste affirmé qu’il pouvait améliorer son retour de revers. Ce n’est pas vrai­ment la même chose… 

Il a mérité sa cinquième place mondiale ?

Concernant ce sujet, j’ai une formule que je sors souvent et qui résume bien ma pensée : tu ne voles pas ton classement. 

A GrandChelem, on a du mal à suivre la carrière de Gaël Monfils…

Ce n’est pas mon cas ! (Rires) J’ai décou­vert Gaël et, avec le temps, je pense avoir des clefs et compris certaines choses. 


Tu serais donc prêt à le défendre si l’on atta­quait sa prépa­ra­tion, son calen­drier, son investissement…

Bien sûr que oui ! Même si, par rapport à son programme, j’estime qu’il devrait parfois penser un peu plus à sa santé. Ce que je veux dire, c’est que Gaël est en accord avec lui‐même. Il ne se ment pas. Si tu lui définis dix choses à faire pour devenir numéro un mondial, il préfè­rera peut‐être n’en faire que deux et être huitième. En revanche, il y a une chose qu’il désire par dessus tout : gagner Roland Garros. S’il veut devenir numéro un, il tentera le truc, mais à sa façon. Gaël, c’est un affectif, un mec qui a un cœur énorme. Et si tu arrives à rentrer dans son cercle, il est capable de tout donner.

Jim Courier est en costard‐cravate, au bord du court. Plutôt original, non ?

Oui, ça m’avait surpris la première fois. Au final, je trouve ça plutôt bien, mais ne compte pas sur moi pour faire pareil !

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