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Tauziat : « Dans la tête des gens, le slice constitue la défense »

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Finaliste à Wimbledon en 1998, troi­sième mondiale, Nathalie Tauziat était la reine de la fameuse montée en slice. Aujourd’hui ensei­gnante et forma­trice, elle est la spécia­liste pour revenir sur ce coup trop souvent consi­déré d’un autre temps.

Pourquoi avez‐vous joué avec le slice ?

« Le premier revers que j’ai fait était un slice (rires) avant même de faire un revers recou­vert. C’est venu natu­rel­le­ment. J’avais un revers moitié à plat moitié slicé. Quand j’ai commencé je jouais avec une prise marteau. Pour faire un slice, c’était donc plus facile. »

Le slice, un coup révolu ?

« Chez les filles, comme elles jouent presque toutes à deux mains, on ne voit plus de slice. Chez les garçons, on en voit un peu plus. »

En connaissez‐vous la raison ?

« Les profes­seurs ne savent pas ensei­gner le slice. Beaucoup d’en­sei­gnants jouent à deux mains et ne connaissent pas le revers à une main. C’est un peu la solu­tion de faci­lité de jouer à deux mains. Pour ma part, je suis parti­sane pour apprendre tous les coups du tennis. Le slice en fait donc partie. »

Il est clair que vous prenez donc du plaisir à l’enseigner…

« Le slice peut être un coup d’attaque comme un coup de défense. Chez les filles, si on parvient à bien le faire, il peut faire mal car peu de joueuses savent le jouer ensuite. Par exemple, j’ai une joueuse qui va avoir 15 ans que j’entraîne chez les juniors (50e mondiale dans sa caté­gorie). Elle fait du slice car je l’entraîne sur ce coup. En match, elle n’en fait pas encore assez à mon goût (rires) car elle pour­rait en faire plus puisqu’elle le réalise bien. Ce n’est pas dans les mœurs. Aujourd’hui on doit taper dans la balle. On pense qu’un slice est un coup de défense, or ce n’est pas le cas. »

Faudrait‐il changer les mentalités ?

« Un petit peu effec­ti­ve­ment. Il faudrait leur faire comprendre à quoi sert un slice. Aujourd’hui, on va plus faire « taper la balle fort » à deux mains ou une main. On est dans cette mode là, c’est évident. »

Est‐ce un aspect plus visible chez les filles ?

« Les filles font très peu de slice. Si vous faites un slice sur une fille et que vous lui demandez d’en faire un autre, elle en est inca­pable. Quand j’ai entraîné Eugenie Bouchard, je lui ai fait travailler le slice. Je ne sais pas si j’étais la première à le faire, mais elle ne savait pas réaliser un slice ! »

Quelle est la place réservée à l’apprentissage du slice pour un joueur de haut niveau ?

« Sur le joueur de haut niveau, il y en a un peu plus mais sur l’enfant à l’école de tennis, il n’y en a pas du tout. Quand vous avez des jeunes qui viennent une à deux heures par semaine, vous n’avez pas le temps de travailler le slice. On parle plus de la balle, de son revers à une ou deux mains. Le slice vient plus tard, car pour un enfant de 89 ans c’est compliqué. Mais pour moi c’est un coup impor­tant. Si vous voulez jouer sur toutes les surfaces, vous devez avoir tous les coups du tennis. Quand vous jouez sur gazon, le slice est un coup impor­tant. Peut‐être moins main­te­nant car la balle rebondit un peu plus haut, mais un bon slice décroisé qui rebondit bien bas, peut faire la différence. »

Comme vous le dites, la balle rebondit un peu plus sur gazon. Est‐ce que l’uniformisation des surfaces a contribué à ce manque de slice ?

« Peut‐être. Mais le slice a d’abord disparu parce qu’on ne l’apprend plus ou moins. Je me rappelle à une époque où Mats Wilander ne faisait pas de slice. Il a fini sa carrière en jouant plus de revers slicé ! Il avait ce coup en plus dans la raquette qui lui a permis d’être encore meilleur. »

Le fait de voir de moins en moins de revers à une main est‐il inquiétant ?

« Oui car le revers à une main est d’abord beau à voir. Il permet aussi de faire plus de choses. De fait, sans slice, le tennis devient plus mono­tone. Le slice de Federer est une merveille, il n’y a pas plus beau à regarder que le revers de Stan Wawrinka. Quand j’en­seigne j’ai logi­que­ment plus de faci­lité à apprendre le revers à une main car c’est un de mes coups donc, je le sens bien, c’est naturel. Le revers à deux mains, j’ai plus de mal, je l’apprends méca­ni­que­ment. Mais atten­tion, ce n’est pas parce que je fais du revers à une main que je vais l’apprendre à ma joueuse. Je vais essayer de lui permettre de faire plus de choses dans son revers à deux mains. Je vais aussi lui apprendre le slice pour qu’elle puisse s’en servir quand elle est en diffi­culté et changer la hauteur de balle. J’essaie de lui donner confiance dans ce coup pour qu’elle l’utilise de plus en plus. »

Le slice ne revient‐il pas sur le devant de la scène à l’approche du gazon chaque année ?

« Peut‐être car tout le monde se dit que sur gazon une balle basse est un atout. Psychologiquement tout le monde doit sans doute y penser. Sur terre battue, on en voit aussi mais ce sont plus des amorties. »

Quelles sont les qualités tech­niques pour réaliser un bon slice ?

« Pour faire un slice aujourd’hui, ça demande d’être assez indé­pen­dant avec son bras libre. Tout le monde a des prises un peu plus fermées en revers, et il faut avoir une prise un peu plus marquée pour faire un slice, donc un chan­ge­ment de prise. »

Aujourd’hui les gamins viennent une à deux heures par semaine, quand est‐ce que vous allez leur apprendre le slice ?

« On leur enseigne d’abord à faire un coup droit, un revers, un service. On n’a pas le temps de faire plus. Les plus perfor­mants apprennent ce coup car ils ont 4h par semaine. Et si un gamin n’est pas dans la réus­site tout de suite, il va se demander : « C’est quoi ce coup ? Je n’ai pas besoin de ça ». Il faut quelqu’un derrière en perma­nence pour lui expli­quer à quoi sert le slice, qu’il peut faire telle ou telle chose. Les jeunes sont de plus en plus deman­deurs d’explications. »

Le slice pourrait‐il aussi redonner un élan au tennis offensif car c’est un coup d’attaque également…

« Il y a deux slices diffé­rents. Dans la tête des gens, le slice constitue la défense. On s’en sert car on est débordé et on enlève une main. Or, on peut s’en servir pour monter au filet et changer de rythme. Federer ne le fait pas que pour monter au filet. Il l’utilise aussi pour changer de rythme quand la balle arrive vite. Le gars en face se retrouve avec une balle qui ne rebondit pas, donc il doit se débrouiller avec. »

Les autres inter­views du dossier « Chip & charge, le zeste tech­nique » de notre maga­zine GrandChelem 47 :

Wilander : « Le slice est une ques­tion, une problé­ma­tique que vous posez à votre adversaire »

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Retrouvez gratui­te­ment et en inté­gra­lité le numéro 47 « Chip & charge, le zeste tech­nique » de notre maga­zine GrandChelem.. Bonne lecture !

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