Elle était belle, elle était grande, fine, élancée, elle avait cette jupe colorée, cette odeur unique. Elle s’appelait la Gabriela Sabatini. C’était une rose, une bien jolie rose tout spécialement créée par quelques horticulteurs inspirés. En 1992, une joueuse de tennis se voyait ainsi décernée l’honneur de succéder à Ingrid Bergman, la Princesse Grace ou encore Audrey Hepburn pour incarner une nouvelle espèce de rosacées. Une rose orangée. Peut être en hommage à l’Orange Bowl, ce tournoi qui avait vu en 1983 cette jeune Argentine à la beauté dévastatrice remporter le titre alors qu’elle était âgée de 13 ans.
Pour les moins fleuristes, Gabriela Sabatini était tout simplement Gaby, Gaby la Magnifique, la peau mate, les yeux de braise et un revers lifté qui l’avaient immédiatement installée dans la lignée de son glorieux aîné : Guillermo Vilas. Comme lui, elle aimait les longs rallyes du fond sur terre battue, comme lui elle resta plus d’une décennie dans le top 10 empochant au passage 27 titres sur le circuit WTA. Mais comme Vilas, Sabatini fut malheureusement coincée entre deux âges d’or : celui des reines Evert‐Navratilova et celui des dauphines Graf‐Seles. Longtemps 3ème joueuse mondiale, elle dût dès lors se contenter d’une seule victoire en Grand Chelem, mais quelle victoire ! Une finale de l’US Open 1990 contre l’invincible Steffi Graf, un match qui se transforma l’espace d’une heure et demi en démonstration avantgardiste du jeu offensif.
« Si je dois me souvenir d’un moment, ce serait celui‐là. C’était le début d’un très bon moment dans ma carrière où j’ai joué mon meilleur tennis entre 1990 et 1992 ». A l’origine de cette métamorphose, un entraîneur brésilien, Carlos Kirmayr, excellent joueur des années 80 et promoteur d’un tennis d’attaque. A l’origine du déclic, la volonté d’en finir avec une statistique humiliante. Face à Graf et en 5 ans, Sabatini ne l’avait remporté que 3 fois sur 21 rencontres. Elle avait même laissé envoler son rêve olympique en butant en finale contre la jeune Allemande. C’était deux ans plus tôt à Séoul
pour célébrer le retour du tennis dans les J.O. « Elle représentait un tel défi pour moi qu’il m’arrivait de bloquer légèrement ».
Blocage psychologique, voila le « bug » de la carrière de Gaby. En 1993 par exemple, à Roland‐Garros, elle menait 6–1 5–1 balle de match contre sa copine Mary‐Jo Fernandez quand inexplicablement, l’Argentine coinçait et se retrouvait une demi‐heure plus tard à devoir jouer un tie‐break… qu’elle perdait ainsi que le 3ème set sur le score cruel de 10–8. Sabatini sortait du court dévastée, perdant là une partie de son désir pour le tennis de haut‐niveau. Une autre nouvelle allait accélérer sa décision de quitter le circuit. Gabriela souffrait depuis longtemps d’anémie, un déficit en globules rouges qui lui assénait de terribles moments de fatigue incarnés par des nuits de sommeil parfois supérieures à 16 heures, un mal dont elle n’allait
jamais pouvoir se débarrasser. « Pourquoi me suis‐je sentie autant fatiguée tout au long de ma carrière et encore aujourd’hui ? ». En décidant
d’arrêter à 26 ans, Gabriela plongeait ses admirateurs dans la frustration d’une carrière un tantinet avortée. Elle laissait néanmoins l’image d’une championne adorable, incarnation du fair‐play et de l’élégance sur tous les courts du monde.
Publié le mercredi 14 mai 2008 à 22:56