On poursuit notre débriefing concernant le livre de Gilles Simon. Hier, on vous a proposé la réaction du directeur technique concernant la formation qui serait orientée sur le jeu de Federer, aujourd’hui place à l’idée commune qui consiste à dire et répéter que le tennis tricolore est surtout doué pour former des champions du monde junior. Un point sur lequel Gilles a insisté dans son livre expliquant que le passage entre juniors et circuit n’était pas efficace car mal orienté.
Les constats faits par Gilles sont en grande partie fondés, mais sa conclusion est datée. Heureusement, à la DTN, nous avons nous aussi fait du chemin, nous n’en sommes plus là. Il débute en disant « junior, on est fort ». Même si nos résultats de ces trois dernières saisons sont bons dans cette catégorie, n’en faisons pas une règle constante, nous avons aussi connu des années creuses en junior et d’autres viendront sûrement, le plus tard possible je l’espère.
Il nous dit aussi avoir vu des joueurs français en perdition quand ils ont été confrontés à la transition du circuit junior au circuit senior. C’est également vrai, mais est‐on sûr des raisons profondes qui ont conduit ces jeunes à se perdre ?
La voie vers le haut niveau est très étroite, il n’y a pas assez de place dans le top 100 ATP, si l’on considère ce critère comme celui de la réussite en tennis, pour accueillir tous les « bons juniors », qu’ils soient français ou pas. Gilles, qui y figure depuis bientôt 15 ans, ne donnera pas sa place à un jeune sans la défendre jusqu’au bout et c’est tout son mérite.
Au raisonnement par l’échec sur lequel se fonde Gilles, je préfère le raisonnement par la réussite qui identifie les conditions qui ont permis à certains bons juniors de devenir de bons seniors. Les bons seniors sont d’ailleurs dans leur grande majorité d’ex-bons juniors, 71% des membres du top 100 ATP ont eu un classement dans le top 50 ITF Juniors auparavant.
Contrairement à ce que dit Gilles, je pense que la connaissance de soi, qui est un processus continu tout au long de la vie, débute bien avant l’âge de la fin des juniors.
Je constate aussi que s’il est possible de gagner chez les juniors sans bien se connaître, ceux qui se connaissent bien dans la confrontation sportive et l’entraînement dès cet âge‐là ont davantage de chance de franchir le cap vers les seniors.
Les enjeux se situent donc en amont sur les circuits ITF juniors et même Tennis Europe 14 ans et moins. Vivre des réalités proches de celles du haut niveau, en pratiquant les circuits jeunes de manière individualisée et en voyageant dès l’adolescence permet de mieux s’y préparer.
Mais cela ne suffit pas. Les jeunes ont également besoin d’être accompagnés ou guidés pour comprendre leurs ressentis, leurs émotions ainsi que leurs angoisses et leurs peurs liés aux expériences qu’ils traversent. Cet accompagnement est également nécessaire pour faire évoluer leurs représentations du haut niveau et de la performance ou encore leur enseigner des routines ou des rituels qui les aideront sur le terrain.
C’est pourquoi depuis le début de l’année 2020, nous avons recruté Christophe Bernelle, salarié à plein temps à la DTN, psychiatre et ancien joueur de tennis professionnel pour guider nos jeunes dans cette découverte d’eux-mêmes, car si les réponses sont en chacun d’eux, il peut les aider à se poser les bonnes questions au bon moment au fil de leur maturation. Christophe a également pour mission d’accompagner leurs parents, dont le rôle n’est pas toujours intuitif et pourtant si important pour le jeune joueur, afin de créer autour de lui un environnement favorable. Enfin, le rôle de Christophe consiste également à accompagner les entraîneurs pour que justement ils dépassent le stade du « tu n’as pas assez faim » décrié par Gilles.
Publié le mercredi 16 décembre 2020 à 17:18