Dans le rétro, quelques balles le long des lignes. Quelques joueurs ayant fait l’Histoire. Des anecdotes, des matchs, des lieux : le tennis écrit depuis longtemps sa légende. Parce qu’aujourd’hui ne se comprend qu’à travers hier, parce que les histoires sont belles, WLT vous propose de revivre, le lundi et jeudi soir, certains grands moments de tennis. Aujourd’hui, le calvaire de Thierry Champion à Roland Garros, en 1993.
« J’ai envie de rentrer chez moi, d’aller me cacher sous la couette pendant un jour ou deux, même une semaine. » Il y a des jours, comme ça, où rien ne va. Où le corps ne suit pas. Nous sommes le 27 mai 1993 au second tour de Roland Garros, cours Central. Thierry Champion est écrasé par Sergi Bruguera, 6–0 6–0 6–0, en tout juste une heure de jeu. Le Français regrette peut‐être sa wildcard, reçue quelques semaines plus tôt pour disputer ce Roland Garros. Car ce soir de mai, ce blond de 26 ans bat bien malgré lui un triste record, celui du match le plus rapide des Internationaux de France. Une heure, et trois roues de bicyclette en guise de score.
Rien ne laissait pourtant présager d’un tel massacre. Certes, Champion, 172ème joueur ATP à l’époque, n’était pas favori. Mais quand même. Trois ans auparavant, il parvient à sortir des qualifications et se hisse jusqu’en quart de finale, où il s’incline contre Andrès Gomez, qui gagne le tournoi. En 1991, il atteint le troisième tour, en écartant un certain Pete Sempras, alors sixième mondial. Derrière, Thierry enchaîne à Wimbledon : une élimination en quart de finale face à Stefan Edberg, après un second tour épique contre Pat Cash où le Français s’en sort en cinq sets. Il y avait donc des raisons d’y croire.
Mais les illusions s’envolent rapidement. Champion reste loin derrière la ligne de fond de court, laissant Bruguera prendre les initiatives. Deux grossières fautes en revers offrent ensuite le break à l’Espagnol. Le premier d’une longue série. « J’avais l’impression que je ne pouvais plus frapper et que la balle pesait trois tonnes. Je n’avais qu’une envie, c’était sortir du court. […] Pour les gens, j’étais un pantin, un clown, je n’étais plus un joueur de tennis, c’est terrible. » avoue Thierry à la fin du match. Un match dans lequel il ne marque que 28 petits points, et où il ne se procure que quatre balles de jeu.
Et les points qu’il arrache ne sont pas forcément l’occasion de relever la tête. Pensant bien faire, le public l’acclame. Le genre d’acclamations dont on sent bien qu’elles sont forcées, et plus compatissantes qu’admiratives. La honte s’empare du Français qui, comble de l’ironie, joue son match juste après celui d’Arantxa Sanchez et de Naoko Sawamatsu, soldé sur le score de… 6–0 6–0. « Je regardais l’évolution du score dans les vestiaires et je me disais qu’il y avait une très grande différence de niveau entre les filles. Mais de là à imaginer que j’allais subir la même correction… ». Restant digne jusqu’au bout, Champion refuse de se cacher derrière sa blessure au coude, et assume pleinement. Pour la petite histoire, Bruguera remportera ce Roland Garros 1993. Champion, lui, mettra un terme à sa carrière cinq ans plus tard, avant d’entraîner, entre autres, Gael Monfils ou Paul‐Henri Mathieu.
Publié le lundi 15 juillet 2013 à 11:13