AccueilInterviewsJohansson : "Au début, j'avais choisi la danse classique"

Johansson : « Au début, j’avais choisi la danse classique »

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Meilleure Française à Roland Garros, Mathilde Johansson présente un parcours atypique. Aujourd’hui plus sereine que par le passé, elle a décidé, avant tout, de prendre du plaisir et de profiter au maximum des années à venir. Dans l’es­prit, aussi, de réaliser un gros coup comme point d’orgue d’une carrière déjà bien remplie ! A retrouver dans GrandChelem 29.

Question banale, j’imagine… Quand on accu­mule dix défaites d’affilée, ça se passe comment dans la tête ?

En fait, quand tu dépasses cinq défaites à la suite, tu t’en fiches un peu. Sauf que t te dis : « Ca y est, ça va être fou de perdre encore une fois ! » Mais j’ai rela­ti­visé : je jouais bien, mon niveau de jeu n’avait pas baissé. Sur ces dix défaites, j’en ai perdu six en trois sets. Tu te dis alors que tu n’es pas si loin de la victoire. Et, à partir du moment où tu conti­nues à bien t’entraîner, c’est juste une ques­tion de temps… et de bon tableau également !

A Fès, tu es lucky‐loser et c’est reparti !

Dans un premier temps, j’ai déjà gagné ma première rencontre, en quali­fi­ca­tions (sourires) ! Après, je réalise un très bon match contre Shahar Peer, ça m’a donné beau­coup de confiance pour la suite. 

On s’en rend compte aujourd’hui, le tennis féminin fran­çais va mal. Comment ça s’est passé pour toi ?

Pour ma part, je ne suis pas du tout allée en pôle. Je suis très famille et je n’avais pas envie de partir de chez mes parents. Je trouve que les pôles ne sont pas une bonne solu­tion pour les jeunes filles. Je pense qu’être éloi­gnée de ses proches, ça n’aide pas à se construire.

Voir une nation comme la France très peu repré­sentée en haut de la pyra­mide, ça fait pas mal de bruit. Qu’en penses‐tu, toi ?

Le tennis est un sport très cyclique. Bon, c’est vrai que nous sommes une belle nation de tennis, donc c’est éton­nant que personne ne prenne la relève… On a eu une géné­ra­tion tota­le­ment énorme, il y a quelques temps, la géné­ra­tion 1979. Mais, d’ailleurs, peut‐être n’en retrouvera‐t‐on plus jamais des comme ça… 

Comment s’est déroulé ton parcours ?

Pour commencer, mon premier clas­se­ment, ça a été 155. Je ne me souviens plus vrai­ment de mon âge à l’époque. Après, je suis passée 153, puis 15, 36, 16, ‑4 et ‑30 pendant quatre ans et après…


Déjà toute petite, tu avais l’espoir de devenir une cham­pionne de tennis ?

Oui ! Mais c’est comme si j’avais dit que je voulais être astro­naute ! C’était un truc un peu… Je n’en avais aucune idée ! Je jouais beau­coup au tennis et c’est vrai que ça le faisait bien de dire que je voulais être cham­pionne. Alors qu’au fond de moi, ce n’était peut‐être pas ce que je désirais…

Comment t’est venue cette passion pour ce sport ? 

Mes parents jouaient au tennis ensemble pour s’amuser, en vacances… Et, avec ma sœur, on les suivait sur les courts, car on n’avait pas trop envie de rester seules à la maison. C’est comme ça que tout a commencé. J’ai tapé mes premières balles et je me débrouillais plutôt bien. A mes sept ans, mes parents voulaient que je fasse un sport. J’ai choisi la danse clas­sique, mais, très vite, je n’ai pas apprécié de voir ma prof’ assise dans un coin de la salle et nous faire faire les mêmes exer­cices à chaque séance. Nous sommes donc allés voir au Tennis Club s’il restait de la place. Malheureusement, il n’y en avait plus… Mais la chance était de mon côté. Un centre aéré qui devait venir ce jour‐là a dû annuler à cause d’une panne de bus. L’entraîneur était là, il n’y avait personne sur les courts et il m’a fait frapper quelques balles. Et c’est comme ça que tout a commencé ! Au final, je suis un peu venue au tennis par le fruit du hasard (rires).

Qu’est ce qui te motive, aujourd’hui ? Le clas­se­ment, la perfor­mance, un titre, jouer Roland Garros ?

Je dirais la matu­rité. Et puis, aussi, mon début d’année qui n’a pas été facile. Là, je suis à Roland Garros, un grand événe­ment (NDRL : l’en­tre­tien a été réalisé pendant le tournoi)… Par ailleurs, je suis plus proche de la fin de ma carrière que de mes débuts. Je ne vais pas avoir l’occasion de disputer encore dix Roland Garros. J’ai donc envie d’en profiter, du public, de l’accueil en France… Je n’avais jamais autant profité de tout ça avant. C’est impor­tant, ça m’aide même pendant mes matches.

Mais tu n’extériorises pas plus qu’avant…

Cette semaine (à Roland Garros), je n’ai pas trop pu. Au deuxième tour, par exemple, je joue contre ma parte­naire d’entraînement, Petra (Cetkovska). Je ne pouvais pas me le permettre, par respect pour elle. Surtout, ce n’est pas très bon pour moi de trop exté­rio­riser. Sinon, je m’emballe et après… Je commence à bien me connaître, crois‐moi. C’est pour ça que je ne suis pas trop démons­tra­tive. Mais, à la fin du match, la pres­sion tombe et je me lâche un peu plus. 

On a appris que tu te plai­gnais de ne pas avoir de spon­sors. A Roland Garros, tu as été contrainte de choisir et de t’acheter une robe… Ca te surprend ?

Surprend… Non. Mais ce n’est pas très agréable. Au début, je me suis dit : « Bon, okay, pas de spon­sors, très bien. Je pourrai montrer ma diffé­rence. » Mais, rapi­de­ment, tu te rends compte que ça serait bien d’en avoir un ! 

Cette fameuse robe, que tu as portée à Roland Garros, tu l’as achetée dans un magasin, tu as fait tes retouches ?…

Oui, à l’origine, elle était plus longue. Mais j’en ai ache­tées plusieurs, de diffé­rente couleurs, au cas où. Pour Roland, je n’avais qu’une couleur, mais si jamais, par la suite, je ne trouve toujours pas de spon­sors, j’aurai d’autres couleurs en stock !

Tu te vois où dans cinq ou six ans, à la fin de ta carrière ?

Bonne ques­tion (sourire). Je ne sais pas, vrai­ment. Honnêtement. J’ai un peu envie de rester dans le milieu, mais pas trop non plus. Ce milieu, je l’apprécie de plus en plus et ça n’a pas toujours été le cas. Mais, plus la fin approche, plus j’ai envie de rester au contact de cette vie, une vie géniale. A travers une marque, je ne sais pas (rires), mais rester dans les grands événe­ments, oui.

On parle souvent de ton côté glamour. Il y a des choses qu’on t’a faite faire et que tu n’as pas appréciées ?

En fait, c’est une idée reçue ! On ne m’a jamais proposé de choses vrai­ment déca­lées, autres que des maga­zines de tennis. Mais j’aimerai bien le faire. Je fais des photos un peu sexy pour l’Open de Côte d’Azur depuis trois ans et j’avoue que ça m’a vrai­ment plu. Je me suis trouvée belle !

La Suède, ça repré­sente quoi, pour toi, à part un lieu de naissance ?

Beaucoup, beau­coup. J’ai acheté une maison là‐bas, car ma grand‐mère y vit, entre Stockholm et Göteborg, à un quart d’heure de la ville natale de Robin Söderling – qui est aussi celle de mon père, pour l’anecdote (sourire). J’essaie d’y retourner tous les ans ; pour moi, c’est ressour­çant. J’ai passé beau­coup de mon enfance là‐bas, parce qu’on y retour­nait tous les étés. C’est vrai­ment un endroit très repo­sant. C’est calme et, quand on arrive à l’aéroport, on sent que l’on n’est pas en France.

Tu vas donc peut‐être y finir tes jours (rires) ?

Non… J’ai acheté une maison de vacances pour perpé­tuer ce que j’y ai vécu dans mon enfance. Si j’ai des enfants, je pourrai les emmener là‐bas et cultiver ainsi leur côté suédois. Mais bon, de là à y habiter, je ne suis pas sûre de fran­chir le cap !

Tu joues avec une raquette Tecnifibre, une marque qui évolue sur le circuit… Qu’est-ce que ça t’inspire ?

J’ai fait le buzz au niveau de la cosmé­tique de la raquette (rires). Tout le monde me dit qu’elle est belle, que j’ai une raquette spéciale Johansson. Au premier abord, les gens me deman­daient ce que je faisais, qu’est ce que c’était que ça… Je leur ai répondu simple­ment que c’était un très bon cadre, avec, comme vrai plus, un aspect féminin beau­coup plus poussé que chez les autres marques.

Tu as parti­cipé à certaines réunions de travail pour la créa­tion de cette raquette ?

Exactement, j’ai même eu mon mot à dire ! Je pense, d’ailleurs, que certaines choses ne leur ont pas plu (sourires). Je trou­vais qu’ils se diri­geaient trop vers le normal et le conventionnel.

Que ce soit une marque fran­çaise, ça a joué au moment de t’engager avec elle ?

On s’est très bien entendus et je ne regrette vrai­ment pas. Dans les moments diffi­ciles, ils ont été là.