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Thierry Ascione : « Battre Federer et Wawrinka, ce sera un exploit »

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Amoureux de la Coupe Davis depuis toujours, Thierry Ascione, coach de Jo‐Wilfried Tsonga, est revenu sur la gestion parti­cu­lière d’un joueur qui a fait de la Coupe Davis l’ob­jectif de sa saison.

Thierry, comment gère t‑on un joueur de Coupe Davis comme Jo‐Wilfried Tsonga, qui a égale­ment des objec­tifs élevés individuellement ?
On part toujours d’un constat prin­cipal : plus il est en forme, mieux il joue ; mieux il joue, meilleur c’est pour la Coupe Davis. Cela fait désor­mais un petit moment qu’il dit que c’est un objectif. Il l’a affirmé dans la presse, il l’a dit à ses coéqui­piers. Quand il veut faire passer des messages, il y arrive bien. Je trouve que, sur ce plan‐là, tout s’est bien déroulé, cette saison. Je me souviens que les mecs en parlaient toute la journée lors­qu’on était à Toronto ! C’est un véri­table objectif pour une bande de copains qui se connaissent depuis long­temps. Nous, de notre côté, on était lancés dans la tournée améri­caine, on ne s’est pas vrai­ment adaptés à la Coupe Davis. Cela fait simple­ment partie du programme. 

Quel est le dialogue que vous avez instauré avec Jo sur ce sujet ?
Pour ce qui est de la Coupe Davis, cela ne nous concerne pas trop. On est en rela­tion avec Lionel (Roux) et Arnaud (Clément). Avant les sélec­tions, on se parle, on fait le point sur plein de choses. Mais, vrai­ment, la Coupe Davis, nous (avec Nicolas Escudé, l’autre coach de Tsonga), cela ne nous regarde pas vraiment.

C’est donc le staff de l’équipe de France qui gère plei­ne­ment ses joueurs ?
C’est plutôt la France qui est comme cela. Les coachs sont mis entre guille­mets, laissés en‐dehors. Ce qui, dans l’absolu, n’est pas plus mal ! Le coach et le Capitaine sont aussi dans le ques­tion­ne­ment et le bien‐être du joueur et c’est bien, pour ce dernier, d’avoir un son de cloche un peu diffé­rent. Je ne pense pas qu’il soit opportun que les entraî­neurs des joueurs viennent inter­férer. Le fait d’avoir un petit cocon exclusif quelques semaines dans l’année, c’est très bien, à condi­tion que tout le monde soit au courant de ce qu’il se passe. Mais c’est le cas aujourd’hui. Avec Nicolas (Escudé), on va voir les matchs en tant que spec­ta­teurs. Si on peut donner deux ou trois infos, on les donne, bien sûr. Mais on n’a pas vrai­ment de discours Coupe Davis. C’est plus Jo qui en parle. On écoute. On essaie aussi de lui faire comprendre qu’en France, la Coupe Davis a une grande impor­tance et que c’est excep­tionnel de l’avoir à son palmarès. On fait tout ce qu’il faut pour que tout se passe bien dans son quoti­dien, sa carrière et en Coupe Davis. 

Il vous réclame des conseils sur l’approche psycho­lo­gique des rencontres ?

Non. Jo est un vrai joueur de Coupe Davis, je ne crois pas qu’il ait vrai­ment besoin de nos conseils là‐dessus. Il échange sur la vie de groupe, le passé de chacun. Peut‐être qu’il parlera de 2001 avec Nico, mais c’est tout.

Après une rencontre de Coupe Davis, on retrouve son joueur dans quel état ?

Fatigué psycho­lo­gi­que­ment et physi­que­ment ! Après la demi‐finale de Roland Garros, on l’a récu­péré épuisé, du fait aussi de sa longue tournée améri­caine où il a bien joué. Cela n’a pas été facile à gérer, mais, je le redis, le plus impor­tant, c’est qu’il soit content des choix qu’il a faits à la fin de la saison. 

Quand on veut jouer la Coupe Davis à fond, on le fait forcé­ment au détri­ment du circuit ? Cela semble diffi­cile de conci­lier les deux…

Je ne suis pas sûr que l’on puisse tout réussir. On le voit bien avec Federer qui doit faire des choix. Berdych y est parvenu deux ans de suite, en faisant simple et double, mais ce doit vrai­ment être une ques­tion de carac­tère, la façon dont on vit la compé­ti­tion et dont on gère l’après.

Qu’est-ce qui devrait être changé ou amélioré pour que la Coupe Davis ne connaisse pas autant de forfaits ?

C’est cyclique. Forcément, quand on l’a gagnée une ou deux fois, on est moins présent derrière. A l’in­verse, quand on perd tôt, on veut rapi­de­ment se retrouver à nouveau en février. Cela crée une forme de turnover. Quand les Français ont perdu en Argentine, en 2013, les huit mois qui les sépa­raient du premier tour contre l’Australie ont dû leur sembler inter­mi­nables ! Après, je pense que cela dépend aussi des joueurs et de leurs objec­tifs. C’est surtout cela le plus impor­tant. Il faut connaître leurs envies person­nelles. Les joueurs sont tous mysté­rieux. Même Jo. Ils ont un vrai jardin secret, de choses dont ils ne veulent pas parler. Et ce n’est pas toujours facile à décrypter.

Tu penses que le « coup de gueule » de Jo, après l’Argentine, a changé les choses ?

Oui, bien sûr. Jo a dit : « Je pousse un coup de gueule et j’assume. » Les autres ont réagi : « C’est notre pote, il fait les efforts ! » Cela leur a vrai­ment permis de comprendre qu’ils ne pour­raient s’en sortir que tous ensemble. Cette saison, si Jo et Richard jouent bien le vendredi mais sont cramés le samedi, ils savent que Bennet’ est là derrière. Il savent aussi que Monfils est prêt à se déchirer le dimanche. Les mecs peuvent tous jouer, c’est la force ! Et le mana­ge­ment d’Arnaud est réussi, il les laisse parler, leur fait confiance. J’adore Arnaud, je connais Lionel, ils réus­sissent. Pour arriver à faire un week‐end comme ils l’ont fait en demi‐finale… C’est fort ! 

Y‑a‐t‐il une appré­hen­sion, avant cette finale, à l’idée de jouer dans un aussi grand stade ?

Cela ne peut être que positif pour eux. La demi‐finale à Roland‐Garros était simi­laire. Quand tu joues le tournoi, il n’y a pas autant d’ambiance et les gens ne sont pas tous derrière toi. Là, à Lille, cela va être excep­tionnel. 27 000 personnes ! 

Et, en cas de titre, les Bleus peuvent avoir moins envie de la jouer par la suite, cette Coupe Davis ?

Après une finale, victoire ou défaite, il y a forcé­ment une décom­pres­sion. La saison a été telle­ment incroyable… Il y aura des consé­quences, posi­tives ou néga­tives, c’est probable.

Cela avait été le cas pour Djokovic après le titre serbe en 2010. Une sorte de déclic ?

C’est vrai qu’il a énor­mé­ment changé après son succès en Coupe Davis. Il faut être très honnête : si, demain, les gars battent Federer et Wawrinka, ce sera un véri­table exploit. Cela peut les galva­niser, c’est sûr. Pour le reste… déclic, je ne sais pas, je n’aime pas trop ce mot‐là. Je suis plus dans le travail au quoti­dien. Mais, s’ils se paient cette équipe suisse, j’es­père que cela leur fera monter l’or­gueil. J’espère pour eux.

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