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Rezai : « Beaucoup de gens vous lâchent dans les moments diffi­ciles… » (1÷2)

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Détendue, apaisée et souriante. Après des mois et des mois de galères, Aravane Rezai retrouve le goût du tennis et de la compé­ti­tion. La Française accepte de revenir par la petite porte, de repartir de zéro… pour tutoyer de nouveau les sommets ? C’est son objectif. Car on n’at­teint pas le top 15, la deuxième semaine des Grands Chelems et la victoire finale dans un tournoi comme Madrid par hasard. Non. Alors Aravane patiente et recons­truit. Aujourd’hui 476ème mondiale, elle ne désire qu’une chose : jouer des matches, retrouver peu à peu la confiance… et les sensa­tions enivrantes de la victoire. Entretien tout en fran­chise et en sérénité.

Entretien réalisé par Loïc Revol.

Aravane, cela fait si long­temps que l’on n’a pas eu de tes nouvelles, comment te sens‐tu ?

En fait, je sors d’une période où je n’ai pas joué depuis six mois dans les tour­nois. J’ai fait une demande de clas­se­ment protégé (183ème). Et j’ai joué mon premier tournoi en 2014 en Nouvelle‐Zélande à Auckland. Au premier tour des qualifs, je bats Claire (Feuerstein), puis je m’incline derrière au tie‐break du troi­sième set contre la Japonaise Sachie Ishizu, qui atteint ensuite les quarts de finale dans le tournoi. Je dispute aussi les quali­fi­ca­tions de l’Open d’Australie. Ce n’était pas facile, il y avait beau­coup d’attentes autour de moi. J’étais très stressée et tendue. Je n’ai pas su imposer réel­le­ment mes six mois d’entraînements (défaite contre la Russe Alla Kudryavtseva 6–4 6–2). J’ai ensuite décidé de faire l’ITF de Grenoble (25 000 ). Une demi‐heure avant ma première rencontre, j’ai appris le décès de mon grand‐père… Je n’étais pas dans le meilleur état psycho­lo­gique pour jouer (défaite au premier tour contre Tayisiya Morderger, 6–1 6–1, NDLR)… Je ne peux pas me juger sur ce match là. Je n’étais pas présente du tout. J’ai l’intention de disputer d’autres tour­nois ITF en Suisse et Italie pour me remettre en confiance et gagner des matches. Je ne m’inquiète pas trop, j’ai envie de bien faire. Je n’ai pas eu de confiance, les moments n’ont pas toujours été faciles.

Finalement, aujourd’hui, en ce début de saison 2014, comment fonctionnes‐tu ?

Beaucoup de choses ont changé. Je suis en train de faire des mises au point person­nelles. C’est un peu en stand‐by. Je vais prendre des déci­sions pour ma famille, la struc­ture qui m’entoure afin d’avoir le meilleur team. J’ai perdu trop de temps, je dois faire des choix, y aller à 100% et faire confiance aux gens. C’est la clé de la réus­site. J’ai déjà percé au haut niveau. J’ai la possi­bi­lité de revenir plus vite que les autres en ayant une adap­ta­tion plus facile. Je vais repartir de plus bas, me serrer la cein­ture et me donner toutes les possi­bi­lités pour y parvenir.

« Je vais repartir de plus bas et me donner toutes les possi­bi­lités pour parvenir au haut‐niveau ! »

Au cours de l’année 2013, tu as repris l’entraînement avec ton papa. C’est toujours d’actualité ?

Effectivement, je m’entraîne avec mon papa pour l’instant. Je fais des aller‐retours à l’académie (Mouratoglou) car j’ai conservé mon entraî­neur physique là‐bas (Sébastien Durand, NDLR). C’est un peu compliqué car je fais une semaine d’entraînement et une semaine de physique. Je me pose pas mal de ques­tions justement.

C’est-à-dire ? Tu as des noms en tête pour ta nouvelle structure ?

Je me pose les bonnes ques­tions. Il y a des idées. Je ne peux pas encore les dire. Mais on essaie de voir quelle est la meilleure solu­tion pour essayer de gagner afin d’avoir la meilleure struc­ture, être stable et éviter de changer de coach souvent. Une fois la struc­ture trouvée, le but c’est d’y aller à fond !

Après tes diffé­rents problèmes, t’es tu sentie soutenue dans ces moments compli­qués ? Au niveau des spon­sors ou même de tes proches ?

Pour les spon­sors, je n’en ai pas… Et c’est juste­ment compliqué de voyager sans avoir de rentrées finan­cières et d’aides. Beaucoup de gens vous lâchent dans les moments diffi­ciles. Les personnes vers qui on peut se tourner sont les meilleurs amis. C’est un milieu concur­ren­tiel. Quand on gagne, on est les meilleurs et les plus beaux. Maintenant, je sais que j’ai un team qui se construit, j’ai des gens pour m’aider, peu, car ça se compte sur les doigts d’une seule main… Je reste dans ma bulle et je donne tout. Si ça marche, tant mieux, sinon j’aurai tout donné.

Mais le fait de revenir t’entraîner avec ton père peut être consi­déré comme un retour en arrière ou un retour aux sources ?

En reve­nant avec mon papa, je savais quel était le type d’entraînement que j’al­lais avoir. Je savais à quoi m’attendre tout simple­ment. Ça fait presque vingt ans qu’il le fait, et je connais­sais ses bons et ses mauvais côtés, ses bons et ses mauvais aspects. J’ai pris les bons, les mauvais, et je les ai mis de côté. Je n’ai plus dix ans, j’ai vingt‐six ans, on peut discuter et je sais ce qu’il faut faire.

« Beaucoup de gens vous lâchent dans les moments diffi­ciles »

Et, aujourd’hui, quelles sont tes rela­tions avec la Fédération Française de Tennis ?

Je n’en ai pas trop. Je n’ai plus un clas­se­ment apte pour jouer en équipe de France. Donc je suis un peu « aban­donnée ». On nous appelle quand on a besoin de nous et, quand on est nul, on ne sert à rien. Je ne suis pas encore prête pour, un jour, rejouer avec les Bleues, je dois d’abord me renforcer.

Mais, en 2011, Alexia Dechaume avait été déta­chée pour t’entraîner. Pourquoi ne pas avoir continué avec elle ?

Car, en fait, elle avait été déta­chée pour m’entraîner pendant deux ou trois mois jusqu’à Wimbledon et que je trouve un entraî­neur. C’était le deal, c’était temporaire. 

Le fait de revenir et de pouvoir rejouer à nouveau au tennis, ça reste un vrai soulagement ?

Complètement ! Je me sens dans mon milieu, je me sens bien. J’aime gagner, j’aime la compé­ti­tion. Mais je n’aime pas du tout m’entraîner ! J’adore la compé­ti­tion et, dans ce sport, on a la chance de pouvoir prouver sa valeur chaque semaine. Ce n’est pas comme en athlé­tisme où l’on peut s’entraîner des mois et des mois pour une seule course de vingt secondes et échouer. J’apprécie vrai­ment le tennis, c’est un sport beau à voir. Quand on est seule sur le terrain et que l’on doit se battre pour gagner, c’est ce que je préfère !

Alors pour­quoi ne pas aimer les entraînements ?

Je n’aime pas du tout (rires) ! Les entraî­ne­ments doivent être telle­ment durs pour arriver au match tran­quille… En fait, ce qui est diffi­cile égale­ment, c’est le fait de répéter les efforts des entraî­ne­ments pendant des semaines et des semaines. Sur une courte période, ça va, mais sur une longue période, c’est compliqué.

Suite de l’en­tre­tien demain, mercredi 12 février 2014, à 18h00.