Dans le cadre du numéro 46 de notre magazine GrandChelem, nous avons choisi de nous intéresser de plus près à la notion d’ « influence » et tout ce gravite autour. Des médias aux lobbyistes, en passant pas les agents, équipementiers ou encore sponsors, nous avons fait le tour de la question grace à plusieurs experts de la question. Premier à prendre la parole en ce mardi, Frédéric Viard, journaliste chez BeIn Sports.
Pensez‐vous avoir du pouvoir dans le tennis ?
« Non, je n’ai pas de pouvoir, je n’ai pas à prendre de décisions qui influent, moi, en tant que journaliste. Si je dis que tel joueur est un chouette type, que ce tournoi est mal organisé, que l’attitude de tel ou tel joueur n’est pas sportive, les gens vont seulement m’écouter. Là est mon seul pouvoir (rires) : donner un avis pas forcément plus juste, mais plus écouté. »
Mais les médias ont quand même un pouvoir d’influence…
« On a notre mot à dire sur le choix des matchs à nos heures de diffusion, parce que l’on préfère avoir un Français ou un « top player » plutôt qu’un inconnu, notre objectif étant aussi de faire de l’audience. On a notre mot à dire, voilà. Ce qui est normal, d’une certaine façon, puisque nous donnons de l’argent pour diffuser. Il faut trouver un terrain convenant à toutes les parties, sachant que l’ATP aura toujours le dernier mot. Mais ça se passe bien. »
Ce n’est pas comme aux Etats‐Unis, où la télé américaine a carrément décalé la finale de l’US Open au lundi ?
« France TV a peut‐être ce pouvoir‐là avec la Fédération Française de Tennis pour Roland Garros. Lors de mon passage sur une autre chaîne diffusant des tournois français, je me rappelle que l’horaire de la finale se discutait très longtemps en amont pour qu’il concorde avec les grilles de diffusion. »
Viard : « Trouver un terrain convenant à toutes les parties »
Quelles sont les personnalités les plus influentes dans le tennis, ces 50 dernières années ?
« Je pense que les présidents de la Fédération Internationale de Tennis ont été essentiels pour maintenir l’influence des Grands Chelems. Mark Miles (ancien président de l’ATP) également, au moment où l’ATP s’est développé, devenant quelque chose de gigantesque. Je mentionnerais aussi Federer et Nadal. Depuis dix ans, c’est eux qui décident. S’ils ne vont pas sur un tournoi, celui‐ci ne vit pas. Si Monte‐Carlo a conservé son statut, c’est aussi parce que Federer et Nadal l’ont défendu. Ils récupèrent 30% des gains sur le circuit. Si Nike arrête de sponsoriser d’autres joueurs, c’est parce que la marque sait qu’elle va vendre uniquement les tenues de Federer et Nadal. Mais on peut penser également à Rod Laver, pour son Grand Chelem en 1969, le seul et unique de l’ère Open. Quelle influence cela a eu par la suite ? Je ne sais pas. Le fait que le tennis passe à l’ère Open, ça, c’est quelque chose de révolutionnaire. C’est un événement majeur dans l’histoire du tennis. Enfin, il y a Arthur Ashe, que je n’ai pas connu, mais dont on se rappelle comme étant le premier joueur noir à gagner un Grand Chelem. Il a ensuite défendu de nombreuses causes et est allé promouvoir le tennis dans des zones pauvres à New‐York et ailleurs… Et, du coup, Yannick Noah, en France. Moi, je suis comme un gamin devant lui (rires) ! »
Aujourd’hui, peut‐on dire de manière catégorique que la personne la plus influente demeure Roger Federer ?
« Je pense plus qu’il s’agit de Novak Djokovic. Roger Federer va avoir 34 ans au mois d’août, il ne lui reste pas dix ans à jouer. Pour un directeur de tournoi, c’est pareil d’avoir Nadal, Federer ou Djokovic. Quitte à plus miser sur Djoko, même. Le mec qui est en train de dire qu’il faut changer le format de la Coupe Davis, c’est Djokovic. Si demain, il tape du poing sur la table pour dire qu’il n’y a pas assez d’argent pour les mecs classés de la 100ème à la 200ème place et qu’il est nécessaire d’avoir une meilleure redistribution, il aura de l’impact. Le vrai patron du tennis mondial, à l’heure actuelle, c’est Novak Djokovic. »
On est d’accord pour dire que ce sont à ces joueurs de prendre la parole pour avoir une meilleure répartition des gains…
« C’est leur job. C’est un sport individuel où tu as besoin d’être égoïste pour devenir un champion. Le joueur qui va se lancer dans des combats, ça va lui prendre du temps et de l’énergie, donc il va moins bien jouer. Mais, si Djoko ou Federer décident qu’ils doivent toucher 800 000 dollars plutôt qu’un million en cas de victoire, afin d’en redistribuer 200 000 aux perdants en qualifications et aux premiers tours, ils seront écoutés. Et cela ne changera rien à leur fortune personnelle. Le geste le plus fort, demain, serait que ces joueurs disent : « On va donner 10% de nos gains. » »
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Publié le mardi 19 mai 2015 à 17:10