Pour son numéro 22, GrandChelem/welovetennis a décidé de faire la lumière sur le circuit secondaire. Entretiens…
A la rencontre d’un circuit bien particulier ; Stéphane Apostolou ; Claire Feuerstein ; Gianni Mina ; Arnaud Clément ; Eric Prodon ; Stéphane Robert ; Jarkko Nieminen ; Gastao Elias.
A suivre : Frederico Gil.
Gastao Elias, 20 ans, fait partie des valeurs montantes du circuit. Repéré très tôt par la compagnie IMG, le jeune portugais a même eu l’honneur de jouer les sparring partners de Roger Federer à Monte Carlo en 2007. Aujourd’hui, Gastao a grandi, progressé et pointe au 269e rang mondial, son meilleur classement. Sans concession, il raconte sa vie sur le circuit secondaire, ses expériences des tournois ATP et son rêve de Top 100. Déterminé, accrocheur et sans complexe, le garçon progresse à vitesse grand V. Rencontre avec un joueur très sympathique dont on devrait rapidement réentendre parler !
Cette semaine, tu es 357e au classement mondial (Ndlr, l’entretien a été réalisé à l’Open de Guadeloupe où Gastao a atteint les demi‐finales). Pourquoi as‐tu choisi de venir jouer ce tournoi‐ci et pas un autre ?
En fait, je n’ai pas vraiment choisi le tournoi. A la base, j’aurais pu jouer un autre Challenger au Costa Rica. Et ici, j’aurais dû jouer les qualifs. Alors j’avais décidé de prendre une semaine de repos pour m’entraîner et préparer Miami. Et puis j’ai reçu un appel de l’ATP à la dernière minute : « Gastao, tu es le dernier entrant direct dans le tableau final en Guadeloupe. Est‐ce que tu viens ? » Et j’ai dit oui ! Je suis donc arrivé 4 heures seulement avant mon match ici. Et j’ai passé le premier tour ! C’était chaud mais c’était le bon choix.
Ca arrive souvent ce genre de situation ? Arriver juste avant son match, un peu à l’arrache ?
Oui, ça arrive. Bon, juste 4 heures avant, c’est quand même rare ! Mais arriver la veille d’un match, ça se voit assez souvent. En fait c’est la première fois que j’arrive aussi peu de temps avant mon match.
Quand as‐tu commencé à jouer ces tournois, Futures, Challengers ?
Je suis passé professionnel à 15 ans. C’est donc là que j’ai commencé à jouer sur le circuit secondaire. Aujourd’hui, j’en ai 20.
Tu en as donc déjà joué un certain nombre de ces tournois là.
Oui, quelques uns !
Et tu te souviens d’un tournoi en particulier où les conditions n’étaient vraiment pas très bonnes ?
Justement, je reviens d’un tournoi où les conditions étaient plutôt mauvaises. C’était la semaine dernière, un Future au Texas. L’hôtel n’était vraiment pas génial, il n’y avait rien du tout à disposition des joueurs.
Au Texas ?
Oui, mais c’était très proche de la frontière mexicaine, donc en fait il y avait très peu d’Américains mais principalement des Mexicains. Le Club de tennis, ça allait à peu près au détail près qu’il y avait un vent fou. Les conditions de jeu étaient vraiment difficiles. Mais il y a quand même un certain nombre de tournois comme ça, particulièrement sur le circuit Futures. Je m’en rappelle d’un au Brésil où c’était difficile pour les joueurs. Il n’y avait pas d’eau au Club, rien à manger, ce n’était vraiment pas évident pour jouer un bon tournoi dans ces conditions. Par contre on ne voit pas ça en Challenger.
Est‐ce que tu te rappelles avoir joué un tournoi dans un pays pas très habituel ?
J’ai joué un tournoi une fois en Israël. J’étais jeune. Mais sinon, je n’ai jamais vraiment été dans des destinations particulières.
Comment choisis‐tu tes tournois ? Tu regardes les villes ou tu vas par exemple ?
Non non. Enfin, ça dépend. Si c’est vraiment loin, par exemple en Asie, là je n’y vais pas. Généralement, j’essaie de faire ma programmation en fonction des surfaces. Ca dépend aussi de mes sensations, de mes résultats, de ma forme. Parfois je programme 6 tournois d’affilée, parfois moins. Mais vraiment, le facteur majeur dans la programmation ce sont les résultats. Par exemple si je fais une demi‐finale dans un Challenger et que la semaine suivante j’avais initialement prévu un Future, je vais peut‐être changer mes plans.
La semaine prochaine tu joues donc à Miami. C’est ton premier tournoi ATP ?
Non, j’en ai déjà joués avant et à Miami notamment. Et à 15 ans, je m’étais qualifié pour un grand prix aussi.
Et tu as pu sentir la différence entre les Futures, Challengers, et ces Grands Prix ?
Oui, je l’ai sentie mais la différence n’est pas énorme non plus. En termes de niveau en tout cas. Par contre, il est vrai que les Top 10 sont vraiment très bons, ils sont au‐dessus des autres. Après, les gars du Top 50 sont quand même bons aussi. Ils ne font pas de fautes bêtes. Tu leur donnes une balle courte, ils te plantent. Sans se tromper. En Futures et Challengers, ces erreurs‐là peuvent arriver. En Challenger moins qu’en Futures d’ailleurs. Mais globalement, ce sont de petites choses. Peut‐être que si demain tu regardes jouer un joueur de Challengers et un joueur du grand circuit, tu ne sauras pas lequel « appartient » à quel circuit. En tout cas une personne qui n’est pas experte en tennis ne pourra pas voir cette différence.
Et en termes d’organisation, de conditions de jeu, tu as vu une différence ?
Ca dépend des pays où l’on joue. Mais généralement, les Challengers sont très bien organisés. Mais les Grands Prix sont encore un grand au‐dessus. Les hôtels sont supers, au restaurant il y a un choix énorme, il y a aussi plein de stands, plein de tout ! C’est un peu mieux et c’est aussi normal.
Quels sont tes objectifs aujourd’hui ? Progresser au classement pour jouer un maximum de qualifs de Grands Prix ?
Oui, je veux grimper au classement. Je veux continuer à progresser. A court terme, mon objectif est de rentrer dans le tableau des qualifs de Roland Garros, c’était un de mes buts de début d’année. Je voudrais jouer tous les Grands Chelems en fait, en qualifs, et essayer aussi de jouer les qualifs de Grands Prix.
Tu n’as jamais joué de Grand Chelem ?
En Juniors seulement.
Au tout début de ta carrière, est‐ce que tu as connu des difficultés pour financer toutes tes dépenses, entre l’avion, l’hôtel, le coach…
J’ai toujours eu pas mal de chance de ce côté‐là. En fait, depuis tout jeune, j’ai toujours été relativement bon. C’est comme ça qu’une compagnie qui s’appelle IMG m’a remarqué et a décidé de m’aider. Ils détiennent le tournoi de Miami et c’est ainsi que j’ai obtenu la Wild Card pour les qualifs cette année. Ils m’ont toujours aidé au niveau des contrats, des sponsors, ils m’ont soutenu. Je peux dire que j’ai eu de la chance de bénéficier de cette aide depuis le début. Mais je comprends que pour les autres joueurs, ça ne doit pas être évident de trouver les fonds pour financer un début de carrière.
Ta fédération t’a aidé aussi ?
Elle commence à aller mieux, notre fédé. Il y a eu un moment où c’était un peu difficile pour eux sur le plan financier. Mais aujourd’hui, on a quelques bons joueurs au Portugal, dont 2 sont dans le Top 100. Ca permet à la Fédération de respirer un peu, de progresser et de se développer. Il y a aussi plus de monde qui commence à s’intéresser à notre équipe de Coupe Davis. Les gens viennent voir les rencontres. Avant, il y avait quelque chose comme 20 personne dans les tribunes, c’était vraiment pas terrible. Mais le tennis progresse au Portugal et la Fédé aussi.
Est‐ce que l’esprit est bon entre les joueurs sur le circuit secondaire ? Parce que chez les filles, ça ne l’est pas vraiment…
Les filles sont très différentes des garçons ! Chez les gars, on s’apprécie tous, excepté peut‐être 2–3 joueurs avec qui c’est plus difficile mais généralement, on n’a pas de problèmes entre nous. Il y a souvent des groupes qui se créent un peu, je veux dire, d’un côté les Américains, de l’autre les Français, puis les Espagnols. Mais vraiment ça se passe bien.
Ton but reste quand même de passer cette étape du circuit secondaire le plus vite possible non ?
Oui, j’espère que je vais bientôt pouvoir commencer à jouer régulièrement des grands prix. J’espère que ça arrivera le plus vite possible. Mais je sais qu’il y a encore un long chemin à parcourir. Je vais faire ma première apparition dans le Top 300 grâce à me semaine guadeloupéenne (demi‐finaliste). Mais après, pour passer du Top 300 au Top 100, puis du Top 100 au Top 50, il y a encore du travail. Il va falloir que je joue encore un paquet de Challengers pour atteindre ce niveau mais je trouve que je progresse et j’espère que j’y arriverai le plus vite possible.
Quel est ton meilleur résultat dans un Challenger ?
Il y a 3 ans, j’avais atteint les demi‐finales d’un Challenger. Et puis il y a aussi cette semaine, en Guadeloupe ! Je suis aussi demi‐finaliste.
Et en Futures ?
J’en ai gagné 4 je crois, et j’ai fait 2 finales.
Désormais avec ton nouveau classement, 271e, tu vas principalement jouer des Challengers non ?
Oui, après ce bon résultat ici, je pense que je ne jouerai plus de Futures. Je vais aussi essayer de m’inscrire à plus de qualifs de Grands Prix. J’en avais déjà joué plus jeune mais je veux en faire plus. Je m’étais d’ailleurs qualifié plus jeune ! J’avais 15 ans. En fait, mon meilleur tournoi chez les pros, c’était mon premier (Rires). J’ai 15 ans, je m’inscris aux qualifs, c’est mon premier tournoi pro et je me qualifie dans le grand tableau ! C’est encore à ce jour mon tout meilleur résultat.
Tu auras peut‐être aussi une Wild Card à Estoril ?
Je l’espère. Ce serait génial. Je crois que j’ai de bonnes chances. Je joue bien en ce moment et en plus, Frederico Gil devrait entrer dans le tableau directement. Ruy Machado pourrait aussi ne pas en avoir besoin si son classement le permet. C’est sûr que cette Wild Card, ça serait génial.
Dernière question, j’ai appris que tu avais été le sparring partner de Federer à Monte Carlo en 2007. Est‐ce que tu peux me parler un peu de cette expérience ? Quelle a été ta réaction quand il t’a appelé ? Etait‐il sympa avec toi ? Qu’est-ce qui t’a marqué dans son jeu, sa manière de s’entraîner ? Est‐ce que cette expérience t’a fait toi‐même progresser ?
Je me suis entraîné avec lui pendant 2 semaines à Monte Carlo. C’est un type incroyable, l’un des gars les plus sympa sur le circuit. C’est certain. C’était une expérience formidable, j’ai beaucoup appris à ses côtés. J’ai pu voir toutes les routines qu’il met en place avant les matches, toute la préparation qu’il fait. Et j’ai aussi pu remarquer avec quelle intensité il joue et s’entraîne. Après l’avoir vu s’entraîner comme ça pendant 15 jours, j’ai réalisé pourquoi il était numéro un mondial (en 2007, Federer était numéro 1). Sans aucun doute, Roger est l’un des plus grands bosseurs sur le circuit. J’étais super heureux quand on m’a appelé pour m’entraîner avec lui, particulièrement à Monte Carlo qui est un tournoi extraordinaire. Cette expérience avec Roger, c’est quelque chose dont je me souviendrai toute ma vie.
Publié le vendredi 8 avril 2011 à 18:06