AccueilInterviewsMary Pierce : "J'ai pu servir Jésus davantage"

Mary Pierce : « J’ai pu servir Jésus davantage »

-

Mary Pierce restera comme l’une des plus grandes athlètes du sport féminin trico­lore. La Française s’est construit, tout au long de ses 17 ans de carrière, un palmarès excep­tionnel, fort de deux titres et six finales, au total, dans les tour­nois du Grand Chelem. Une page de sa vie qui s’est refermée brus­que­ment à Linz, en 2006, lors­qu’elle se déchire les liga­ments croisés sur le court. Aujourd’hui, l’ex‐championne est une femme heureuse et apaisée. La fin de sa vie tennis­tique a sonné l’avè­ne­ment d’une nouvelle Mary qui se donne toute entière à ses nouveaux projets… et à sa reli­gion. Entretien.

Mary, après avoir vécu une carrière bien remplie, que faites‐vous exac­te­ment aujourd’hui ?

Je prends le temps de vivre ! Je sais que ça peut paraître bizarre de le dire comme ça, mais c’est bien ce que je fais aujourd’hui. Je prends le temps de vivre. J’ai eu une vie consa­crée essen­tiel­le­ment à la compé­ti­tion depuis l’âge de 10 ans. Aujourd’hui, je vis sans la compé­ti­tion. Je passe beau­coup de mon temps à l’île Maurice et, là‐bas, en‐dehors du quoti­dien que je consacre aux enfants que j’entraîne, je suis tout simple­ment Mary Pierce. Les gens savent qui je suis, mais ça ne les impres­sionne pas beau­coup (rires). Ils voient la personne, pas un person­nage. Et cela me convient parfai­te­ment, puisque je me suis fait de nombreux amis. 

Tu as un enga­ge­ment auprès des popu­la­tions locales ?

Oui, j’essaie de les soutenir. Par exemple, dans mon village, j’ai des amies qui ont une asso­cia­tion, Ti‐Rayons Soleil, s’occupant de gamins qui ont des problèmes d’intégration sociale. Je leur donne un petit coup de main quand je peux et je suis la marraine de l’association. C’est impor­tant pour moi ; il y a eu une période de mon enfance où je n’avais rien. Je suis aussi engagée dans l’église : je parti­cipe aux réunions et, parfois, à des voyages mission­naires. Je prends le temps d’aller à la mer, de nager avec les dauphins… De manger ! J’adore la nour­ri­ture que nous avons à l’île Maurice, on peut trouver des plats avec des influences indiennes, euro­péennes, créoles, malgaches… Je prends aussi le temps d’être dispo­nible pour le tennis, lorsque la Fédération Internationale ou une télé­vi­sion me solli­citent. Voilà un peu ce que fais aujourd’hui : je prends mon temps et, quand j’ai du temps, je le donne ! 

Vous retenez un moment parti­cu­lier de votre carrière, avec le recul ?

Ma victoire à Roland Garros. C’était mon rêve. Un bel abou­tis­se­ment à toutes ces années de sacrifices. 

Comment imagine‐t‐on sa nouvelle vie quand on finit une carrière aussi intense que la vôtre ? J’imagine que les choix doivent être compliqués…

Ce n’est pas tout à fait comme cela que je vois les choses. Quand ma carrière de joueuse s’est inter­rompue, cela m’a permis de servir Jésus davan­tage. Oui, c’est peut‐être surpre­nant, mais c’est vrai. Ma vie n’est plus du tout la même, en ce sens que je me soucie bien plus du plan que le Seigneur a pour moi. La parole de Dieu a main­te­nant une place prépon­dé­rante dans ma vie et j’essaie, au mieux de mes possi­bi­lités, de me laisser conduire par Jésus au quoti­dien. C’est une expé­rience que je vis aussi inten­sé­ment que ma carrière de joueuse. 

Andrea Jaeger, ex‐numéro trois mondiale dans les années 80, est devenue reli­gieuse en 2006. Le paral­lèle avec vous vous semble pertinent ?

Pourquoi pas ? Elle a été une grande cham­pionne et a choisi d’en­trer dans les ordres après s’être beau­coup consa­crée aux enfants atteints de leucémie. Je retiens surtout ce qu’elle disait : le Seigneur avait un plan pour elle. Oui, cela peut faire un joli paral­lèle. Mais, honnê­te­ment, je ne pense pas que ce soit à moi de le dire. 

Vous dites avoir donné votre vie à Jésus, vous faites partie d’une commu­nauté… Est‐ce que vous comprenez que cela puisse déranger certaines personnes ? Ou qu’il y ait beau­coup d’incompréhension ?

Je suis une grande parti­sane de la liberté et je ne suis pas le moin­dre­ment dérangée par les croyances et les convic­tions d’autrui. Bien sûr, j’aimerais que les gens partagent ma foi, mais pour­quoi cela devrait‐il me déranger quand ce n’est pas ainsi ? Imaginez une minute que mon amie Linda Wild ait été dérangée par le fait que je ne sois pas chré­tienne comme elle… Elle ne m’aurait alors jamais parlé de Jésus et je ne me serais pas convertie. Je lui suis très recon­nais­sante pour ça : ma diffé­rence ne l’a pas dérangée. De la même manière, la diffé­rence des autres ne me dérange pas. Et je ne vois donc pas pour­quoi mes choix, ma conscience et ma foi devraient déranger quelqu’un. 

Derrière le choix d’en­sei­gner le tennis à Maurice, il y a l’idée que certains de vos élèves puissent être, un jour, formés pour le très haut‐niveau ou ce n’est pas du tout l’objectif ?

Il se trouve qu’au sein de la famille qui m’accueille, il y a deux jeunes talents qui sont très promet­teurs et qui travaillent très dur. Cela me plaît de les accom­pa­gner et de les aider à améliorer leur jeu. Ces deux enfants sont aussi les petits‐enfants de Miki et Audrey Hardy, mon pasteur et son épouse. Je constate qu’ils repré­sentent bien leur pays et font honneur à leurs compa­triotes. C’est vrai­ment une joie de pouvoir contri­buer ainsi au tennis mauri­cien. Et, qui sait, peut‐être que demain je serai amenée à enca­drer d’autres talents…

Si l’on regarde dans le rétro­vi­seur, on se dit que vous avez fina­le­ment toujours un peu défrayé la chro­nique (rires) !

Moi, défrayer la chro­nique ? Ce n’est pas vrai­ment dans ma nature. J’ai appris très jeune à accepter l’intérêt des médias ; j’ai démarré à l’âge de dix ans et, quand je me suis éloi­gnée du circuit en 2006 suite à ma bles­sure au genou, j’ai su me rendre discrète. C’est vrai qu’il y a eu un embal­le­ment média­tique lorsque j’ai parlé publi­que­ment de ma foi. Mais ce n’est certai­ne­ment pas moi qui déter­mine l’intérêt des médias. 

Votre repor­tage dans L’Equipe Magazine, en octobre dernier, a fait beau­coup de bruit. Cela vous a surpris ?

Il faudrait peut‐être rela­ti­viser ! Il y a eu quelques réac­tions après la diffu­sion de la vidéo sur le site de L’Equipe. Puis, quelques jour­naux ont repris la nouvelle. Cela ne m’a pas surpris person­nel­le­ment, puisque je devi­nais bien que le public allait être étonné d’avoir de mes nouvelles après ce long silence et de décou­vrir ma nouvelle vie. Je crois que l’effet de surprise est main­te­nant passé. Les gens finissent par se calmer en réali­sant que les personnes qui se conver­tissent à la foi chré­tienne sont tout à fait normales : nous mangeons, nous buvons, nous avons des amis, nous éprou­vons des senti­ments, certains événe­ments nous rendent heureux et d’autres nous peinent. La diffé­rence serait peut‐être la place que nous accor­dons à l’évangile dans notre vie de tous les jours et notre rela­tion avec Jésus Christ. 

Au début de votre carrière, on sentait que vous souf­friez sur le court. Puis, après vos bles­sures en 2001, on vous a sentie apaisée. Comment expliquez‐vous cette évolution ?

Je vois bien ce dont vous me parlez… Oui, c’était quelque chose qui était visible sur le court et on m’en a fait la remarque. Avant, j’étais une personne pleine de troubles : le succès ne comblait pas le vide qu’il y avait en moi. Je dési­rais trouver des réponses à mes ques­tions inté­rieures, quelque chose qui m’apporterait la paix et pour­rait guérir les bles­sures du passé. J’ai essayé diffé­rentes voies, diffé­rentes formes de spiri­tua­lité. Ma quête a duré sept ans. Puis, en 2000, j’ai rencontré Jésus. Cela a complè­te­ment changé ma vie ! C’est cette trans­for­ma­tion que les gens ont pu voir sur le court. Je rentrais dans mon match avec une grande séré­nité. Mon esprit n’était plus tiraillé par autre chose… Tout ce qui comp­tait, c’était de donner le meilleur de moi‐même. Encore aujourd’hui, quand on m’en parle, je réalise que cette trans­for­ma­tion a bel et bien été visible. 

Vous avez encore des contacts avec la famille du tennis français ?

Bien sûr. Je suis invitée à Roland Garros et c’est une joie pour moi d’y aller, non seule­ment parce que je réalise que le public fran­çais m’accorde toujours son estime, mais aussi parce que je me sens dans mon élément. Cela me rappelle telle­ment de bons souve­nirs… J’aime ces gens et cela me réjouit de pouvoir revoir tout ce monde. Je suis honorée de ressentir que les Français me consi­dèrent encore comme leur cham­pionne. C’est aussi une grande respon­sa­bi­lité que de savoir que son compor­te­ment peut inspirer les jeunes. Oui, je suis toujours en contact avec le monde du tennis et la Fédération Internationale me solli­cite quel­que­fois, comme l’année dernière, à l’occasion de la rencontre annuelle des coaches du monde entier. Le tennis m’a beau­coup apporté et si je peux, à mon tour, aider mon sport, je le fais avec plaisir. 

J’imagine que vous avez gardé des souve­nirs de votre carrière…

Bien sûr. Il y a les trophées, mes coupes… J’ai une collec­tion des badges qu’on nous donne lors des tour­nois. J’ai aussi gardé la tenue que j’avais pour Roland Garros, en 2000, même les chaus­sures (rires) !

    Mary Pierce, 39 ans
  • Carrière pro : 1989–2006
  • Meilleur clas­se­ment : 3ème 
  • 18 titres WTA, dont 2 du Grand Chelem
  • 24 sélec­tions en Fed Cup