Gilles Moretton, ex‐joueur de Coupe Davis et, jusqu’à peu, organisateur du Grand Prix de Tennis de Lyon, s’est, lui aussi, penché avec nous sur la finale Serbie‐France. Le Lyonnais nous parle de la problématique extérieur/domicile, du moment d’inflexion de la rencontre, de ses souvenirs et de son actualité.
Qu’est-ce que ça fait d’aller jouer à l’extérieur ?On est débarrassé des vieilles histoires, des tricheries et autres ?
Auparavant, c’est clair que les tricheries et les litiges pouvaient arriver : les arbitres étaient locaux. Roumanie‐Etats‐Unis, en 72, c’est un bel exemple, avec Stan Smith d’un côté, Ilie Nastase et Ion Tiriac de l’autre. Des tricheries, il y en a donc eu. Maintenant, je suis persuadé que ça n’existe plus. Qu’il y ait un climat hostile, okay, certains pays sont encore un peu chauds… On a joué à Belgrade, avec l’ASVEL, le public y est parfois assez agressif. Mais, de là à imaginer d’éventuelles malhonnêtetés dans l’arbitrage et le reste, non, ça n’existe plus aujourd’hui. Il y a trop d’enjeu pour être confronté, à notre époque, à des nourritures avariées ou des interventions outrancières. En tout cas, je n’y crois pas. Et puis, si c’est difficile de jouer à l’extérieur, en terre hostile, ce peut être, aussi, pour un groupe, un avantage. C’est un moyen de créer un esprit commun, de se renfermé sur soi‐même, de se souder, de moins se disperser, d’être plus concentré… La peur, c’est une bonne chose. Pas la peur de l’événement, mais celle de l’environnement, la méconnaissance du public, etc. A mon sens, c’est quelque chose de positif.
Donc, entre la pression de recevoir et la peur d’être accueilli, il n’y a pas de situation plus souhaitable l’une que l’autre…
Oui, parce que le fait de recevoir une finale de Coupe Davis, devant son public, ça alloue une pression terrible qui peut anéantir un joueur. Bien sûr, elle peut aussi le survolter, c’est le danger. Pour un match à l’extérieur, vous retrouvez ces mêmes ingrédients. Le public peut vous étouffer ou, à l’inverse, unifier votre groupe, démultiplier vos forces… C’est ce qu’on appelle l’esprit d’équipe. Là, on a un groupe constitué de personnalités différentes qui va se retrouver en Serbie, seul, isolé de tout. C’est le terrain idéal pour souder un groupe et c’est un atout terrible.
Comment vous jugez le parcours de cette équipe, revenue, il y a peu, sur vos terres lyonnaises ?
Je trouve que Guy a fait un travail remarquable. Cette équipe, c’est vraiment – je ne sais pas si je peux appeler ça comme cela – une famille recomposée. On avait un mélange compliqué à l’origine, avec des inimités, des tensions, des mentalités particulières. C’est une toute nouvelle génération et, Guy, pendant un ou deux ans, a eu des difficultés avec ce groupe. Ils ne partageaient pas les mêmes valeurs, ils fonctionnaient très différemment. Il a fallu s’adapter et, aujourd’hui, on peut dire qu’ils l’ont très bien fait, avec Lionel Roux, puisque le groupe est vraiment uni.
Qu’est-ce qui peut faire la différence dans une finale ? Le premier jour, où tout peur arriver ? La forme de Djoko ? Pour Jean‐Paul Loth, c’est du 60⁄40 pour les Serbes…
Je partage son avis, c’est du 60⁄40. Aujourd’hui, sur une finale en Serbie, avec Djokovic, ils ont un petit avantage. D’autant que leur deuxième joueur, lui, n’aura rien à perdre. Quand on voit ce que leurs potentiels deuxième joueur viennent de faire, aussi bien en Coupe Davis que sur les derniers tournois… Ceci dit, du coup, nous non plus, nous n’avons rien à perdre. Il y a moins de pression sur les joueurs qui vont aller là‐bas, dans un esprit commando, un groupe bien fédéré. Compte tenu de leurs personnalités – je connais quand même un peu les joueurs français –, ce principe de fédération, cette idée de commando, ce sont des choses qui nous avantagent, qui avantagent les groupes. Ca va nous permettre de ne pas nous disperser, de rester solidaires et d’avoir tous les atouts pour nous battre. Alors, évidemment, on ne peut pas être favoris : on joue à l’extérieur contre une équipe qui a un très gros joueur. Mais cette équipe de France‐là a, elle aussi, de très bons gars. Gaël, Richard, Gilles… Ce sont des joueurs de talent, qui, sur un match, sont capables de créer l’exploit.
Vous allez y aller en Serbie ?
Je ne sais pas encore, je n’ai pas pris ma décision (NDLR : l’entretien a été réalisé mi‐octobre dans le cadre du GrandChelem 20).
Vous faîtes partie du Club France. A quoi sert‐il et comment y accède‐t‐on ?
C’est un club qui s’est créé avec tous les anciens joueurs de Coupe Davis. Il y a un côté un peu générationnel, puisqu’on a la chance de pouvoir y côtoyer des gens qui ont joué la Coupe Davis il y a un certain temps et que l’on connaît moins. Certes, quand on est en activité, on est moins sensible à ça, mais, à la retraite, on a plaisir à se retrouver, à partager des souvenirs, à évoquer l’actualité du tennis… Ca fait un peu club des anciens combattants, mais sans que ce soit péjoratif. Notre rôle en lui‐même n’est pas très important, nous ne représentons qu’une éminence consultative. On a trois à quatre réunions par an, c’est sympa. La Fédération vient régulièrement nous voir, nous présenter des évolutions éventuelles, nous demander notre avis. Ce Club France n’est pas un contre‐pouvoir, c’est vraiment un club dont l’avis est consultatif, même si, on pourra, à l’avenir, prendre position sur certains sujets.
Comment il s’est créé et pourquoi ? Une envie ? Une raison particulière ?
On avait l’habitude de se réunir entre anciens au moment de Roland Garros. Alors, je ne sais plus comment et par qui est venue l’idée de créer un Club, d’avoir une identité. Mais il y avait aussi certains avantages pour d’anciens joueurs qui étaient dans la difficulté, des considérations de la part de la Fédération, une aide, un financement. C’est un club qui peut venir en aide aux joueurs qui ont des problèmes.
Si vous aviez deux‐trois images de la Coupe Davis qui vous ont marqué ?
Avec la Coupe Davis, j’ai un vécu assez particulier. J’ai eu la chance de la jouer sur le court, d’être dans le staff – pour la finale de 82, à Grenoble – et dans le camp des organisateurs pour celle de 91. Et puis, en 96, j’ai vécu Malmö en tant que spectateur. Donc j’ai vécu quatre Coupes Davis de manières très différentes. Et dans les quatre cas, on vit quelque chose de particulier. Joueur, tu es dans ta bulle. Organisateur, tu ne profites pas de l’événement, tu es dans le souci permanent. Spectateur, tu te lâches totalement, avec banderoles, écharpes… Ce sont des souvenirs bien singuliers.
La finale de 82, pourquoi elle se perd ? Comment ? Vous avez des regrets ?
Non, pas de regrets. Je pense qu’on avait en face de nous une équipe solide. Le choix de la terre battue avait été mûrement réfléchi. L’équipe américaine aurait été plus forte que nous, même sur terre battue.
Vous êtes plutôt Nadal ou Federer ?
Je suis Federer à 100% !
Quelle image retenez‐vous de cette année de tennis ? Le retour de Rafa ?
Non, parce qu’il ne m’a pas plus impressionné qu’avant. Je m’interroge plutôt sur la suite de la carrière de Federer. Ce qui m’interpelle, c’est ça. Ses enfants, sa nouvelle vie… Ca l’a éloigné un peu du tennis. Est‐ce qu’il va revenir ? C’est mon interrogation.
Publié le mercredi 1 décembre 2010 à 16:41