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PHM : « Toujours envie ! »

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Pour notre 32e numéro de Grand Chelem, nous avons rencontré Paul‐Henri Mathieu juste avant qu’il ne s’en­vole pour l’Australie, au Tennis Club de Lyon, lors d’un clinic pour son équi­pe­men­tier Wilson. Confidences d’un cham­pion revenu de l’Enfer, dont l’ob­jectif prin­cipal tient en trois mots : prendre du plaisir.

Quel bilan peux‐tu faire de ta saison 2012 ?

C’est une saison satis­fai­sante ! J’ai repris en février et je n’étais pas sûr du niveau que je pouvais retrouver. Mais ça s’est bien passé. Mon premier objectif, c’était d’être en bonne santé, afin d’enchaîner les tour­nois. Ensuite, tout est allé très vite. Même si, dans ces cas‐là, on veut que ça aille encore plus vite… J’ai pu jouer des matches et des tour­nois sans bles­sure. Au final, je pense avoir bien géré le calen­drier et fini la saison correctement.

Satisfait, aussi, de ton clas­se­ment final (58ème) ?

Quand on recom­mence de zéro, ce n’est jamais évident de se fixer un objectif de clas­se­ment. Mais ça s’est fait petit à petit avec un bond en fin d’année, ce qui m’a permis de m’ins­taller à nouveau confor­ta­ble­ment dans les 100 premiers.

Tu as encore de l’appréhension quand tu pénètres sur un court de tennis ?

C’est vrai qu’on garde toujours une forme de peur quand on a subi une bles­sure de ce genre, avec une grosse opéra­tion. Ca fait partie de nous. La peur, elle est là, elle reste toujours enfouie, c’est quelque chose qu’il faut accepter et gérer. 

Tu as un but précis en tête quand on te parle de 2013 ?

Le premier, c’est de pouvoir jouer toute l’année. L’an passé, j’ai voulu alléger mon programme ; je vais essayer de jouer un peu plus de tour­nois cette saison. Mais atten­tion, sans en jouer autant qu’au­pa­ra­vant. En termes de clas­se­ment, je voudrais rentrer dans les 50 premiers. Ensuite, évidem­ment me rappro­cher des 30, parce que je pense que c’est vrai­ment jouable. Aller plus haut, ça, on ne sait pas… On verra selon les événements.

Tu gardes une image forte de ces 12 derniers mois ? Nous, on pense forcé­ment à ta victoire sur John Isner, à Roland Garros…

Non, moi, ce qui m’a plus marqué, c’est quand j’ai perdu contre Marcel Granollers (NDLR : au troi­sième tour de Roland Garros). Sur le court numéro un, les gens m’avaient fait une haie d’hon­neur pour rentrer au vestiaire. Pour moi, c’était un vrai moment fort, très beau.

J’ai regardé un ancien numéro de GrandChelem et je suis retombé sur une inter­view que tu avais faite en 2007 (NDLR : GrandChelem numéro 11). Tu y décla­rais : « Je me suis souvent fait avoir parce que j’étais trop gentil. » Aujourd’hui, c’est quelque chose que tu penses encore ?

Non, je pense que c’était un peu sorti du contexte… Enfin… Je ne me souviens plus trop, pour être honnête ! J’ai toujours été quel­qu’un de sensible. Après, à voir pour qui, comment et pour­quoi ! (Rires)

Tu le sais, on a beau­coup parlé du repor­tage réalisé par Canal+ sur l’histoire de ta bles­sure, de ton opéra­tion à ta réédu­ca­tion (NDLR : Intérieur sport, « Renaissance »). Tu l’as vu ? Qu’est-ce que tu en as pensé ?

Le repor­tage a retracé tout ce que j’ai vécu. Mais c’est vrai que ce n’était qu’un bout extrê­me­ment condensé. Une ving­taine de minutes, alors qu’il y avait 65 heures d’images. Je trouve que ça donne quand même une idée de ce que j’ai pu vivre, même si, pour moi, c’est à des années‐lumière de ce que j’ai vécu. Ca donne une première impres­sion, quoi. Je pense que ça a permis d’hu­ma­niser les spor­tifs de haut niveau, de montrer aussi l’en­vers du décor. Parfois, on m’arrête dans la rue pour me parler de ce docu­men­taire, avant de me parler de mes résul­tats ! Je tenais à partager cette expé­rience, c’est d’ailleurs une des raisons qui m’ont poussé à accepter la présence des caméras. Au final, ça a touché les gens, car c’est une belle leçon de courage.

Ca peut servir d’exemple à d’autres sportifs ?

Je l’es­père ! J’ai reçu plusieurs témoi­gnages qui me disaient : « Ton docu­men­taire m’a donné du courage. Moi aussi, j’ai une bles­sure, je vais essayer de posi­tiver et de m’en sortir ! » Alors, forcé­ment, j’ai l’im­pres­sion que ça n’a pas été inutile ! (Sourire)

Je suis obligé de revenir à ce fameux match contre Isner, à Roland… On a senti telle­ment d’émotions !

C’est vrai, c’était un super match ! J’étais déjà content de pouvoir jouer sur le Central après autant de temps. Et puis, le match s’est un peu emballé, c’était contre Isner, le cinquième set a commencé… Les gens se sont forcé­ment remé­morés la rencontre face à Nicolas (NDLR : Isner‐Mahut, à Wimbledon 2010). Il y a eu tout un engoue­ment autour de cette cinquième manche, c’était un moment assez sympa !

Contre Marcel Granollers, c’était aussi très fort. Le court numéro un était bondé, on ne pouvait pas avancer sur la place des Mousquetaires devant l’écran géant…

Comme je le dis, pour moi, c’est LE moment fort de ma saison 2012. Je perds deux sets à zéro, j’arrive à revenir à deux manches partout… Tout le public est derrière moi, j’entends les gens qui crient sur la place des Mousquetaires, avec un petit déca­lage lié à l’écran géant… C’était fran­che­ment dingue ! J’ai des amis qui m’ont envoyé des photos de la place pour me montrer à quel point elle était bondée. Tout le monde regar­dait le match ! 

Ta bles­sure t’a fait passer par des moments très durs. Elle t’a permis de prendre un peu de recul, d’adopter un nouvel état d’esprit ?

Forcément, on voit les choses un peu diffé­rem­ment après une telle expé­rience. Au début de ma bles­sure, je ne pensais pas que c’était aussi grave. Je pensais rejouer quelques semaines après. Puis, on m’annonce que je dois subir cette opéra­tion et que ça sera un peu plus long que prévu… Quand on passe par ce genre d’épreuves, on rela­ti­vise beau­coup plus la défaite. C’est ça, la vraie différence.

Aujourd’hui, c’est vrai­ment le plaisir qui prime ?

Tu as tout compris ! (Rires) Même si l’on est, avant tout, des compé­ti­teurs et que le plaisir est plus fort quand il est syno­nyme de victoires… 

Le dernier tournoi que tu disputes avant ta bles­sure, c’est Bâle, en 2010. Cette année, tu y obtiens un de tes meilleurs résul­tats avec une demi‐finale face à Roger Federer. C’est un beau symbole ?

Oui, je dois dire que j’appréhendais un peu de retourner là‐bas… Très genti­ment, le Directeur du tournoi m’a attribué une wild­card. Ca faisait bizarre de revenir sur les lieux de mon dernier tournoi, là où j’ai dû arrêter… Mais je m’en suis plutôt bien sorti et c’est une belle revanche, je pense !

Tu es désor­mais tren­te­naire : comment tu vois la suite de ta carrière ?

Je pense que, le plus impor­tant, c’est d’être frais psycho­lo­gi­que­ment. Je n’ai pas joué pendant un an, j’ai été blessé plusieurs fois dans ma carrière… Il faut que l’envie soit toujours là. Et, moi, j’ai toujours envie ! J’ai été arrêté plusieurs fois ; là, je suis reparti pour trois ou quatre ans. Quand je vois des joueurs comme Tommy Haas faire des retours et revenir dans le top 20, ça me donne du courage, parce que je pense que tout est encore faisable. Lui aussi, il a été blessé plusieurs fois. Pourtant, aujourd’hui, il est frais menta­le­ment et c’est le plus important !

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