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Benneteau : « Aller plus haut »

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Julien Benneteau est un homme heureux. Le Bressan n’a pas vécu l’année la plus calme, ni la plus facile. Et pour­tant… Il y a atteint le meilleur clas­se­ment de sa carrière, une 26ème place en avril. Il n’est pas passé loin, non plus, d’un premier titre, puisqu’il s’est incliné deux fois en finale, à Sydney et Kuala Lumpur. Enfin, il y a vécu de grandes émotions – une victoire sur David Ferrer et un match inou­bliable… Un seizième contre Roger Federer, à Wimbledon, perdu en cinq manches. Là est peut‐être son regret : ne pas avoir pu aller encore un peu plus loin. La faute au Suisse, certes. La faute, aussi, à des problèmes physiques au moment où il prati­quait l’un des meilleurs tennis de sa carrière. Entretien.

Quel bilan tires‐tu de cette année de tennis ?

C’est vrai­ment une très belle saison. J’ai atteint le meilleur clas­se­ment de ma carrière. J’ai été régu­lier dans les tour­nois du Grand Chelem, ainsi que sur le circuit avec deux finales. Bien sûr, il y a aussi cette bles­sure qui a été un vrai coup dur. Mais ça fait partie de la vie d’un joueur. Maintenant, mon objectif, c’est de me servir de toutes ces expé­riences pour tenter d’aller encore plus haut.

On ne peut pas omettre ton duel homé­rique face à Roger Federer, à Wimbledon…

Oui, ça a été un match tout à fait incroyable. Un vrai pic dans ma saison. Et le plus beau, c’est que quinze jours plus tard, j’ai été capable de faire un grand truc aux Jeux Olympiques.

Tu en gardes des images ?

Forcément ! Après, je te rassure, ça ne m’empêche pas de dormir. (Rires)

Au‐delà du suspens, ce duel contre Roger Federer était aussi un vrai combat technique…

J’ai su me mettre au niveau, c’est vrai. Mais, il ne faut pas oublier que j’ai perdu. Enfin… Ca restera un souvenir parti­cu­lier, tout comme mon succès à Bercy. (Sourire)

Tu parles de « pic » à propos de ce match à Wimbledon. Tu peux nous expli­quer pourquoi ?

Cette rencontre marquait la fin d’un cycle. Pour moi, c’était un point de passage. Je me souviens que j’étais très, très fatigué, vrai­ment exténué, le soir venu. Un mini burn‐out en quelque sorte ! (Rires) Emotionnellement et physi­que­ment, ça avait été un combat incroyable. Et puis, ça venait après une période où j’avais beau­coup pioché dans mes réserves, beau­coup donné pour revenir à Roland Garros après ma bles­sure à Monte‐Carlo… Là, c’était trop. J’étais vidé. 

Tu aurais pu priver Federer de son 17ème titre et de la place de numéro un mondial…

Sincèrement, personne n’y pensait à ce moment‐là, ni moi, ni les observateurs. 

On peut être fan de Federer en jouant sur le circuit avec lui ?

Fan ? Bien sûr que non et heureu­se­ment. On est des compé­ti­teurs, avant tout. Après, il y a une certi­tude : c’est avec le temps qu’on se rendra compte de la dimen­sion de ce joueur. Et d’autant plus quand il ne sera plus sur le circuit. 

Quand il était jeune, Roger voulait ressem­bler à Sampras ou Edberg. Et toi ?

Moi, d’abord, ce fut Jimmy Connors, puis Pete Sampras également. 

Si l’on regarde tes rencontres face au Suisse, on peut en déduire que ton jeu est bien adapté au sien ?

‘Faut pas déconner, non plus ! (Rires) J’ai quand même pris quelques roustes. 

Quels matches de Roger Federer t’ont marqué ?

Paradoxalement, ce sont deux défaites. Celle de Wimbledon, face à Rafa (en 2008). Il y avait tout dans cette rencontre. Ca reste un sommet, pour moi. Et celle à l’Open d’Australie (en 2009), presque aussi énor­mis­sime. Bref, il y en a beau­coup. Ce qui est impres­sion­nant chez Roger, c’est qu’il allie tech­nique, mental et physique. Cette alchimie, c’est sa marque de fabrique.

« Federer est l’alchimie entre tech­nique, mental et physique »

Qu’est-ce que tu penses des chan­ge­ments de fonc­tion­ne­ment entre les Fédération et les meilleurs joueurs fran­çais ? Ceux qui voudront profiter d’un entraî­neur fédéral devront débourser plus…

J’ai béné­ficié du système. Et j’ai été très, très bien formé. Il n’y a aucun souci là‐dessus. Après, j’ai aussi vécu l’ex­pé­rience du Team Lagardère. Quand le Team a cessé, j’au­rais pu retourner à la Fédération, ça m’au­rait coûté deux ou trois fois moins cher par saison. Mais j’étais à un moment de ma carrière où j’avais envie de prendre mes respon­sa­bi­lités et, ce, même si ça impli­quait un effort finan­cier impor­tant. Mais la vraie diffé­rence, c’est que tu sais que tu pourras choisir ton équipe et faire tes choix. Je ne regrette pas du tout, ça a été un véri­table tour­nant dans ma vie de joueur.

Ce discours est plutôt rare…

Je ne sais pas, mais c’est vrai que Sébastien Grosjean m’en a parlé derniè­re­ment, en m’ex­pli­quant qu’il avait, lui aussi, tenté ce pari‐là. La recette pour s’en sortir tout seul : il faut y croire, ne pas avoir peur d’injecter de l’argent et remplir certains critères…

Lesquels ?

Il ne faut pas se leurrer, il faut avoir un certain clas­se­ment pour être certain d’as­surer des revenus impor­tants. Dans mon cas, je sais aussi que je ne peux pas béné­fi­cier de grosses garan­ties, ni de gros contrats de spon­so­ring. Le pari est donc plutôt risqué.

Oui, mais le rapport paraît plus sain…

C’est certain. Evidemment, on ne peut pas faire ce type de choix en début de carrière. Mais, une fois qu’on a été bien accom­pagné, c’est plutôt cohé­rent de voler de ses propres ailes.

On sait que tu es très attaché à ton club, le Tennis Club de Paris. A ce sujet, tu vas parti­ciper aux Championnats de France ?

Si j’avais pu jouer les phases quali­fi­ca­tives, j’au­rais répondu présent. Mais j’ai besoin de repos et de me régé­nérer. En revanche, je me tiens prêt pour la phase finale. Ca fait long­temps que je porte les couleurs du TCP ! Je me souviens d’un match de barrage joué à Dinard, sur terre battue, la veille du début de Wimbledon… C’était pour monter en N1A.

Le titre est possible pour le TCP, mais on a du mal à comprendre à quoi ça correspond…

Le Championnat de France, c’est une vraie fête, un grand chal­lenge pour une équipe, une aven­ture de potes. Je trouve que tout évolue dans le bon sens. D’ailleurs, on ne peut plus repro­cher aux joueurs de faire l’im­passe. L’an dernier, sur les courts, il y avait quand même Olivier Rochus, Jérémy Chardy, Michael Llodra, Gilles Simon, etc. Ca fait du beau monde ! De plus, à Marc‐en‐Baroeul (NDLR : où se déroulent les phases finales), les condi­tions sont idéales, la salle est chauffée, il y a du public… C’est très positif.

On te sent très motivé !

J’ai vécu des titres avec Jean Bouin, on était prati­que­ment imbat­tables ! J’en garde des souve­nirs très émouvants.