AccueilDocuQuel tennis pour demain - Les directeurs ont la parole (3/4)

Quel tennis pour demain – Les direc­teurs ont la parole (3÷4)

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Avec quatre tour­nois ATP 250, deux tour­nois du circuit WTA, le Rolex Paris Masters et bien sûr Roland‐Garros, le tennis profes­sionnel pèse lourd dans l’activité écono­mique. Trois direc­teurs de tour­nois ont bien voulu aborder les sujets clés pour nous éclairer sur leur fonc­tion­ne­ment et leur capa­cité à générer des revenus et des emplois.

1) L’épineuse ques­tion des finan­ce­ments liés aux institutions

Jean‐François Caujolle (Open 13)

Cela ne me gêne pas du tout d’aborder ce sujet ; il n’y a aucun tabou, bien au contraire. Cela fait 25 ans que le dépar­te­ment soutient notre événe­ment, qu’il nous accom­pagne dans notre déve­lop­pe­ment. Aujourd’hui, cela repré­sente 23 % de notre budget qui est de 5 millions d’euros. Derrière leur soutien, nous avons des missions à remplir qui ne se résument pas à mettre à dispo­si­tion des places. Le rôle d’un événe­ment comme l’Open 13 est bien de jouer à travers le sport un rôle social, de fédérer des initia­tives et des énergies.

Julien Boutter (Moselle Open)

Notre cas n’est pas iden­tique à Marseille, notre histoire est diffé­rente. On est un peu plus jeunes. La ville de Metz n’a pas la même struc­ture que Marseille, tant cultu­rel­le­ment qu’économiquement. En termes de part de notre budget, on est proche de ces 23 % alors que notre budget global se situe autour de 4 millions d’euros. Lors de la mobi­li­sa­tion après le possible démé­na­ge­ment, le dépar­te­ment de la Moselle a été un des moteurs de notre action pour garder le tournoi chez nous. Cela prouve son atta­che­ment au tournoi. Plus qu’un atta­che­ment, c’est la volonté de confirmer une ambi­tion liée à la région et sa posi­tion très stra­té­gique, proche du Luxembourg, de la Belgique. C’est le seul événe­ment qui fait parler de notre région au niveau inter­na­tional, cela pèse aussi. Enfin, le Moselle Open c’est égale­ment, le temps d’une semaine, une petite PME qui fait travailler les pres­ta­taires locaux.

Denis Naegelen (Internationaux de Strasbourg)

Quand j’ai repris le tournoi en 2010, on était dans une situa­tion diffi­cile. Il a fallu recons­truire, redé­finir les objec­tifs du tournoi, lui donner une dimen­sion qu’il n’avait pas. À force de travail et de chan­ge­ments stra­té­giques, les Internationaux de Strasbourg se sont installés comme un événe­ment majeur en Alsace et dans le Grand Est avec un budget global de 1,6 millions d’euros. L’idée de faire un central en face du Palais de l’Europe n’était pas dénuée de sens ; le travail d’un direc­teur de tournoi est aussi de valo­riser au mieux sa région, ses atouts, et Strasbourg est, quoi qu’on en dise, le carre­four de l’Europe. On ne s’en rend pas compte mais la finale des Internationaux de Strasbourg est diffusée dans plus de 120 pays dans le monde, ce n’est quand même pas rien ! Tout cela a contribué à un soutien finan­cier des collec­ti­vités qui, selon moi, est fina­le­ment très forte­ment renta­bi­lisé en termes d’image et de retom­bées économiques.

2) Les clés de la réus­site

Jean‐François Caujolle : Pour moi, c’est un plateau de joueurs attrac­tifs et j’y consacre une part impor­tante de mon budget, près de 33 %. À cela il faut ajouter de la créa­ti­vité, savoir se renou­veler en perma­nence, toujours être à l’écoute de ses clients, des spec­ta­teurs. Savoir aussi s’adapter. Le Palais des Sports a été construit il y a un bout de temps, mais cela ne nous empêche pas de surprendre à chaque édition. 

Julien Boutter : Un ancrage local fort, créer de vraies syner­gies entre tous nos spon­sors, favo­riser leur busi­ness, être un faci­li­ta­teur pour générer de l’activité dans notre région. Après, concer­nant le plateau sportif, on est pris en tenaille entre le tournoi de Saint‐Pétersbourg qui fait souvent des chèques en blanc, et pour ne rien arranger, Roger Federer a eu la bonne idée de créer sa Laver Cup la même semaine que nous. C’est donc un vrai casse‐tête et c’est usant, mais on se bat avec nos armes. En tant qu’ancien joueur, je sais que la qualité du jeu proposé est un atout pour réussir une bonne édition. Il faut donc être oppor­tu­niste, malin et proposer autre chose que simple­ment une grosse garantie. 

Denis Naegelen : Je dirige un tournoi féminin donc les sommes enga­gées ne sont pas les mêmes, les garan­ties sur les joueuses ne sont pas du même ordre à clas­se­ment égal. Les atouts pour la réus­site sont nombreux, c’est un tout, rien ne se détache, il faut être bon partout. Dans la qualité de la pres­ta­tion VIP, on a notam­ment beau­coup bossé sur la gastro­nomie. On a aussi aujourd’hui une vraie exper­tise sur notre billet­terie [en général, la billet­terie repré­sente entre 18 et 24 % des recettes d’un tournoi, NDLR], car là aussi c’est impor­tant d’avoir un stade bien rempli et pas unique­ment le week‐end. C’est un vrai métier de créer des offres adap­tées, efficaces.

3) L’avenir

Jean‐François Caujolle : Radieux, enso­leillé, tant que la passion est là. Et même si on a vécu une période dorée avec Federer‐Nadal, je pense que la géné­ra­tion qui vient va nous proposer d’autres choses. Je n’ai pas pour habi­tude de regarder derrière ; de ce fait, la récente victoire de Khachanov m’a beau­coup intéressé. 

Julien Boutter : On a confirmé l’an dernier que le Moselle Open avait sa place dans le concert inter­na­tional, on doit conti­nuer sur cette lancée. Le Moselle Open est un moteur pour la région, il doit le rester et je peux vous assurer que l’on se bat tous les jours pour main­tenir le cap. 

Denis Naegelen : La femme est l’avenir de l’homme (rires). Il n’existe que deux tour­nois du calen­drier WTA en France, les Internationaux de Strasbourg ont donc un rôle qui dépasse presque le tennis, c’est l’un des plus gros événe­ments spor­tifs fémi­nins du terri­toire. On n’a donc pas le droit de se planter. Je me suis égale­ment toujours fixé des devoirs de citoyen en tant qu’organisateur d’événements, c’est aussi pour cela que l’on est le seul tournoi à faire un bilan carbone certifié.

L’impact écono­mique des tournois

Nuits d’hôtels, repas, spec­ta­teurs, tourisme, emplois, les tour­nois sont donc géné­ra­teurs d’une économie. La région Occitanie, qui se posait des ques­tions sur un réen­ga­ge­ment avec l’Open Sud de France de Montpellier, avait commandé une étude. Le résultat était sans appel, selon le cabinet mandaté : l’impact du tournoi était de 2 millions d’euros.

Les tour­nois dans le monde

68 tour­nois ATP dans le monde, 6 en France, dont un Grand Chelem : la France se situe à la deuxième place derrière les États‐Unis (10 tour­nois et un Grand Chelem).

69 tour­nois WTA dans le monde : la Chine est en force avec 10 tour­nois comme les États‐Unis (10 + un Grand Chelem). La France fait figure de petit poucet avec les Internationaux de Strasbourg et l’Engie Open de Limoges.

Retrouvez gratui­te­ment et en inté­gra­lité le numéro 63, le dernier numéro de notre maga­zine GrandChelem… Bonne lecture !

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