AccueilL'épopée tricolore vue par Lionel Roux: une belle frayeur (2/4)

L’épopée trico­lore vue par Lionel Roux : une belle frayeur (2÷4)

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L’entraineur de l’équipe de France est revenu pour notre maga­zine GrandChelem sur la genèse de cette année 2014 et se projette forcé­ment sur la finale. Lionel nous livre un témoi­gnage poignant avec quelques confi­dences exclu­sives. Deuxième volet ce vendredi, la frayeur face aux Allemands en quarts de finale.

AVRIL 2014 : NANCY, la France s’en sort face à l’Allemagne 3 à 2.

Une rencontre très bizarre, déjà en amont. Les forfaits des joueurs alle­mands tombaient les uns après les autres ! D’abord Haas, puis Kohlschreiber, puis Mayer… Du coup, on recu­lait dans le listing et, à chaque fois, je me disais : « Merde, lui, je ne l’ai jamais vu jouer. » Et puis, on se retrouve à Nancy et Richard souffre du dos. On est exac­te­ment un an après l’Argentine, Richie est là… et ne va pas jouer. On se réunit alors avec le Doc’ et le Capitaine : on décide qu’il est préfé­rable qu’il ne reste pas, pour éviter ce climat d’incertitude qui avait été préju­di­ciable à Buenos Aires. Il est donc parti, puis revenu le vendredi pour encou­rager les gars. J’ai trouvé cela très bien et très sain pour tout le monde. 

On vit ensuite le premier moment vrai­ment dur de la rencontre avec Gaël qui nous annonce qu’il ne se sent pas de jouer le vendredi, que c’est trop tôt pour lui. Richard étant forfait et Gaël un peu court, cela deve­nait préoc­cu­pant. Malgré tout, on reste serein… pas pour long­temps ! Julien perd le premier point, puis Jo tombe sur un mec qui fait un match d’enfer. Nous voilà menés 2–0. C’est dur… Je reçois alors plein de SMS de soutien, notam­ment un de la part de Guy (Forget). J’en profite pour lui demander comment cela s’était passé à Nantes quand ils étaient menés 2–0. Il me dit : « Demain, les gars feront le job et vous ne serez plus menés que 2–1. Et, là, tu verras, les éner­gies chan­ge­ront de camp. Vous serez beau­coup plus forts et large­ment au‐dessus le dimanche, comme nous à l’époque. »

C’est exac­te­ment ce qui est arrivé. Arnaud aussi a reçu plein de messages de mecs qui ont gagné, dont un de Yannick (Noah) qu’il a fait lire à chaque joueur. C’étaient des mots très forts qui, moi aussi, m’ont vrai­ment touché. Au final, l’abattement du vendredi soir n’a duré qu’une heure, tout au plus. A l’hôtel, Mika a fait quelques vannes assez classes qui nous ont bien reboostés (sourire). Il y a eu des éclats de rire.… et, quand Jul’ et Mika se sont levés pour aller se coucher, tous les mecs se sont mis debout et Jo a pris la parole, vrai­ment déter­miné : « Les mecs, donnez‐nous le point demain. Dimanche, Gaël et moi, on finit le travail. »

Le double a été assez doulou­reux. Il y avait beau­coup de tension, mais aussi un esprit revan­chard, une énorme envie de montrer que cette équipe de France avait du carac­tère. On tourne à 2–1 samedi soir, puis Jo égalise à 2–2. Gaël gère alors parfai­te­ment le moment. Pour moi, c’est un joueur de Coupe Davis, un vrai ! Le plus dur, c’est de le mettre sur le terrain. Une fois qu’il y est, il ne se rate pas. Il fait tout, abso­lu­ment tout, pour gagner ou pour emmener le mec au bout du monde. Même s’il a dit, il y a long­temps, que le maillot bleu était dur à porter, moi, je trouve qu’il le porte très bien. Émotionnellement, c’est une des rencontres les plus fortes que j’ai vécues. Car, quand tu es mené 2–0 et que tu vois les joueurs se relever et dire : « Non, ce n’est pas possible », c’est fort. Cela a été le maître‐mot du discours du Capitaine, le vendredi soir. « Non, on ne cédera pas. »

Si je dois garder une image de cette rencontre, c’est la déter­mi­na­tion des quatre joueurs lorsqu’ils entrent sur le court alors qu’on est menés. Le samedi, Mika et Julien arrivent avec un regard de tueurs. Il y avait de la tension dans ce double, mais ils ont gardé la tête haute. Pas en mode : « Il faut qu’on sauve l’équipe, cela va être chaud. » Mais en mode : « On y va, à nous de jouer ! » Et puis, il y a Jo, le dimanche, le poing levé. C’était un sacré truc… Moi, cela m’a fait penser à Djoko quand il rentre en finale, à Belgrade, le dimanche, alors qu’ils sont menés 2–1. Une pensée doulou­reuse, d’ailleurs… Et, enfin, Gaël, à 2–2, le regard fixe, les yeux grands ouverts… Je reprends les quatre gars, je les mets en face de moi et je vois le visage qu’ils ont quand ils pénètrent sur le terrain : cette revanche, cette déter­mi­na­tion après avoir été piqués dans leur orgueil en étant menés ainsi, chez eux, par une équipe moins forte sur le papier…

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