Deuxième Grand Témoin à prendre la parole sur Welovetennis en vue de la finale France‐Suisse, Olivier Delaitre. Membre de l’équipe de France lors du célèbre titre de Lyon en 1991 et de la finale perdue en 1999 à Nice contre l’Australie, le Tricolore connaît parfaitement les finales de Coupe Davis. Pour ce spécialiste du double, l’équipe de France présente un avantage : c’est une bande de potes, tous issus de la même génération. Mais pour le messin d’origine, il est bien difficile de savoir quelle équipe soulèvera le Saladier d’Argent.

Qu’est-ce que la Coupe Davis vous évoque ?
La Coupe Davis évoque beaucoup de choses…C’est toute l’histoire du tennis et du tennis français. Il ne faut pas oublier que Roland‐Garros a été construit pour cet événement. La Coupe Davis a toujours eu une histoire importante en France. Tous les jeunes rêvent de la gagner. Ça m’évoque aussi des souvenirs de matches par équipes avec des amis. C’est quand même la seule compétition par équipes donc ça reste des grands moments.
Quels souvenirs gardez‐vous de vos rencontres de Coupe Davis ?
Je garde que des bons souvenirs, que ça soit les défaites ou les victoires. Cela a toujours été un moment de partage avec les autres joueurs, en groupe, avec le public qui répond différemment que sur les tournois.
Parmi toutes vos sélections, quel est le moment le plus marquant finalement ?
La première sélection est toujours importante, comme la première fois où on joue. Ce sont des moments qui marquent. J’ai eu la chance de la gagner (en 1991) et d’être à nouveau en finale en 1999 (défaite face à l’Australie à Nice). Ça reste très spécial d’être sélectionné, de jouer pour son pays, la France, d’être soutenu, aidé… C’est très rare d’avoir des mauvais souvenirs.
La finale de Nice en 1999 reste t‑elle encore un « traumatisme » ?
C’est sûr que quand on arrive en finale, que l’on touche à cette dernière manche et que l’on trébuche… Ça reste un mauvais souvenir, mais ce n’est que du sport. On perd le double sur les « Woodies » (Todd Woodbridge et Mark Woodforde), la meilleure équipe du monde ! Mark Philippoussis avait fait un week‐end parfait (deux victoires dont le troisième point). On se dit toujours que l’on aurait pu faire autrement, mais cela fait parti du tennis, il y a toujours un vainqueur…
Vous dites que l’on aurait pu faire autrement en 1999. Quoi par exemple ?
Nous, ils nous manquaient un groupe en 1999. En 1991, c’étaient des individualités qui avançaient tous ensemble. En 1999, je n’avais pas cette même sensation. Chacun pensait à sa pomme… Il faut que le groupe avance dans la même direction, que chaque joueur fasse l’effort pour l’autre. Si un joueur pense à lui à l’entraînement, car il a un peu mal ou autre, l’autre ne progressera pas. C’est important de donner au groupe et de ne pas penser à soi. C’est la différence entre 1991 et 1999. Il faut se mettre au service du groupe. C’est le groupe qui va nous pousser à mieux jouer. En 1991, à la fin du stage, tout le monde était au top de sa forme. En 1999, je n’en suis pas sûr.
- Delaitre : « La Coupe Davis a toujours eu une histoire importante en France »
Comment vit‐on le titre de 1991 sans avoir joué la finale ?
C’est différent. On ne joue pas, on est sur le banc de touche. Après, je pense que s’ils avaient fait le stage uniquement à deux, Guy (Forget) et Henri (Leconte), on n’aurait peut‐être pas gagné… Après c’est tout à fait normal que les gens soient plus reconnaissants envers Guy et Henri et que la couverture médiatique leur revienne, c’est eux qui ont gagné les matches (sourire) ! Même si notre part est minime, c’est la victoire d’une équipe, la victoire d’un groupe. Seuls, ce n’est pas sûr qu’ils auraient gagné ces matches‐là.
Comment peut‐on bien réussir sa finale, comment bien l’appréhender ?
Aujourd’hui, je ne suis pas du tout comment ça se passe. L’avantage qu’ils ont, c’est qu’ils sont tous de la même génération. Les quatre se connaissent depuis quinze ans et ce n’est pas le stage qui va les souder, ils le sont déjà. Ils n’auront pas de souci de ce côté là. Nous en 1991, il y avait deux générations, Forget, Leconte et Noah et Boestch, Santoro et moi de l’autre. C’est la seule différence. Le stage (effectué à Montreux, en Suisse) a permis de voir un groupe qui a tout donné pour l’équipe, on a tous tiré dans le même sens. De ce point de vu, cela a été un super stage. Personne n’a joué sa carte personnelle.
Sur quoi va se jouer la finale face à la Suisse ?
Il y a vraiment beaucoup de paramètres qui vont jouer. La surface déjà. Les Français vont arriver en ayant pu s’entraîner pendant dix jours sur terre battue, les Suisses non. Mais eux, ils jouent des matches de très haut niveau. Il faudra voir comment ils vont gérer le retour à la terre battue. Ils ne manquent pas de compétition, ils savent gérer les points importants, c’est quand même un avantage d’arriver en pleine confiance. Le changement de surface se fera plus facilement.
Finalement, c’est mieux de se préparer en jouant le Masters ou en effectuant un stage ?
Je suis partagé encore une fois. Si Wawrinka joue mal ou s’il se retrouve en demi‐finale ou en finale, il arrivera en confiance. Après le changement de surface se fait plus vite. La confiance fait tout. Après je ne sais pas du tout, tout dépend des résultats… Est‐ce qu’ils vont être fatigués ou bien s’acclimater à la terre… Il n’y a pas de favori des deux côtés. On ne joue pas une finale de Coupe Davis chaque année. Les Français attendent ça depuis très longtemps. C’est une occasion unique pour cette génération de marquer l’histoire. Comment les joueurs vont le gérer… C’est très compliqué.
- « Il y a vraiment beaucoup de paramètres qui vont jouer face à la Suisse »
L’homogénéité française est‐elle un avantage ?
C’est une force, c’est sûr. Mais en même temps c’est une faiblesse. Il faut prendre une décision qui sera forcément très dure. Le capitaine suisse n’aura pas de regret, il n’a pas le choix. Si Arnaud (Clément) aligne tel ou tel joueur et qu’il perd, il peut se dire, mince, j’aurais pu faire comme ça… Mais il possède l’avantage de pouvoir changer le samedi et le dimanche.
L’ambiance, ce grand stade, peut tout changer…
27 000 personnes, on ne connaît pas du tout ! Et puis Federer n’a jamais gagné la Coupe Davis, aucun des joueurs présent aussi. Il y a beaucoup d’inconnus comme je disais. Il n’y a pas une équipe qui se détache. Je me souviens que la folie de Lyon avait déstabilisé Pete Sampras qui n’avait jamais joué son meilleur tennis. Personne ne peut prédire ce qu’il va se passer…
Mais le public, le fait de jouer à domicile, peut être un atout pour les Français ?
Ça dépend de chaque individu. Certains ont besoin du public, d’autre non. J’aimais bien jouer avec du public, ça ne me dérangeait pas. Après je sais ce que je dois faire. Personnellement, ça ne m’a jamais gêné. Comme Gaël, il joue devant 10000 personnes, il va se transcender. C’est propre aux joueurs. On a quand même une vibration quand on rentre sur le terrain de voir tous ces gens qui applaudissent… Ça peut être déconcertant, mais après on est dans le truc. Je n’ai jamais été perturbé de ce côté‐là et je n’ai jamais eu ce stress de mal faire.
Si vous deviez dire un pronostic ?
C’est compliqué… Il faut voir si l’équipe de France a des blessés ou pas, est‐ce que Gaël jouera ou pas… Je pense que ça reste du 50–50. Le classement donne la Suisse favori. Mais on l’a vu en 1991 avec Leconte, qui était 159eme mondial qui bat Sampras, sixième joueur mondial. Il y a beaucoup de paramètres, le physique doit tenir, l’émotion aussi. Il y a beaucoup d’inconnus et je ne vois vraiment pas de favori entre la France et la Suisse.
Avec l’annonce de la sélection d’Arnaud Clément, comment voyez‐vous le déroulement du week‐end ?
C’est super compliqué… Le seul truc dont on est sûr, c’est que Gaël ne jouera pas le double. Les trois autres peuvent le faire. Après, Bennet ne devrait pas jouer le simple le vendredi, mais qui jouera ? C’est très compliqué de savoir, est‐ce que Gasquet est revenu en forme, est‐ce un risque de garder Gaël que pour dimanche… Je pense qu’Arnaud décidera au dernier moment… Le reste c’est l’inconnu total mais tout est possible aussi.
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Publié le vendredi 14 novembre 2014 à 18:00