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Frederico Gil : « Si on n’a pas le niveau, on ne s’en sort pas sur le circuit principal »

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Pour son numéro 22, GrandChelem/welovetennis a décidé de faire la lumière sur le circuit secon­daire. Entretiens…

A la rencontre d’un circuit bien parti­cu­lier ; Stéphane Apostolou ; Claire Feuerstein ; Gianni Mina ; Arnaud Clément ; Eric Prodon ; Stéphane Robert ; Jarkko Nieminen ; Gastao Elias ; Frederico Gil.

A 26, Frederico Gil fait partie de ces barou­deurs infa­ti­gables qui font l’ascenseur entre le grand circuit et le circuit secon­daire. 66ème mondial au meilleur de sa carrière, il cherche, aujourd’hui, à conso­lider sa place dans le top 100… avant de viser mieux ! En mire : le top 50 et des tours en Grand Chelem. Rencontre détendue et chaleur lisboète.

Tu as déjà joué dans des coins très reculés, aux condi­tions particulières ?

Tu veux que je te parle de ma plus grande expé­rience ? (Rires). C’était en Algérie. J’avais joué deux Futures d’affilée. Une immense expé­rience de tennis et de vie…

Qu’est-ce qui s’est passé ?

Il faisait 30°C, 55% d’humidité… Des condi­tions de jeu extrêmes. La nour­ri­ture était… pas terrible, quoi ! (Rires) En fait, il fallait amener trois sacs : un avec les raquettes, un avec les vête­ments et le dernier avec de quoi manger (sourire). On était resté deux semaines dans le même motel. Ce n’était pas un hôtel, atten­tion ! Un Motel (Rires). Tu peux imaginer ! On était trois dans la chambre, parce qu’on parta­geait tout, les frais, le coach… Mais ça n’a pas été une mauvaise expé­rience, au final ! Il faut prendre ça avec le sourire. Je m’étais fixé comme objectif de gagner l’un des tour­nois. Mission accom­plie : j’ai remporté le premier et perdu en quarts du second. 

Ca ne devait pas être simple, à l’époque, de gagner un peu d’argent, de rentrer dans tes frais…

Oui, c’était une période compli­quée ! Je me souviens n’avoir commencé à payer moi‐même mes notes qu’à 21 ans… (Rires)

Tu as été aidé par ta Fédération ?

Oui. La Fédération Portugaise m’a aidé tout au long de ma carrière. Pas énor­mé­ment, vu que c’est une petite Fédé et qu’ils n’ont pas beau­coup d’argent. Mais quand ils en ont, ils nous aident !

Vous êtes combien de joueurs profes­sion­nels au Portugal ?

Moi, je suis le mieux classé. Derrière, il y a Machado, Elias, Pedro Suza… On doit être sept‐huit, à peu près. 

Aujourd’hui, tu ne retour­ne­rais plus jouer des tour­nois paumés, comme ces Futures en Algérie ?

Le dernier Future que j’ai joué, ce devait être à Bucarest, en Roumanie, il y a quatre ou cinq ans… C’est pour te dire !

Où se situent les grandes diffé­rences entre le circuit prin­cipal et le circuit secondaire ?

On sent la diffé­rence au niveau de l’organisation. Tout est mieux préparé sur un ATP 250, un peu mieux orga­nisé… L’atmosphère n’est pas la même non plus. Sur le circuit ATP, on est dans des hôtels splen­dides, 4 ou 5 étoiles. Et puis, on joue dans de grands stades, avec du public.

En Challenger, ça t’es arrivé de jouer devant personne ?

Oui, parfois, il n’y a pas grand monde, c’est un peu dur. Ici, en Guadeloupe (NDLR : l’entretien a été réalisé au cours de l’Open), c’est plutôt bien. Lors de mon match contre Gianni Mina, c’était bondé ! Habituellement, en Challenger, le taux de remplis­sage est de 20%, pas plus et souvent moins. Sauf le jour de la finale.

C’est dur de jouer quand il n’y a personne dans les tribunes ?

Au niveau du match en lui‐même, ça ne change rien. Par contre, ques­tion moti­va­tion, c’est diffé­rent. Quand on joue dans des stades pleins, on sent une atmo­sphère particulière…

Quelle est ta plus belle expé­rience dans un grand stade ?

J’ai joué contre Federer, à la maison. C’était en quarts, au tournoi d’Estoril. Génial ! Tu joues chez toi, devant ton public, dans un stade rempli, en face de Federer… C’était incroyable. J’avoue que j’étais très nerveux au début (sourire). Mais ça s’était bien passé et, au final, j’avais fait un bon match. Malgré la défaite, 6–4 6–1 ! (Rires)


Et en Grand Chelem ?

C’était cette année, à Melbourne, contre Gaël Monfils. On avait joué sur la Margaret Court Arena, dans une super ambiance. En plus, c’était la première fois que je passais un tour en Grand Chelem. L’atmosphère était top ! A Roland Garros, aussi, j’ai joué contre Federer, sur un grand court, il y a trois ans. Par contre, je n’ai jamais joué de match sur le Philippe Chatrier. Je me suis juste entraîné dessus… en Juniors ! (Rires) Je m’en rappelle, c’était avec Ferrero. Nous sommes amis et il m’avait demandé de l’échauffer avant sa demi‐finale contre Safin. 

Au niveau finan­cier, tu sens la diffé­rence entre le grand circuit et le circuit secondaire ?

Oui, la diffé­rence est consi­dé­rable. Généralement, le prize‐money est quatre à cinq fois supé­rieur sur le grand circuit. Il y a égale­ment plus de points à prendre. Mais bon, il faut avoir le niveau aussi ! A la fin, ça revient au même. Si on n’a pas le niveau, on ne s’en sort pas sur le circuit principal.

Quand on a le clas­se­ment pour rentrer dans les Grand Prix, j’imagine qu’on est tenté de s’y aligner, plutôt que de jouer un Challenger un peu paumé, mais qui rapporte des points faciles ? Le choix doit être compliqué…

Oui, parfois, ce n’est vrai­ment pas évident. Ca dépend de la période. Si c’en est une où l’on a beau­coup de points à perdre, ou si l’on n’a rien à défendre… Si l’on veut prendre des risques, ou s’assurer un matelas… La moti­va­tion entre en jeu, égale­ment. On préfère jouer à un endroit, plutôt qu’un autre. Mon coach me sert aussi à ça, on décide ensemble et ça fonc­tionne bien. 

Si on te donnait le choix, là, tu préfè­re­rais un titre en Challenger ou une victoire sur un top 20 ?

En ce moment ? Un titre en Challenger. Pour moi, c’est plus de matches, plus de victoires, plus de points et plus de confiance. 

Ton but, c’est la progres­sion au classement ?

Voilà. Je veux monter. Mon meilleur clas­se­ment, c’est 66ème. Je veux travailler dur chaque jour pour le dépasser. C’est la chose la plus impor­tante : bosser dur et bosser bien. Le travail me donnera des résul­tats et les victoires me donne­ront de la confiance. Je n’aime pas trop parler du clas­se­ment, mais je sais que c’est aussi ce qui compte, ce qu’on retient au final. Je vais essayer de dépasser cette 66ème place. 

Tu as mis en place un programme parti­cu­lier pour remplir cet objectif ?

Si tout se passe bien, j’enchaîne avec les quali­fi­ca­tions de Monte‐Carlo, les quali­fi­ca­tions de Barcelone ou le Challenger de Rome, puis Estoril, à la maison. Donc, pour les mois à venir, je vise plus de Grands Prix, que de Challengers.


Tu peux nous parler de l’atmosphère qui règne sur le circuit secondaire ?

Avec les gars, on a tous la même vie. On est tous des joueurs de tennis, avec les mêmes carac­té­ris­tiques. On s’entend bien, on parle avec tout le monde… On a de très bons amis sur le circuit, avec qui on partage des trucs forts. Mais, en match, sur le court, chacun se bagarre avec ses armes et celui qui l’emporte, au final, c’est celui qui joue le mieux. Ce n’est plus une ques­tion de person­na­lités ou d’affinités. Sur le court, tu as deux joueurs qui s’affrontent. Mais, en‐dehors, il y a une toute autre vie.