Notre premier spécialiste Patrick Mouratoglou revient aux affaires. Présent bien sur à New‐York, il a répondu à une interview pré‐tournoi. Comme d’habitude, il prend position, et parle avec passion, rafraîchissant !
Patrick, John McEnroe avant la démonstration de Federer à Cincinnati évoquait l’idée que Roddick ou Murray seraient les grands outsiders de l’US Open, est‐ce que tu partages cette opinion ?
Dire que Murray et Roddick sont les outsiders de l’US Open est une évidence. Le premier est en pleine progression et en pleine confiance, il a déjà battu Roger plusieurs fois, le second est également en progrès depuis qu’il collabore avec Stefanki, et sera chez lui ce qui représente un atout incontestable. Je pense également que Nadal ne sera pas suffisamment prêt pour prétendre au titre, mais qu’il ne faudra pas oublier Del Potro dont les progrès sont évidents, et qui commence à constituer une réelle menace pour les meilleurs. J’ai personnellement lu que McEnroe prédisait la chute de Federer à l’US Open en raison de la décompression due à ses victoires à Roland Garros et Wimbledon. Je n’adhère pas du tout avec cette thèse. Je pense que Federer n’est jamais plus fort que quand il est en confiance, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a bien rechargé les accus de ce côté. Je le pense archi‐favori !
Depuis le début de l’US Série y a‑t‐il eu un joueur ou une joueuse qui t’ont surpris ?
Pour ce qui est des hommes, je pense qu’il n’y a pas de surprises à attendre, quatre des 5 premiers mondiaux seront probablement dans le dernier carré. Mais attention à Del Potro qui, comme dit précédemment m’a beaucoup impressionné par ses progrès et son volume de jeu. En revanche, chez les femmes, l’été a montré beaucoup de surprises et cet US Open s’annonce exceptionnellement ouvert. Les soeurs Williams ont très nettement accusé le coup en s’inclinant très tôt dans tous les tournois américains…Trois ex N°1 mondiales reviennent en très grande forme : Kim Clijsters a montré qu’il fallait compter sur elle, Maria Sharapova monte en puissance et sera très dangereuse, et Jelena Jankovic s’approche a nouveau de son meilleur niveau après un début de saison cauchemardesque. Il me semble qu’il faut ajouter à ce trio Elena Dementieva qui revient en grande forme ainsi que l’outsider australienne Samantha Stosur qui, enfin, parvient à exprimer son talent. Quant à Safina, l’actuelle N°1 mondiale, elle est en plein doute après ses récents mauvais résultats et ses problèmes récurrents au service.
Est‐ce que le retour au premier plan de Clijsters est un bien ou un mal pour le circuit féminin ?
Je ne vois que du positif dans ce retour car Kim est une joueuse fantastique. Elle possède une mentalité de championne et un vrai amour du jeu. C’est grâce à cela qu’elle a pu revenir vite à haut niveau. Son enthousiasme et les interrogations qu’elle suscite quant à sa capacité à jouer à nouveau les premiers rôles, font souffler un vent de fraicheur excellent pour le tennis. Je suis fan.
Le métier de coach est visiblement très difficile mentalement comme nous l’a expliqué Luca Appino, quelle est ta « tactique » pour parvenir à rester toujours dedans ? Y‑a‐t‐il une recette ? Récemment tu nous avais parlé d’hygiène de vie ?
Le métier de coach est difficile, certes, mais c’est ce qui le rend passionnant. De l’extérieur, les choses semblent faciles, mais un joueur est une mécanique tellement complexe, que chaque décision est lourde de conséquences. Tout est intégré et mélangé : la technique, l’émotion, le physique, la tactique. Un changement mineur dans un domaine affecte l’ensemble de la mécanique, en bien ou en mal. Ajoutez à cela le quotidien, la pression des matchs, et la nécessité de gagner avec le stress que cela occasionne, et vous comprendrez que c’est un métier difficile. Mais c’est également extraordinairement excitant de développer un joueur, de le rendre performant, de le voir grandir. Comprendre et sentir comment amener chaque joueur sur le chemin de la réussite est un défi différent chaque fois, qui réclame de l’observation, de l’analyse, de l’action et une remise en question quotidienne. C’est un métier fabuleux. Pour tenir le choc et rester performant, il faut, à mon sens, rester en forme, s’entretenir, et parvenir à se vider l’esprit de tout préjugé.
Ton académie n’a pas chomé depuis quelques mois avec McNamara, Roche, et maintenant la joueuse portugaise Larcher de Brito, est‐ce que tu as encore d’autres surprises sous le coude avant la fin de la saison !
Je construis une équipe. Cela fait quinze ans que je construis quelque chose avec passion et enthousiasme, et je sais qu’il n’y a que dans la durée que l’on peut faire des choses solides. Je suis patient. Je pense que ce que nous avons réalisé jusque là a été positif, le chemin parcouru est déjà intéressant mais mon objectif final est d’aller beaucoup plus haut. Cela prendra donc du temps. Pour y parvenir, j’ai besoin de qualité et de compétence autour de moi. J’ai un staff de direction de haut niveau, des coaches avec beaucoup d’expérience qui permettent aux entraîneurs plus jeunes en les cotoyant de grandir, et des joueurs à fort potentiel. Développer ces joueurs prendra du temps mais nous sommes armés pour construire quelque chose de vraiment ambitieux dans la durée. Pour ce qui concerne les arrivées, il est fort possible qu’un ou deux joueurs supplémentaires soient ajoutés d’ici la fin de l’année 2009.
Entre un bon parcours de Brito ou d’Anastasia, tu choisis quoi ? Tu as le droit de me dire que c’est une question con (rires)
C’est une très bonne question car elle met en lumière mes deux activités : l’une qui consiste à diriger l’Academy, l’autre à coacher directement une joueuse (Anastasia). Les deux sont passionnants, et je serai très content si Larcher de Brito va très loin, et cela fait également partie de mes objectifs. Il y a de la place pour tout le monde aujourd’hui, et je ne cesse de dire qu’on ne devient pas très fort parce que les autres sont faibles mais parce qu’on se développe et qu’on construit une joueuse performante. Si j’ai pris à l’Academy des joueurs c’est évidemment pour qu’ils deviennent le plus fort possible
Publié le jeudi 27 août 2009 à 15:51