AccueilInterviewsPatrice Kuchna : « Mon objectif, c’est de flinguer le cordage ! »

Patrice Kuchna : « Mon objectif, c’est de flin­guer le cordage ! »

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Lors de cette semaine tecni­fibre, nous vous propo­sons des contenus liés à la marque fran­çaise qui ne cesse de faire bouger les lignes dans le monde du tennis.

Patrice Kuchna est The Human Machine ! Ancien 125ème joueur mondial début 84, le natif de Denain dans le Nord s’est offert une recon­ver­sion taillée pour lui. Depuis plus de vingt ans, il est testeur de cordages pour la marque Tecnifibre, le leader fran­çais du marché. Chaque semaine, il teste et souvent casse très vite les cordages qu’on lui propose sur un court couvert à Wervik, de l’autre côté de la fron­tière franco‐belge. A grands coups de raquettes liftés, il use les cordes jusqu’à ce qu’elles cèdent. Car de la puis­sance, Patrice en a à revendre et aucun cordage ne lui résiste.

Patrice, tu as démarré ta colla­bo­ra­tion avec Tecnifibre depuis de nombreuses années main­te­nant. Pourquoi avoir décidé de te lancer dans cette entre­prise de destruc­tion massive de cordages ?
Avant, j’étais un joueur profes­sionnel spécia­liste de terre battue. Le joueur de terre battue est un joueur qui lifte beau­coup et qui consomme donc plus de cordages. Tecnifibre m’a approché alors que ma carrière n’était pas encore terminée. J’ai d’abord colla­boré un peu avec eux avant d’être plus régu­lier et d’aboutir fina­le­ment à une rela­tion de grande compli­cité. Mon objectif, c’est de flin­guer le cordage (rires). Mais ça n’est pas l’es­sen­tiel de ma mission. En tant qu’ancien joueur, mon rôle est égale­ment de donner le plus d’informations possible sur le produit. Mes infor­ma­tions aident les ingé­nieurs de Tecnifibre à confec­tionner des cordages toujours plus résis­tants.

Tu as certai­ne­ment un rituel pour casser les cordes des raquettes. Comment procèdes‐tu ?
Tout est très bien étudié oui. Avec Tecnifibre, on travaille avec un maté­riel préparé pour ce type de tests, dans des condi­tions spéciales et avec des balles toujours iden­tiques. On est sur dur, on est à l’intérieur, il n’y a pas d’humidité. Chaque para­mètre suscep­tible d’altérer le juge­ment est supprimé. C’est ce qui nous permet de pousser les tests encore plus loin au fil des années. En ressen­tant la vibra­tion de la raquette dans ma main et le niveau de dégra­da­tion d’un cordage, je peux prédire avec une marge d’erreur très fine à quel moment ça va craquer. Mon père, qui a été mon entraî­neur, dispose d’un panier de 60 balles neuves. Je tape ces 60 balles avec le même effet, la même violence et autant en revers qu’en coup droit. Sans ça, je ne pour­rais pas casser le cordage. A la fin du panier, on fait un état des lieux, on regarde comment le cordage évolue, comment il se dégrade, s’il est dur, s’il fait mal, etc… Si le cordage n’a pas lâché, on recom­mence jusqu’à la rupture. Mais il est primor­dial de toujours garder la même cadence de coups, sinon, je fusille le test. En général, on teste trois cordages à chaque séance, des Tecnifibre donc mais aussi ceux des concur­rents pour les comparer.

Combien de coups te faut‐il pour casser un cordage en moyenne ?
En général, un mauvais cordage va péter au bout de 70 coups. Quand on atteint les 100 coups, on peut parler de cordages résis­tants. Au‐delà, la longé­vité des cordes est énorme et c’est de plus en plus fréquent avec le temps.

Donner sans cesse le maximum doit être très diffi­cile. T’arrive-t-il d’avoir des coups de mou ?
Evidemment. Je joue très, très lifté, mais lorsqu’un un de mes coups est moins travaillé que les autres, il n’est pas pris en compte. Je ne peux pas m’amuser à faire des « petites » frappes. Mais je suis toujours confronté à des balles « idéales ». Ne vous attendez pas à me voir courir aux quatre coins du court. Je ne bouge prati­que­ment pas, ce qui me permet de garder le maximum d’énergie pour mes coups. Mon but n’est pas de bien jouer mais de « cogner ».

Prends‐tu du plaisir à détruire tous ces cordages ?
Oui, beau­coup. Pendant des années, de 17 à 31 ans, ma vie c’était le tennis. Je m’entraînais tous les jours, je courais comme un lapin. Lorsque ma vie de joueur s’est arrêtée pour laisser place à celle d’enseignant, j’ai pu garder un contact rela­ti­ve­ment violent avec le court grâce à Tecnifibre, un contact avec l’effort.

Sais‐tu environ combien de cordages tu as brisé pour Tecnifibre ?
Ouh non, je n’ai pas compté (rire). Mais tu vois un meuble Ikea : tu l’ouvres, tu le fermes, tu l’ouvres, tu le fermes… Moi c’est un peu pareil : je casse, je prends un autre cordage, je recasse, etc… Et si je reprends deux fois le même, je dois être capable de le casser au bout du même nombre de coups. C’est pour ça qu’on m’a surnommé « The Human Machine ». 

Cette acti­vité repré­sente une énorme débauche d’énergie. Concrètement, pendant combien de temps peux‐tu répéter ce genre d’effort ?
Je peux rester sur un terrain pendant une heure. Un joueur de tennis peut s’entraîner 5–6 heures d’affilée voire plus. Moi, avec l’intensité que je mets sur chacun de mes coups, j’ai impé­ra­ti­ve­ment besoin de m’échauffer pour éviter la bles­sure et parce que je ne suis plus tout jeune non plus. Je ne dois pas dépasser une certaine dose.

Quelle est cette dose ?
Un panier, c’est 60 balles. Un panier joué et ramassé, c’est cinq minutes. Pour rester une heure sur le terrain, tu dois faire dix paniers donc 600 coups. C’est déjà pas mal. Il m’est arrivé de faire plus mais il ne faut pas fran­chir la limite. Quand je vais dépasser les 1000 coups, je vais commencer à me mettre en danger et à risquer la déchi­rure muscu­laire.

Ne penses‐tu pas que tu étais plus perfor­mant sur les tests il y a dix ans ?
Non, je ne pense pas. Quand on a 25–30 ans, on a évidem­ment beau­coup d’énergie. Mais l’énergie que je concentre est sur la frappe. Il y a 20 ans, je pouvais frapper comme une bête et courir pendant 2 ou 3 heures comme un fou. Aujourd’hui, je ne peux plus dépenser comme cela, mais me concen­trer sur la frappe, ça je peux. Tecnifibre est content de mes résul­tats. Le jour où ça ne sera plus le cas, j’arrêterai.