Dans le numéro 69 de GrandChelem, le dossier de la rédaction s’était intéressé aux bienfaits du tennis sur la santé. Jean‐Bernard Fabre, fondateur d’ESP Consulting, dresse un bilan des bienfaits sur la santé liés à la pratique de la petite balle jaune tout en écartant certaines idées reçues.
Savez‐vous pourquoi le tennis est encore considéré comme un sport dangereux, et l’est-il vraiment ?
Tout dépend ce que l’on entend par dangereux. C’est un sport que l’on peut considérer comme « traumatisant », mais certainement pas dangereux. Il ne me semble pas que cela soit un sport dit à risque au regard des assurances par exemple. Les chocs et les impacts lors des phases de jeu intenses peuvent être problématiques quand on souffre déjà de troubles ostéo‐articulaires, mais la particularité de pouvoir jouer sur différentes surfaces permet de limiter ce problème. À mon sens, le tennis est vraiment un sport pour tous et à tout âge.
Est‐ce que la dangerosité d’un sport est quantifiable ? Celle‐ci n’est-elle pas simplement la conséquence de la forme de pratique mise en place par le sportif, le compétiteur ? On pense là à la qualité de la préparation physique pour pratiquer un sport…
Certains sports sont dits « à risque » ou dangereux, car l’intégrité physique du pratiquant est directement mise en cause par la pratique, pouvant aller jusqu’au décès. Il y a deux sortes d’activités dans ce cas. D’abord, les sports extrêmes (ils sont d’ailleurs interdits pour certaines professions). Cela s’explique notamment par la forte influence du facteur environnemental (le vent pour un kitesurfeur, le froid, etc.) ou une exigence de vitesse comme dans les sports mécaniques. Ensuite, il y a les sports de percussion (sports de combat, rugby, etc.). Ces derniers sont à risque par définition. De manière générale, quel que soit le sport, il est évident qu’il faut connaître ses limites physiologiques pour éviter de se mettre tout seul en danger. En France, le minimum requis est la réalisation d’une visite médicale pour avoir accès à la pratique en club. L’idéal étant de faire un test d’effort pour limiter les risques d’une pathologie cardiaque asymptomatique. Il y a eu beaucoup d’accidents ces dernières années en football et en athlétisme chez des moins de 18 ans. Cela n’arrive donc pas qu’aux autres…
Par ailleurs, la pratique en « sécurité » relève aussi du bon sens du sportif : pratiquer dans des conditions thermiques, d’hydratation, de sommeil et de nutrition adaptées. Pour finir, se connaître est la clef. C’est notamment le cas pour ses capacités physiques, ne pas se voir « trop bon ». Pour cela, il existe des centres d’expertise du sport qui proposent des bilans physiques. Chez ESP, nous proposons même des bilans spécifiques en fonction des sports. Le point de départ est : « Connais‐toi toi‐même. »
Parmi l’ensemble des disciplines, où se situe le tennis en termes de bénéfices sur la santé ? Un classement est‐il possible ?
Il est difficile de faire un classement. Les recommandations mondiales de la santé préconisent la marche (au moins trois fois 30 minutes par semaine), car c’est une pratique accessible facilement à tous. Pourtant, les limites de cette activité sont de plus en plus démontrées par les scientifiques. En ce qui concerne le tennis, une étude récente (2014), publiée dans le prestigieux British Journal of Sports Medicine, a démontré que le tennis pouvait être meilleur pour la santé cardiovasculaire que les sports d’endurance classiques.
« Jouer trois fois par semaine réduit les risques de pathologies cardiaques de 56 % »
Le tennis est souvent pointé du doigt pour son aspect traumatique. Est‐ce lié au jeu en lui‐même ou aux matériels utilisés (raquettes, surfaces, chaussures) ?
Le tennis est effectivement cité pour les traumatismes engendrés. Qu’ils soient liés à une lacune technique, un mauvais choix de matériel ou la pratique sur une surface inadaptée. La bonne nouvelle, c’est que de nombreux travaux récents ont démontré que le ratio bénéfices/risques était très largement en faveur du tennis. Mieux encore, ce qui lui est souvent reproché est en fait un atout. Comme l’explique un article scientifique sorti dernièrement, les chocs liés aux changements de direction permettent de renforcer les os. L’activité intermittente de haute intensité permet de renforcer le système cardiovasculaire, bien mieux que beaucoup d’autres sports. Jouer trois fois par semaine réduit les risques de pathologies cardiaques de 56 %. Les actions explosives renforcent les muscles, ce qui améliore la mobilité et prévient la sarcopénie (fonte musculaire liée à l’âge).
Si demain un parent vient te demander un conseil sur la pratique d’un sport pour son enfant, quelle sera ta réponse ?
(Rires.) Cette question, on me l’a posée tant de fois ! Avant d’être docteur en physiologie et directeur du centre de recherche ESP, j’ai été enseignant de tennis pendant dix ans et j’ai toujours répondu : « Le sport dans lequel votre enfant s’éclate le plus. » Mais avec malice, j’insisterais sur le fait que des travaux scientifiques ont démontré que les jeunes joueurs de tennis ont de meilleures notes à l’école que leurs petits camarades. Cela fait une petite différence, non ? (Rires.)
ESP Consulting, c’est quoi ?
« Nous sommes une structure unique qui combine un centre de médecine du sport (doté de 15 spécialistes) avec un centre d’entraînement de la haute performance. Pour faire le trait d’union entre ces deux univers, il y a un laboratoire de recherche qui étudie le comportement des sportifs. Notre spécialité, c’est l’évaluation des aptitudes physiques, physiologiques et biomécaniques. Nos bilans sont spécifiques aux exigences de chaque sport. Un joueur de tennis ne fera pas les mêmes tests qu’un coureur à pied, par exemple. Cette logique permet avant toute chose d’éviter les blessures, car un athlète qui réussit est un athlète qui peut s’entraîner/jouer sans interruption. Ensuite, les tests permettent de quantifier les charges de travail et nous aidons les joueurs et leurs staffs à organiser les séquences d’entraînement. Pour finir, nous intervenons aussi dans le cas où un athlète a un problème de santé. Nous lui proposons alors des bilans pluridisciplinaires médicaux et une étude de son matériel pour comprendre d’où vient le problème et ainsi lui proposer des solutions spécifiques. Nos clients peuvent aussi bien être des sportifs professionnels que des pratiquants amateurs. Concernant le tennis par exemple, nous accompagnons tous les espoirs de la ligue PACA de tennis, tant sur le suivi biomédical que sur la préparation physique. »
Publié le lundi 29 avril 2019 à 16:00