L’influence et son pouvoir, vaste sujet, d’autant plus d’actualité que les problèmes générés par le projet du nouveau stade de Roland Garros confirment que les enjeux sont forts. Pour bien appréhender l’idée, nous avons posé cinq questions essentielles à Bruno Lalande, directeur de la stratégie Europe‐Moyen Orient‐Afrique chez Repucom. Un entretien à retrouver dans le numéro 46 de notre magazine GrandChelem.
1. L’influence, c’est quoi ?
Pour moi, l’influence peut être comprise de différentes manières. Il y a deux choses : l’« influenceur » (sic) et l’influence. Un influenceur est une personnalité qui a trois caractéristiques, la notoriété, la crédibilité et la confiance., dont découlent des résultats. Un influenceur est ainsi quelqu’un qui a des résultats, car il a de la notoriété, il est crédible et il a de la confiance. J’élargis la notion d’influenceur, car les influenceurs puissants n’ont pas de frontières. C’est un point important. Ils dépassent le cadre du sport. Partant de là, il y a trois types d’influenceurs : les rois, pleinement internationaux, les locaux, ou nationaux, et une catégorie intermédiaire qu’on pourrait qualifier de continentale.
2. Le tennis est‐il un sport influent au niveau mondial ?
Le tennis est un sport d’élite qui a réussi à se démocratiser. Il est dans le Top 5 des sports dans le monde. C’est bien, c’est puissant. Dans l’Europe mature, il est plus dans le Top 3 ; en Chine ou aux Etats‐Unis, plutôt dans le Top 10. Mais c’est un sport international, c’est indéniable. Un point important pour l’influence et le développement – l’influence servant au développement : le tennis est toujours et avant tout pratiqué soit en Europe, soit en Amérique, soit en Océanie, donc dans le monde occidental. Il se trouve que ces trois régions fournissent l’essentiel des champions. Quand on regardait le pays d’origine des joueurs du Top 100 fin 2014, 69 venaient du continent européen, huit d’Amérique du Nord, 11 d’Amérique du Sud, cinq d’Océanie, cinq d’Asie et deux d’Afrique. En 2050, le tennis sera néanmoins beaucoup plus développé en Afrique, car les infrastructures seront présentes, les pays urbanisés et le pouvoir d’achat plus important. L’Afrique deviendra ce que sont actuellement la Chine et l’Inde, le marché émergent qui compte et sur lequel il faudra être présent. Le tennis pourra alors parachever sa conquête de la planète. Le monde occidental a perdu son influence stratégique, aujourd’hui, mais pas avec le tennis. Or l’influence est stratégique, économique et sert les intérêts de toutes les parties prenantes, des agents aux médias, en passant par les sponsors et les institutions.
3. Comment quantifie‐t‐on l’influence ?
C’est un sujet complexe. L’influence est comme un iceberg : on voit le résultat, mais pas tout ce qu’il y a en‐dessous. Elle est le résultat d’une stratégie à long terme. Comment la quantifier ? Par le résultat, principalement. Prenons l’exemple de la candidature ratée de Paris aux JO 2012. Il y a eu une prise de conscience toute récente de l’État français, qui a décidé de nommer un ambassadeur du sport en janvier 2014 (NDLR : Jean Lévy), afin de travailler au rayonnement du pays et faire ce travail d’influence diplomatique à l’international. C’est un sujet nouveau, mais pas pour tous. Les Anglais parlent de « soft power » et de « hard power ». Le sport est l’outil numéro un des pays pour faire du « soft power », comme on a pu le constater avec le Qatar depuis les années 2000, mais aussi, dernièrement, l’Azerbaïdjan.
4. Le tennis est‐il épargné par les sphères d’influence et les lobbyistes ?
Non. Il faut qu’il y ait de l’influence dans le tennis et il y en a, comme partout ailleurs. C’est une des composantes qui fait que l’on réussit bien, un peu moins bien ou pas du tout. Pour faire un parallèle, les chefs d’entreprise qui font de la procrastination de l’influence sont moins bons que les autres. Les relations institutionnelles sont nécessaires aux affaires. Ce n’est pas quelque chose qui se fait dans l’urgence, mais qui se travaille plutôt lentement, sûrement et de façon organisée. L’État français en a pris conscience, comme en témoigne la nomination dont je parlais plus haut. Il y a une économie très importante dans le tennis. Et il faut que nous, Français, soyons les meilleurs du monde dans l’influence, car cela servira notre économie. Il se trouve qu’en France, nous avons la chance d’avoir une banque, inscrite au CAC 40, qui utilise le tennis pour sa stratégie mondiale.
5. Quels sont ces « influenceurs » dont vous parlez, dans le monde du tennis ?
Si je reprends ma définition de l’influence, deux joueuses sont sur le toit du monde : Serena Williams et Maria Sharapova. Ensuite, arrivent Roger Federer et Rafael Nadal. Le cadre de l’influence sort du cadre du sport. On s’aperçoit qu’ils ont tous des associations avec des marques. Ils ne se limitent pas au tennis. Il y a la mode pour Sharapova, la philanthropie pour Serena et Federer… Ces rois du monde répondent à l’influence. Ils sont connus, appréciés et ont la confiance de tous.
Top 4 international selon l’indicateur DBI
1 : Maria Sharapova
2 : Serena Williams
3 : Roger Federer
4 : Rafael Nadal
Top 7 tricolore selon l’indicateur DBI
1 : Yannick Noah
2 : Jo‐Wilfried Tsonga
3 Amélie Mauresmo
4 : Gaël Monfils
5 : Henri Leconte
6 : Richard Gasquet
7 : Guy Forget
=> Grand Chelem n°46 en téléchargement gratuit
Retrouvez gratuitement et en intégralité le numéro 46 « Spécial Roland Garros » de notre magazine GrandChelem.. Bonne lecture !
Publié le mercredi 20 mai 2015 à 10:39