Gaël, est‐ce que tu peux résumer en un mot ce qui s’est passé aujourd’hui ?
Incroyable.
En quelques mots maintenant ?
C’était une fabuleuse expérience. Je ne vais pas vous dire que je rêve de la Coupe Davis depuis tout petit parce qu’au début je ne connaissais pas trop mais plus tard, quand j’ai commencé à jouer en équipe de France des 12–13 ans, j’ai rêvé de jouer en Coupe Davis. J’ai rêvé de me retrouver sur le terrain en demi‐finale. De faire un match comme ça, c’est juste incroyable. Je vous avais dit après ma victoire sur Ferrer que je n’étais pas sûr que ce soit mon meilleur moment en Coupe Davis, il y avait peut‐être une demie voire une finale derrière. En tout cas aujourd’hui, c’était encore mieux que contre Ferrer.
Finalement, tes matches en Coupe Davis, c’est crescendo !
C’est vrai que j’ai bien joué. Ca faisait longtemps que je n’avais pas si bien joué. Je me suis encouragé tout le temps, je me déplaçais bien, je n’étais pas fatigué. Vraiment, ça faisait longtemps que je ne m’étais pas retrouvé en position de lion comme cela. Après ce n’était pas tout beau non plus. Il y a des moments où je paniquais un peu. J’ai sorti des petites amorties pas terribles et je poussais un peu la balle. Mais même dans ces moments dur, j’ai pris du plaisir. Ce que je n’arrivais pas à trouver à l’US Open malgré mes résultats, je l’ai trouvé ici.
On a l’impression que tu te transcendes en Coupe Davis. Peux‐tu nous expliquer ce que tu ressens ?
Mon gros problème est d’arriver à me comprendre. Aujourd’hui je me sens mieux, je joue mieux. J’essaie justement de plus me comprendre. Et si je peux répéter le niveau d’aujourd’hui, des Grands Chelems, je pourrai en gagner.
Tu nous disais être très stressé après le tirage au sort hier…
Avant le match, j’étais hyper stressé ! Dans les vestiaires avec le doc, je lui disais j’ai mal là, j’étais dans mon gouffre, super tendu…
Quel a été le déclic pour te relâcher finalement ?
Les premières balles d’échauffement. Je sais quand même jouer au tennis, c’est ce que je fais de mieux dans ma vie, entre guillemets. Je me suis relâché. Je me suis dit, je suis dans mon jardin, mon domaine. Même si le maillot est lourd. Le court, c’est là où je peux le plus m’exprimer.
On a l’impression que depuis cette année, l’équipe a pris conscience qu’elle avait une carte à jouer en Coupe Davis.
On en a pris conscience bien avant ! On en a pris conscience quand on s’est sauvé des barrages. Match après match, l’équipe est présente. Contre la République Tchèque, c’était le première année où on était tous ensemble, qu’on se faisait notre équipe. Depuis, même si on s’est toujours très bien entendu, les liens se sont resserrés. On arrive à mieux gérer cette compétition et pour l’instant, ça nous réussit bien.
Le match de barrages justement, c’était il y a pile un an. Depuis ta vision de la Coupe Davis a changé non ?
A Maastricht, je n’avais encore jamais joué en Coupe Davis. Je n’avais pas paniqué mais je ne m’étais peut‐être pas mis assez de pression. J’étais rentré sur le court en me disant « ça va aller ». Après ça, le maillot est devenu bien plus lourd. J’ai mûri aussi à travers des situations plus dures dans ma vie. J’ai changé des choses dans ma vie, ouvert les yeux sur plein d’éléments, comme les Grands Chelems, la Coupe Davis.
Est‐ce que tu considères que c’est ton match le plus abouti depuis de longues années ?
Peut‐être pas depuis toujours, mais de cette année, c’est un de mes plus gros matches. Peut‐être pas le meilleur mais il est dans le Top 3.
Il y a un passage où Nalbandian a joué le feu. Qu’as‐tu ressenti à ce moment‐là ?
Je me doutais qu’il allait changer de tactique. Il s’est avancé dans le court, il s’est mis sur sa ligne, ne bougeait plus, droite, gauche, il me débordait. A mon tour, j’ai changé de tactique. Je me suit dit qu’il fallait peut‐être que je reste plus loin pour le gêner, j’ai essayé de mettre plus de poids dans mes frappes aussi. Physiquement, il commençait aussi à être touché, ça se voyait. Alors j’ai continué à pousser, le public m’a poussé, j’ai poussé dans la tête et j’ai réussi à faire une fin de match superbe.
Ton service slicé a extrêmement bien fonctionné aujourd’hui…
Au début, je servais fort et il s’appuyait sur ma puissance pour retourner très très fort. Je me suis dit qu’il fallait que je serve moins en puissance, que je trouve plus d’angle. Et c’est vrai que le slice extérieur, je le touchais bien.
Nalbandian faisait un peu peur à tout le monde. Est‐ce qu’il te faisait peur à toi ?
Complètement. Nalbandian me faisait peur. En même temps, psychologiquement, je savais que je restais sur deux victoires face à lui. Je sais que la « bête » n’aime pas trop me jouer. Il était conscient que j’allais courir, ne pas trop lui donner de points. Sur ses volées, j’étais partout, volées courtes, volées longues. Il a fini par s’agacer. Il n’y a pas non plus beaucoup de joueurs qui arrivent à être partout comme moi et je savais que je pouvais l’embêter.
Le fait de jouer pour l’équipe te transcende visiblement…
Aujourd’hui j’ai joué un peu pour moi aussi. C’est un des premiers matches où je me suis retrouvé. J’ai pris plaisir à taper, à m’encourager. j’avais de bonnes sensations, mentalement j’étais bien. Je l’ai bien sûr fait pour l’équipe aussi. J’étais heureux en fait. C’est le mot. Heureux d’être sur ce terrain, heureux d’honorer les couleurs françaises. J’ai pris un gros plaisir, avec le public, l’équipe… j’étais comme un dingue.
Publié le vendredi 17 septembre 2010 à 20:39