AccueilInterviewsDe l'amitié Blake-Federer...

De l’amitié Blake‐Federer…

-

C’était en juin 2012… Nous avions rencontré James Blake dans le cadre de notre ouvrage « Roger, mon amour » pour discuter de Roger Federer.

Alors que James vient d’an­noncer qu’il pren­drait sa retraite à l’issue de l’US Open, il nous parais­sait logique de vous repro­poser cet entre­tien inté­res­sant. Avec, en prime, quelques images hommage : ce quart de finale de l’US Open 2006, où les deux joueurs avaient évolué à un super niveau, avec, au final, comme lors de 10 de leur 11 confron­ta­tions, une victoire de Federer. Bon vent à lui !

Le livre « Roger, mon amour » est dispo­nible. Retrouvez la légende suisse dans cet ouvrage excep­tionnel ! » hreflang=« fr »>lien 3

James Blake pointe aujourd’hui au 90ème rang mondial. Cette saison, il présente un ratio de trois victoires, pour sept défaites. Il vient d’être papa…

Tu l’as joué 11 fois dans ta carrière, est ce qu’il y a un match dont tu te souviens le plus ?

C’est clair que mon meilleur souvenir, c’est ma seule victoire face à Roger. J’avais joué un super match, dans un stade génial, aux Jeux olym­piques… Il m’avait battu telle­ment de fois avant, c’était super de pouvoir enfin s’imposer alors qu’il prenait cette compé­ti­tion très au sérieux et qu’il était favori pour la médaille d’or. J’étais très fier à la fin. Il y aussi deux autres matches qui me reviennent en mémoire. La finale de la Masters Cup, en 2006. J’avais super bien joué toute la semaine, battu Davydenko, Nadal, Nalbandian… Quand j’atteins ce niveau, j’ai l’impression que je peux battre n’importe qui. Mais Roger m’a montré qu’il était encore un étage au‐dessus. Il jouait encore mieux, il était incroyable. La même année, lorsqu’on se joue à l’US Open, je lui prends un set. Puis, on avait joué deux autres sets très serrés, où je me procure une occa­sion de break. Oui, je me sentais vrai­ment bien sur le court ce jour‐là. Je pensais vrai­ment que j’avais les capa­cités de gagner cette rencontre. En plus, je me disais que c’était peut‐être la dernière fois que j’aurais la possi­bi­lité de gagner un titre du Grand Chelem. Finalement, il me bat, puis il gagne le tournoi derrière… Là, je me dis que c’est le meilleur joueur de tous les temps.

Tu mettais en place une stra­tégie parti­cu­lière contre lui ?

Face à lui, tout le monde adopte la même stra­tégie. On essaie au maximum d’éviter son coup droit qui est son point fort. On essaie d’insister sur son revers… Mais bon, il bouge telle­ment bien, c’est diffi­cile de dire qu’il possède des faiblesses. Ce n’était pas simple, car on possède le même type de jeu. Chacun, on essaie de contrôler l’échange avec notre coup droit, on est agressif. Par contre, il était au dessus grâce à un revers beau­coup plus effi­cace. Et bien meilleur au niveau du jeu de jambes.

Il n’avait vrai­ment aucun point faible ?

Pas vrai­ment… C’est certain que son revers était moins fort que le coup droit, mais la diffé­rence était minime. Il fallait atta­quer plus là‐dessus, mais je ne parle­rais pas de point faible non plus. Encore une fois, il bouge telle­ment bien que ça lui permet de se décaler sur son coup droit

Et tu te souviens de ton premier match face à lui ? En 2003 ? Est‐ce que tu avais déjà l’impression de voir un joueur diffé­rent en face de toi ?

Oui, je m’en souviens très bien, c’était à l’US Open aussi. J’avais été surpris par cette défaite (victoire de Roger 6–3 7–6(4) 6–3 ), car je prati­quais un très bon tennis à ce moment‐là. Je me souviens bien du tournoi, car Nalbandian m’avait très impres­sionné égale­ment (Federer et Nalbandian se sont joués en huitièmes de finale pour une victoire de l’Argentin en quatre sets). Très vite, j’ai vu en Roger un joueur qui allait devenir une star.

Ce n’était pas frus­trant de perdre autant de fois contre lui ?

Si, c’est super frus­trant, mais, d’un autre côté, il joue telle­ment bien qu’il te pousse à devenir meilleur. Il te pousse à travailler encore plus sur plein d’aspects de ton jeu. Tu progresses de semaine en semaine, tu sens que tu peux battre les meilleurs, puis tu te retrouves face à lui et il est toujours là, aussi fort. Forcément, ça te remet en ques­tion et ça t’amène à réflé­chir sur ce que tu dois encore bosser pour t’amé­liorer, pour atteindre un niveau supé­rieur. C’est toujours bien de se mesurer aux meilleurs et c’est d’autant plus grati­fiant d’arriver à les battre au moins une fois. Des défaites frus­trantes, mais bon, à quoi ça sert de s’énerver, d’être frustré… Il est telle­ment fort et c’est vrai­ment un mec génial !

C’est ton ennemi préféré ?

(Rires) Non, car j’aime trop gagner. Le jouer telle­ment de fois et perdre autant, c’est vrai­ment dur à supporter. Mon ennemi préféré serait celui que j’arrive à battre de temps en temps. Après, il reste mon adver­saire préféré dans les vestiaires. On s’entend super bien. C’est vrai­ment un gars génial, qui fait atten­tion aux autres, gentil et qui s’investit dans son sport.

Et juste­ment, dans le vestiaire, il est comment ? C’est un de tes amis ?

Oui, c’est un mec super, on ne peut pas être plus relax que lui ! C’est impres­sion­nant, il est super gentil. C’est l’attitude que j’aime avoir aussi quand je suis hors du court. On a eu l’occasion de jouer plusieurs match d’exhibition tous les deux, en Asie, notam­ment, et on en a profité pour passer du temps ensemble, discuter, jouer au tennis, se marrer, s’amuser.. C’est sans conteste un super ambas­sa­deur pour le tennis.

Sans Federer, tu penses que tu aurais gagné plus de titres ?

Oh oui, c’est sûr ! J’en aurais gagné plus, mais comme plein d’autres j’imagine. Il a gagné telle­ment de trophées et il en aurait gagné encore plus s’il n’avait pas tant perdu contre Nadal ! Après, on s’est souvent joué en finale, deux fois en Masters 1000, une fois en Masters cup, sans compter les matches en Grand Chelem… Oui, je pense que j’aurais un palmarès plus fourni. Je pense même que j’aurais pu gagner un Grand Chelem. Mais penser à ça, ça ne sert à rien. S’énerver, ça ne le fait pas, ça n’est pas mon style. Je suis surtout content de ce que j’ai fait et très fier de ce que j’ai accompli..

Qu’est ce qui t’impressionne le plus chez lui ?

Être numéro un si long­temps, avoir les objec­tifs qu’il a, les accom­plir et garder cette dyna­mique durant tant d’années… C’est impres­sion­nant ! Je pense que psycho­lo­gi­que­ment, c’est très, très dur, se lever, d’aller jouer tous les jours à l’entraînement, tout en gardant la même menta­lité de vain­queur. Et le voir jouer a ce niveau à 30 ans et gagner encore, c’est incroyable. Il est toujours aussi excité de gagner des tour­nois, des Masters 1000 et il est toujours autant en mesure d’évo­luer à ce niveau, avec la même pression.

Tu penses qu’il a changé le tennis ?

Chaque joueur, qui a été au‐dessus des autres, qui a placé la barre un peu plus haut, a changé le tennis à sa manière. Roger est l’un d’entre eux. Il a placé cette barre très, très, très haut, notam­ment avec ce nombre de records énormes en Grand Chelems. Il a aussi changé le tennis dans le sens où il l’a fait progresser. Le tennis demande beau­coup plus d’efforts qu’il y a dix ans et c’est comme ça que ça va conti­nuer dans les dix prochaines années. Les joueurs sont plus rapides, plus costauds, plus puis­sants. La tech­nique s’est améliorée. Federer était au début de cette nouvelle ère du tennis. C’est pour ça qu’il est injuste de le comparer avec Sampras, Agassi, Connors ou Laver. Le jeu change et il fait partie de ce changement.

Il a créé de nouveaux coups ?

Je ne sais pas… S’il l’a fait, ça veut dire qu’il est parfait. Je trouve qu’il a surtout amélioré les coups des autres. Je trouve qu’il a réussi à combiner ce qu’a fait Agassi, solide derrière sa ligne de fond, en y ajou­tant un meilleur jeu de jambes. Il bouge telle­ment bien que ça lui permet d’avoir un temps d’avance sur ses adver­saires. Je ne pense pas qu’il ait créé des coups, il les a surtout améliorés.

Comment tu expliques qu’il soit encore si fort ?

Ca vient surtout d’une grosse force mentale. Beaucoup de joueurs, dans sa posi­tion, auraient été fati­gués et lassés de ce qu’ils font. Mais, lui, il aime toujours autant ce qu’il fait. Il aime son sport. C’est incroyable, son talent et son travail acharné ne semblent jamais s’épuiser et fonc­tionnent toujours autant.

Roger a pas mal joué sans coach. Comment est‐ce possible de gagner autant malgré tout ?

Oui, c’est assez surpre­nant. Je pense que beau­coup de joueurs, à la fin de leur carrière, fonc­tionnent sur le circuit sans réel coach. Ils approchent de la fin, ils ont besoin d’autres choses, ils connaissent le tour, ses rouages… Avoir un coach n’est alors plus aussi impor­tant ou primor­dial qu’auparavant. Mais Roger l’a fait assez tôt, alors qu’il était au top de sa carrière. A mon avis, il connaît telle­ment le tennis, il est telle­ment bien préparé qu’il est capable de faire ça tout seul.

Comment le décrirais‐tu ? Un monstre, un génie, un magicien ?

Un peu de tout ! Un monstre, oui. Mais ce qu’il fait sur le court relève du génie. Franchement.

Entre 2003 et 2008, tu l’as vu progresser ?

Il a surtout joué progres­si­ve­ment de manière plus intel­li­gente. Il a toujours eu du talent en revers, mais il l’a amélioré à partir de 2003. Mais, vous imaginez, je dis qu’il a progressé alors qu’en 2003, il était déjà presque numéro un ! Il montre vrai­ment à quel point le jeu a progressé.

Est‐ce que tu as des anec­dotes à son sujet ?

Quand j’ai eu des problèmes à la nuque, j’étais à l’hosto, à Rome, j’ai reçu seule­ment un seul mail d’un joueur pour prendre des nouvelles. « Salut ! J’espère que tu vas bien et que tu retrou­veras vite toutes tes forces ! » C’était Roger.

WLT rencontre… M. Koulakssis
WLT rencontre… Jean Imbert
WLT rencontre… Josselin Ouanna
WLT rencontre… Benoît Paire

Article précédent
Article suivant