Mary Pierce restera comme l’une des plus grandes athlètes du sport féminin tricolore. La Française s’est construit, tout au long de ses 17 ans de carrière, un palmarès exceptionnel, fort de deux titres et six finales, au total, dans les tournois du Grand Chelem. Une page de sa vie qui s’est refermée brusquement à Linz, en 2006, lorsqu’elle se déchire les ligaments croisés sur le court. Aujourd’hui, l’ex‐championne est une femme heureuse et apaisée. La fin de sa vie tennistique a sonné l’avènement d’une nouvelle Mary qui se donne toute entière à ses nouveaux projets… et à sa religion. Entretien.
-
QUE SONT‐ILS DEVENUS ?
- Pascal Portes
- Séverine Beltrame
- Nathalie Herreman
- Corinne Vanier
- Yahiya Doumbia
- Jean‐Philippe Fleurian
- Olivier Delaitre
- Mary Pierce
Mary, après avoir vécu une carrière bien remplie, que faites‐vous exactement aujourd’hui ?
Je prends le temps de vivre ! Je sais que ça peut paraître bizarre de le dire comme ça, mais c’est bien ce que je fais aujourd’hui. Je prends le temps de vivre. J’ai eu une vie consacrée essentiellement à la compétition depuis l’âge de 10 ans. Aujourd’hui, je vis sans la compétition. Je passe beaucoup de mon temps à l’île Maurice et, là‐bas, en‐dehors du quotidien que je consacre aux enfants que j’entraîne, je suis tout simplement Mary Pierce. Les gens savent qui je suis, mais ça ne les impressionne pas beaucoup (rires). Ils voient la personne, pas un personnage. Et cela me convient parfaitement, puisque je me suis fait de nombreux amis.
Tu as un engagement auprès des populations locales ?
Oui, j’essaie de les soutenir. Par exemple, dans mon village, j’ai des amies qui ont une association, Ti‐Rayons Soleil, s’occupant de gamins qui ont des problèmes d’intégration sociale. Je leur donne un petit coup de main quand je peux et je suis la marraine de l’association. C’est important pour moi ; il y a eu une période de mon enfance où je n’avais rien. Je suis aussi engagée dans l’église : je participe aux réunions et, parfois, à des voyages missionnaires. Je prends le temps d’aller à la mer, de nager avec les dauphins… De manger ! J’adore la nourriture que nous avons à l’île Maurice, on peut trouver des plats avec des influences indiennes, européennes, créoles, malgaches… Je prends aussi le temps d’être disponible pour le tennis, lorsque la Fédération Internationale ou une télévision me sollicitent. Voilà un peu ce que fais aujourd’hui : je prends mon temps et, quand j’ai du temps, je le donne !
Vous retenez un moment particulier de votre carrière, avec le recul ?
Ma victoire à Roland Garros. C’était mon rêve. Un bel aboutissement à toutes ces années de sacrifices.
Comment imagine‐t‐on sa nouvelle vie quand on finit une carrière aussi intense que la vôtre ? J’imagine que les choix doivent être compliqués…
Ce n’est pas tout à fait comme cela que je vois les choses. Quand ma carrière de joueuse s’est interrompue, cela m’a permis de servir Jésus davantage. Oui, c’est peut‐être surprenant, mais c’est vrai. Ma vie n’est plus du tout la même, en ce sens que je me soucie bien plus du plan que le Seigneur a pour moi. La parole de Dieu a maintenant une place prépondérante dans ma vie et j’essaie, au mieux de mes possibilités, de me laisser conduire par Jésus au quotidien. C’est une expérience que je vis aussi intensément que ma carrière de joueuse.
Andrea Jaeger, ex‐numéro trois mondiale dans les années 80, est devenue religieuse en 2006. Le parallèle avec vous vous semble pertinent ?
Pourquoi pas ? Elle a été une grande championne et a choisi d’entrer dans les ordres après s’être beaucoup consacrée aux enfants atteints de leucémie. Je retiens surtout ce qu’elle disait : le Seigneur avait un plan pour elle. Oui, cela peut faire un joli parallèle. Mais, honnêtement, je ne pense pas que ce soit à moi de le dire.
Vous dites avoir donné votre vie à Jésus, vous faites partie d’une communauté… Est‐ce que vous comprenez que cela puisse déranger certaines personnes ? Ou qu’il y ait beaucoup d’incompréhension ?
Je suis une grande partisane de la liberté et je ne suis pas le moindrement dérangée par les croyances et les convictions d’autrui. Bien sûr, j’aimerais que les gens partagent ma foi, mais pourquoi cela devrait‐il me déranger quand ce n’est pas ainsi ? Imaginez une minute que mon amie Linda Wild ait été dérangée par le fait que je ne sois pas chrétienne comme elle… Elle ne m’aurait alors jamais parlé de Jésus et je ne me serais pas convertie. Je lui suis très reconnaissante pour ça : ma différence ne l’a pas dérangée. De la même manière, la différence des autres ne me dérange pas. Et je ne vois donc pas pourquoi mes choix, ma conscience et ma foi devraient déranger quelqu’un.
Derrière le choix d’enseigner le tennis à Maurice, il y a l’idée que certains de vos élèves puissent être, un jour, formés pour le très haut‐niveau ou ce n’est pas du tout l’objectif ?
Il se trouve qu’au sein de la famille qui m’accueille, il y a deux jeunes talents qui sont très prometteurs et qui travaillent très dur. Cela me plaît de les accompagner et de les aider à améliorer leur jeu. Ces deux enfants sont aussi les petits‐enfants de Miki et Audrey Hardy, mon pasteur et son épouse. Je constate qu’ils représentent bien leur pays et font honneur à leurs compatriotes. C’est vraiment une joie de pouvoir contribuer ainsi au tennis mauricien. Et, qui sait, peut‐être que demain je serai amenée à encadrer d’autres talents…
Si l’on regarde dans le rétroviseur, on se dit que vous avez finalement toujours un peu défrayé la chronique (rires) !
Moi, défrayer la chronique ? Ce n’est pas vraiment dans ma nature. J’ai appris très jeune à accepter l’intérêt des médias ; j’ai démarré à l’âge de dix ans et, quand je me suis éloignée du circuit en 2006 suite à ma blessure au genou, j’ai su me rendre discrète. C’est vrai qu’il y a eu un emballement médiatique lorsque j’ai parlé publiquement de ma foi. Mais ce n’est certainement pas moi qui détermine l’intérêt des médias.
Votre reportage dans L’Equipe Magazine, en octobre dernier, a fait beaucoup de bruit. Cela vous a surpris ?
Il faudrait peut‐être relativiser ! Il y a eu quelques réactions après la diffusion de la vidéo sur le site de L’Equipe. Puis, quelques journaux ont repris la nouvelle. Cela ne m’a pas surpris personnellement, puisque je devinais bien que le public allait être étonné d’avoir de mes nouvelles après ce long silence et de découvrir ma nouvelle vie. Je crois que l’effet de surprise est maintenant passé. Les gens finissent par se calmer en réalisant que les personnes qui se convertissent à la foi chrétienne sont tout à fait normales : nous mangeons, nous buvons, nous avons des amis, nous éprouvons des sentiments, certains événements nous rendent heureux et d’autres nous peinent. La différence serait peut‐être la place que nous accordons à l’évangile dans notre vie de tous les jours et notre relation avec Jésus Christ.
Au début de votre carrière, on sentait que vous souffriez sur le court. Puis, après vos blessures en 2001, on vous a sentie apaisée. Comment expliquez‐vous cette évolution ?
Je vois bien ce dont vous me parlez… Oui, c’était quelque chose qui était visible sur le court et on m’en a fait la remarque. Avant, j’étais une personne pleine de troubles : le succès ne comblait pas le vide qu’il y avait en moi. Je désirais trouver des réponses à mes questions intérieures, quelque chose qui m’apporterait la paix et pourrait guérir les blessures du passé. J’ai essayé différentes voies, différentes formes de spiritualité. Ma quête a duré sept ans. Puis, en 2000, j’ai rencontré Jésus. Cela a complètement changé ma vie ! C’est cette transformation que les gens ont pu voir sur le court. Je rentrais dans mon match avec une grande sérénité. Mon esprit n’était plus tiraillé par autre chose… Tout ce qui comptait, c’était de donner le meilleur de moi‐même. Encore aujourd’hui, quand on m’en parle, je réalise que cette transformation a bel et bien été visible.
Vous avez encore des contacts avec la famille du tennis français ?
Bien sûr. Je suis invitée à Roland Garros et c’est une joie pour moi d’y aller, non seulement parce que je réalise que le public français m’accorde toujours son estime, mais aussi parce que je me sens dans mon élément. Cela me rappelle tellement de bons souvenirs… J’aime ces gens et cela me réjouit de pouvoir revoir tout ce monde. Je suis honorée de ressentir que les Français me considèrent encore comme leur championne. C’est aussi une grande responsabilité que de savoir que son comportement peut inspirer les jeunes. Oui, je suis toujours en contact avec le monde du tennis et la Fédération Internationale me sollicite quelquefois, comme l’année dernière, à l’occasion de la rencontre annuelle des coaches du monde entier. Le tennis m’a beaucoup apporté et si je peux, à mon tour, aider mon sport, je le fais avec plaisir.
J’imagine que vous avez gardé des souvenirs de votre carrière…
Bien sûr. Il y a les trophées, mes coupes… J’ai une collection des badges qu’on nous donne lors des tournois. J’ai aussi gardé la tenue que j’avais pour Roland Garros, en 2000, même les chaussures (rires) !
-
Mary Pierce, 39 ans
- Carrière pro : 1989–2006
- Meilleur classement : 3ème
- 18 titres WTA, dont 2 du Grand Chelem
- 24 sélections en Fed Cup
Publié le vendredi 25 avril 2014 à 18:00