Si le circuit principal truste, en fin de saison, tous les honneurs et toutes les attentions, le circuit secondaire constitue lui aussi un vivier de coups de cœur. Pour 2013, la Rédaction a décidé de s’attacher à deux profils atypiques. Tous deux ont atteint l’âge de la maturité, celui de la sérénité, du calme et du recul, celui du plaisir sans calcul, tout près de la retraite et d’une nouvelle vie. Mais chacun a choisi une façon différente d’en profiter… Marc Gicquel, 36 ans, 119ème mondial, fait le choix de rester chez lui, au pays de la baguette et du fromage. Son tour de France le rapproche du tour d’honneur, avec, toujours, de très bons résultats. Stéphane Robert, 33 ans, 116ème mondial, préfère, lui, s’offrir un véritable tour du monde, mêlant tennis, tourisme et découverte. Steph’ ne peut se contenter de son pâté de maison – alors il part. GrandChelem/Welovetennis a rencontré ces deux caractères. L’un casanier, l’autre baroudeur. Les deux formidables !
L’interview de Marc Gicquel, « Carnets de Bretagne », ici.
Des entretiens à retrouver en entier dans le numéro 37 du magazine GrandChelem. Disponible sur www.grandchelem.fr.
Stéphane, à 33 ans, comment tu te sens physiquement ?
Je suis en délicatesse avec mon dos depuis un mois. Cela a un peu précipité la fin de ma saison. Mais, nous, les joueurs de tennis, on sait que l’on est plus sujet à ces problèmes‐là. On s’y prépare avec l’âge et on en rigole entre nous. D’ailleurs, avec Marc (Gicquel), on s’est récemment retrouvé sur un tournoi et on s’est rendu compte qu’on ne faisait plus qu’un seul entraînement par jour. Quand on sait que les joueurs plus jeunes s’entraînent le double de nous, cela nous fait marrer (rires) ! Mais on est obligé de s’adapter et de bien penser la préparation physique. En vieillissant, on n’a qu’une hantise : se blesser et devoir arrêter sa carrière sans prendre de réelle décision.
Avant cette blessure, tu avais réalisé une belle année…
C’est vrai. A mon sens, c’est la deuxième meilleure saison de ma carrière. J’ai été régulier dans mes résultats, ce qui est très satisfaisant. Le gros plus, ce sont mes performances en Grand Chelem, avec mes deuxièmes tours à Wimbledon et à l’US Open. Cela me fait penser à ma saison 2009, où j’avais également su être constant.
Tu te fixes quels objectifs pour 2014 ? Rester sur le circuit Challenger ou évoluer à un niveau plus élevé ?
Je pense changer d’optique. Je veux jouer de gros tournois pendant la première partie de la saison, passer par les qualifications à Indian Wells, par exemple, où je n’ai jamais joué. Evoluer quatre à cinq mois sur le grand circuit et prendre une décision après Roland Garros. Soit je continuerai dans cette voie, soit j’arrêterai ce type de tournois pour me réorienter vers les Challengers. Il faut rester prudent : si les résultats ne suivent pas, on peut vite perdre pied et c’est plus difficile de rebondir.
A 33 ans, la notion de plaisir prend le pas sur celle de performance ?
C’est clair, je n’accepte pas de jouer au tennis pour m’emmerder (rires). Je ne veux pas me sentir crispé, je veux lâcher mes coups. Même si j’ai perdu d’entrée au Challenger de Melbourne, j’ai pris du plaisir. A mon âge, c’est plus facile de se libérer, car l’obligation de résultat est moins omniprésente qu’en début de carrière. Mais elle n’est pas absente pour autant ! Il faut toujours en vouloir plus. C’est bien pour cela que mes performances en Grand Chelem me motivent et me donnent envie de me tester sur le grand circuit. Après, le plus important, c’est d’être en paix avec moi‐même et de décider du tennis que j’ai envie de produire.
Le plaisir, c’est aussi voyager ? Ta saison 2013 ressemble à un vrai tour du monde…
C’est vrai (rires). Mais, tu sais, c’est aussi stratégique. A l’étranger, il y a moins de pression et moins d’exposition. On est plus tranquilles et protégés. J’ai passé très peu de temps en France, cette année. Je n’ai joué qu’à Saint‐Brieuc et à Blois, dans mon club. Dans l’ensemble, c’est aussi plus facile d’être tête de série dans d’autres coins du monde. Un petit Challenger en Asie centrale peut vous rapporter gros (sourire) !
« Je n’accepte pas de jouer au tennis pour m’emmerder »
Tu es resté longtemps en Australie, cette année. Tu es fan de kangourous ou des aborigènes ?
(Rires) Non. En fait, il y a beaucoup d’épreuves nouvelles là‐bas, ce qui fait que la concurrence est moins forte. Mon objectif, à ce moment‐là, c’était de remonter au classement parce que j’étais vraiment loin, vers la 300ème place. Au final, cela a été une belle opération, j’ai réussi mon coup.
Avoue, tu en as quand même profité pour visiter un peu (sourire)…
Forcément, oui ! Je suis quelqu’un qui aime s’aventurer et voyager, découvrir de nouvelles cultures, de nouveaux paysages. L’Australie, c’est un pays qui fait rêver, il y a beaucoup d’espace… J’ai joint l’utile à l’agréable en faisant du tourisme. Je suis notamment allé en Tasmanie, je ne connaissais pas. C’est marrant de voir que ce pays a été le point de départ de ma saison… et son point d’arrivée (NDLR : au Challenger de Melbourne, en octobre).
Toi, le baroudeur, tu dois avoir quantité d’anecdotes à raconter…
Oh que oui (rires) ! Prenons l’Ouzbékistan. C’est un des pays les plus pauvres que j’ai visité, avec certains états d’Amérique du Sud. Ce qui est étonnant, c’est que ce pays n’est pas du tout comparable à son voisin kazakh. Quant on débarque à Astana (NDLR : la capitale du Kazakhstan), on se croirait à Las Vegas. Mais l’Ouzbékistan… C’est un coin où l’armée est omniprésente. Les soldats se servent dans les caisses des hôtels où vous logez. Il y a 10 ans, j’avais joué un Future, là‐bas. Tout au long de la semaine, les tribunes avaient été totalement vides. Mais, le jour de la finale, le stade était plein à craquer. Tu sais pourquoi ? Parce que l’armée obligeait les gens à assister au match. Ils ne connaissaient rien au tennis et parlaient durant les points…
Ton côté aventurier s’exprime un peu dans ton jeu, non ? Un jour, tu as parlé de « tennis casino » pour le décrire…
Oui, « tennis casino », le but étant de surprendre son adversaire. Tenter une amortie sur un retour de deuxième balle, une amortie rétro… Mais j’essaie de m’en détacher. Le danger, avec ce jeu, c’est de décrocher mentalement et de sortir de son match. Mon ancien entraîneur, Ronan (Lafaix), était adepte d’un tennis plus sécurisé. Même si j’ai besoin de tenter des choses, j’essaie de respecter ma ligne.
« Les idéaux se succèdent, on les dépasse, ils tombent en ruines, et puisqu’il n’y a pas d’autre vie, c’est sur ces ruines encore qu’il faut fonder un idéal dernier. » Tu reconnais cette citation ?
(Rires) Dostoïevski !
C’est l’un de tes auteurs préférés, non ? Cela semble évoquer un peu la vie de joueur de tennis…
Oui, j’ai lu beaucoup de littérature russe. C’est vrai, cette citation évoque tant le tennis, que la vie en général. Il faut accepter sa condition, sans entrer dans la fatalité. Lorsqu’on touche ses limites, on se pose la question : faut‐il tourner la page ou continuer au même niveau ? Pour moi, quoi qu’il arrive, il faut supporter quelques déconvenues. Et toujours continuer à se bagarrer.
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Publié le mercredi 20 novembre 2013 à 13:45