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Sapronov : « Il y a beau­coup de talents en Ukraine »

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Welovetennis/GrandChelem sont parte­naires du Team 5, struc­ture mise en place récem­ment pour épauler la carrière de joueuses ukrai­niennes et notam­ment Elina Svitolina, récente lauréate de Roland Garros et aujourd’hui numéro 1 mondial. Ce soutien de Welovetennis/GrandChelem est lié à la nature des fonda­teurs de Team 5, Stéphane Gurov et Laurent Paillusseau, le direc­teur tech­nique qui a le vrai « désa­van­tage » d’être lyon­nais comme Welovetennis/GrandChelem. Outre le fait que vous pourrez vivre de l’in­té­rieur l’aven­ture du Team 5 durant toute la saison, voici l’in­ter­view de Yuri Sapronov, le vice‐président de la fédé­ra­tion ukrai­nienne de tennis. Il est le premier à avoir parié sur la jeune joueuse qui sera l’une des favo­rites pour le tournoi junior qui va débuter à Wimbledon. Il revient sur l’émo­tion de son titre à Roland Garros. Cet entre­tien ouvre aussi le blog du team 5. 

Quelle a été votre première pensée quand Elina a gagné son titre ?
J’ai pu regarder beau­coup de matches déci­sifs y compris des finales perdues incluant des joueurs avec qui j’avais et avec qui j’ai toujours des contrats. Sur la balle de match, j’ai mis mes bras sur la tête et ai porté à mes lèvres la petite croix que je porte sur moi juste en faisant une prière (…) pour sa victoire. Et dieu m’a écouté. Bravo, vrai­ment bravo à Elina.

Avez‐vous toujours cru en Elina ?

Croire en un joueur est l’une des compo­santes essen­tielles du succès. Si j’ai tout de suite donné mon accord quand elle est venue dans notre club et que j’ai signé un contrat avec elle quand elle n’avait que 13 ans‐est‐ce que ça ne s’appelle pas croire en Elina ? Et si je la soutiens main­te­nant, c’est que cette foi ne m’a jamais quittée. Nous pouvons avoir des doutes qui nous assaillent dans les moments diffi­ciles mais la foi triomphe toujours. Je suis certain main­te­nant qu’un grand avenir attend Elina dans le tennis profes­sionnel. Et ma foi est forte comme elle ne l’a jamais été. Il existe une tradi­tion slave qui consiste à cracher trois fois par‐dessus son épaule gauche pour que tout se passe bien. Aujourd’hui je crache avec plaisir.


Depuis combien de temps l’aidez-vous ?

Cela fera bientôt trois ans que nous soute­nons Elina. Cela a commencé en 2007, en décembre. A l’époque, on m’avait dit qu’il y avait à Odessa une jeune fille parti­cu­liè­re­ment douée. Son entrai­neur actuel, Andrei Lutsenko, me l’avait recom­mandée de façon insis­tante. Andrei m’avait convaincu qu’en créant les condi­tions adéquates pour Elina, elle devien­drait une très bonne joueuse. Et j’ai eu raison de lui faire confiance. C’est un très bon profes­sionnel. Nous avons élaboré ensemble un système de finan­ce­ment préci­sant à chaque fois ce dont elle avait besoin et nous en sommes venus à la conclu­sion que nous pouvions créer à Kharkov toutes les condi­tions néces­saires pour sa carrière profes­sion­nelle. Croyez‐moi, nous pouvons en étonner plus d’un par nos moyens. Le président de la fédé­ra­tion inter­na­tio­nale de tennis, Francesco Ricci Bitti, ainsi que de nombreux hauts respon­sables du tennis ont pu s’en convaincre. De mon côté, je suis convaincu que la base du succès dans le tennis sont les infra­struc­tures (cours, salles d’entrainement, piscines, centres de récu­pé­ra­tion) en complé­ment des capa­cités des spécia­listes (entrai­neurs, mana­gers). Aujourd’hui, Elina a tout, y compris tout le support finan­cier qui lui sera nécessaire.


Elina a intégré un team fran­çais, ce choix est déjà plutôt payant…

C’est un bon signe. Ça veut dire que nous sommes sur la bonne voie. Nous pensons que le travail de nombreux spécia­listes sera très productif pour la progres­sion d’un joueur donné et nous sommes prêts à payer pour cela. Mais nous pensons égale­ment qu’on ne change pas les chevaux qui gagnent. Nous devons tout faire pour leur déve­lop­pe­ment profes­sionnel et leur donner une chance de se réaliser au plus haut niveau. C’est en ceci que nous voyons un intérêt de coopé­ra­tion avec un team fran­çais, réunis­sant des spécia­listes compé­tents avec une bonne expé­rience du tennis profes­sionnel.

Quand vous avez porté Elina, vous sembliez plus heureux qu’elle…
Je suis une personne très émotive, voire senti­men­tale. Quand j’ai vu gagner l’équipe natio­nale fémi­nine d’Ukraine, dont j’ai été le sponsor pendant quatre ans, surtout lorsque nous avons intégré le « groupe monde » de la FED CUP, j’ai pleuré comme un enfant. Chacune de mes joueuses, chacune de mes équipes, ce sont mes enfants. C’est comme ça que je me comporte avec eux. C’est pour ça que je suis à la fois sévère et exigeant, mais en même temps très proche et à l’écoute de mes joueurs. Sans une telle atti­tude, le succès, me semble‐t‐il, est impossible.


Si elle était en finale de Wimbledon, je suis certain que vous iriez la voir…

S’il vous plait, ne faisons pas de pronos­tics. J’occupe aujourd’hui un poste de première impor­tance dans l’administration régio­nale de Kharkov, et les affaires que je dois traiter, croyez‐moi, sont nombreuses. Mes prédé­ces­seurs avaient l’habitude de beau­coup parler sur ce qu’il faut faire. Il faut main­te­nant rattraper le temps perdu. Nous avons une chance unique pour moder­niser notre pays et il ne faut pas la rater. Mais tout cela c’est de la poli­tique et le sport doit rester en dehors. Je ferai tout pour assister à la finale d’Elina, même si ce n’est pas cette fois‐ci. Chaque chose en son temps.


D’où vient cette passion pour le tennis ?

J’ai frappé la première fois la balle à 30 ans et toutes les balles doivent encore être au zoo qui était à côté du club où j’allais. Ca s’était il y a 17 ans. A cette époque, il y avait à Kharkov une jeune joueuse très promet­teuse : Tatiana PEREBIYNIS. J’ai pris un grand intérêt à pouvoir l’aider. Et j’ai commencé à m’intéresser à la façon dont il fallait l’épauler. Mes affaires prenaient leur essor. Je travaillais beau­coup et le tennis était un moyen de m’évader, de faire autre chose. Après, Tatiana a commencé à gagner et c’est devenu très inté­res­sant pour moi. Se pouvait‐il qu’une joueuse d’une province ukrai­nienne devienne une étoile du tennis mondial ? Il y avait une dimen­sion aven­tu­reuse, mais surtout l’envie d’aider un talent à réussir. N’est-ce pas là le bonheur‐ quand tu aides des gens hors du commun à réaliser leurs capa­cités exceptionnelles ?
Je suis vrai­ment heureux d’avoir pu aider l’équipe ukrai­nienne de FED CUP à faire de tels progrès. Nous en ferons de même, j’en suis certain, avec notre future équipe. Tout le monde pourra la voir. Je suis content pour Tatiana PEREBIYNIS, en partie grâce à moi, ait pu atteindre la 55ème place mondiale. Depuis quatre ans, je suis le sponsor des sœurs BONDARENKO, et je les supporte à chaque fois qu’elles jouent. J’ai de nouveau ressenti un grand senti­ment de joie à Paris avec Elina. Mais cette joie n’est que le début. Nous croyons tous en son succès sur le circuit WTA.

L’Ukraine est une vraie terre de tennis, comment expliquez‐vous cela ?
Et jusqu’où pensez‐vous que l’Ukraine puisse aller ?
Il ya beau­coup de talents en Ukraine. Mais il se peut que, du fait que l’Ukraine se trouve au milieu des conti­nents, les gens se soient dit qu’ils n’avaient aucune chance de succès. C’est pour cela qu’il est rare de voir chez nous de l’enthousiasme dans le travail. Mais avec le temps et les nouveaux moyens, les gens savent qu’ils peuvent rece­voir leur chance de succès : qui grâce à ses parents, qui grâce au mécénat, au spon­sor­ship, qui grâce à ses propres moyens, comme c’est le cas pour la nouvelle géné­ra­tion de joueuses et de joueurs ukrai­niens. Mais soyez sûrs que si l’on donne sa chance à un ukrai­nien, il fera tout pour l’utiliser à fond. Avec même une sorte de déses­poir qui est une carac­té­ris­tique des gens vivant dans ce pays.
Aujourd’hui, beau­coup de jeunes joueuses ont reçu leur chance grâce à l’œuvre de la nouvelle fédé­ra­tion ukrai­nienne de tennis, à la tête de laquelle se trouve depuis cinq ans mon ami et grand connais­seur du tennis : Vadim SHULMAN, qui donne de ses propres fonds beau­coup plus que je ne le fais pour le tennis ukrai­nien. C’est dommage que l’Etat ne fasse rien pour ses spor­tifs. Je voudrais que tout le monde puisse avoir sa chance, et avant tout la géné­ra­tion suivante. Si tout se passe ainsi, vous imaginez les résul­tats que pour­rait obtenir l’Ukraine. Personne ne peut poser d’option sur la première place mondiale. Cela veut dire que même pour nous, le jour venu, elle sera acces­sible. Je crois en cela et j’emploierai toutes mes forces pour y parvenir.