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J.-P. Fleurian : « Aujourd’hui, le tennis oblige les joueurs à être de véri­tables Hercule »

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Comme beau­coup, Jean‐Philippe Fleurian a choisi de mettre sa passion, le tennis, au cœur de sa recon­ver­sion. Ce joueur, qui avait atteint la 37ème place mondiale au cours de sa carrière, mais égale­ment joué deux finales sur le circuit, s’est ainsi attaqué à la base du tennis – les premiers pas de l’en­fant –, mais aussi au haut‐niveau, jouant sur tous les tableaux. Explications.

Où en es‐tu actuel­le­ment et que fais‐tu ?

Mon amour pour le soleil et le tennis m’a fait m’installer en Floride, où je réside depuis plus de 15 ans main­te­nant. Avec ma femme, l’ancienne joueuse Sybille Niox‐Château, nous avons lancé en 2001 les sociétés Le Petit Tennis et Le Petit Sport (NDLR : plus d’infos sur www.lepetitsport.com) qui sont des marques propo­sant des équi­pe­ments spor­tifs et éduca­tifs adaptés à la jeune enfance. Ces équi­pe­ments sont liés à des méthodes basées sur des histoires origi­nales et des images, méthodes qui sont deve­nues des réfé­rences dans certains pays et sont utili­sées par plusieurs fédé­ra­tions de tennis pour leurs premières étapes du déve­lop­pe­ment de l’enfant. En paral­lèle de cette acti­vité, je suis aussi coor­di­na­teur de la commis­sion des athlètes pour la Fédération Internationale de Tennis. Je travaille donc sur le haut‐niveau avec l’ATP, la WTA et le CIO. J’adore ces deux rôles qui sont de vraies passions, avec, d’un côté, le travail sur le déve­lop­pe­ment des enfants et, de l’autre, l’amélioration des condi­tions qui entourent les athlètes professionnels. 

Sur ce dernier point, les choses ont bien évolué depuis les années 90. Tu aurais aimé être un joueur du circuit à l’heure actuelle ?

Toutes les périodes sont sympas, mais j’es­time avoir eu beau­coup de chance avec la mienne… J’ai pu vivre la muta­tion entre deux époques du circuit profes­sionnel, lorsque Mats Wilander et d’autres joueurs ont œuvré pour l’uni­fi­ca­tion du circuit (NDLR : en 1990, l’ATP devient seul orga­ni­sa­teur du circuit profes­sionnel masculin). Une évolu­tion énorme. Un an avant la muta­tion, je jouais 12 tour­nois par an. L’année d’après, je suis passé à 33 tour­nois sur ce nouveau circuit. Les joueurs étaient « enfin » devenus profes­sion­nels. Mais, quand j’écoute un ami comme Pierre Barthes, par exemple, me parler de son époque, je trouve cela égale­ment extra­or­di­naire. Quant à aujourd’hui, c’est encore diffé­rent. Le tennis est devenu plus physique du fait de l’apparition des cordes en poly­ester qui oblige tous les joueurs à être de véri­tables Hercule. 

Tu parles d’ « Hercule » et, en même temps, on a l’im­pres­sion que ce sport perd un peu de son aura en Europe, actuel­le­ment. Toi qui a aussi un regard par la base avec ton impli­ca­tion dans Le Petit Tennis, tu es d’ac­cord avec ce juge­ment ? Comment analyses‐tu la situation ?
 
Le tennis est un sport majeur en Europe, mais les nouveaux sports verts, dits « nature », ont grignoté des parts de marché, car ils sont mieux adaptés au mode de vie et aux contraintes tempo­relles du monde moderne. Aux Etats‐Unis, le tennis se situe depuis bien des années entre la 20ème et la 25ème place au clas­se­ment des sports… ce qui me fait enrager à chaque fois que je vois ces statis­tiques ! Et, surtout, lorsque je constate que le bowling et les fléchettes sont devant nous (rires). Comme la Formule 1, le tennis ne peut pas grandir en nombre de tour­nois sous sa forme présente. Chaque épreuve reste dépen­dante, pour sa réus­site, de la parti­ci­pa­tion d’au moins l’un des quatre meilleurs joueurs du monde. Et ces derniers ne peuvent pas jouer plus que ce qu’ils font déjà aujourd’hui. Nous sommes donc logi­que­ment figés dans ce format. En même temps, c’est aussi ce qui nous permet de conserver une image très élitiste. Le tennis, c’est un peu comme le caviar (rires) !

Quel est le meilleur souvenir de ta carrière de joueur ?

Il y en a beau­coup, mes victoires contre Edberg, Becker, Agassi bien sûr, mais certai­ne­ment mes 10 années en Coupe Davis de 1986 à 1996 qui auront été marquantes en grande partie grâce à la person­na­lité de mes coéqui­piers, Yannick Noah, Henri Leconte entre autres, avec lesquels je peux vous assurer qu’on ne s’ennuie jamais… mais aussi Cédric, Arnaud, Fabrice, Tarik, Olivier, Guillaume, Rod’, sans oublier les capi­taines, entraî­neurs, docteurs, kinés du staff qui contri­buent à rendre l’expérience collec­tive en équipe de France inou­bliable. Pour un Français jouer devant le public de Roland Garros est très fort et je garde, moi aussi, beau­coup de souve­nirs très chers de certains grands combats que j’y ai livrés jusqu’à la tombée de la nuit et qui reste­ront gravés en moi. 

Tu parles de l’équipe de France avec beau­coup d’émo­tions. La Coupe Davis, c’est très fort ?

Bien sûr, la Coupe Davis peut être une épreuve extra­or­di­naire ! Mais aussi un enfer pour ceux qui la vivent mal, car toutes les émotions y sont décu­plées du fait de l’enjeu extrême. On y est dans une équipe alors que le reste de l’année on joue pour soi, cela rend l’ex­pé­rience très spéciale. Certaines histoires que je conserve de mes 10 années de rencontres de Coupe Davis pour­raient faire la Une des jour­naux si j’en parlais, mais bon j’ai promis aux copains de ne bas balancer alors je ne dirais rien (rires)… En tout cas, chaque époque a ses propres histoires, mais c’est l’esprit d’équipe qui fait le charme de l’épreuve et qui la rend si spéciale. Malgré tout, il faut remar­quer que le format de l’épreuve est devenu très mal adapté au circuit moderne et qu’il est attaqué par les joueurs, surtout à cause des risques de bles­sure liés aux chan­ge­ments de surface et à la fatigue de voyages supplémentaires.

Que faut‐il te souhaiter pour cette deuxième carrière déjà bien entamée ?

J’ai toujours travaillé jusqu’ici en respec­tant des valeurs et qualités essen­tielles comme le travail, la rigueur, la persé­vé­rance et le respect. Alors, souhaitez‐moi simple­ment de conti­nuer à les promou­voir afin de les trans­mettre aux enfants dès le plus jeune âge dans leur éduca­tion spor­tive. Ces valeurs, j’ai réussi à les inté­grer dans les histoires de ma série de livres (NDLR : « Les Voyages Extraordinaires » – Le Petit Tennis/Le Petit Sport) que j’ai écrits pour les petits et les parents dans ce but précis. Mais j’es­père aussi persé­vérer dans mon travail auprès des jeunes athlètes pour mieux les préparer et les protéger dans leur carrière profes­sion­nelle et leur après‐carrière (NDLR : plus d’infos sur www.gptcatennis.us).