GrandChelem 26 : dossier spécial raquette.
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Nathalie Tauziat fait partie du cercle très fermé des Français finalistes en Grand Chelem. Ex‐numéro trois mondiale en 2000, elle a atteint la dernière marche du tournoi de Wimbledon en 1998 avec sa Pro Kennex. Aujourd’hui missionnée par Tennis Canada pour entraîner Eugénie Bouchard, grande espoir nationale, elle porte un regard expert et complet sur la raquette en tant qu’objet – le sujet de notre dossier pour GrandChelem 26 -, forte de ses expériences passées et actuelles. Entretien.
Tu es une fétichiste de la raquette ?
J’ai toujours été très fidèle à ma marque (NDLR : Pro Kennex). Et je pense aussi que, lorsqu’on se sent bien avec un modèle, il faut privilégier cette piste, plutôt que signer un gros contrat et perdre des sensations. A la fin de ma carrière, on peut même dire que je jouais gratuitement et ça ne me dérangeait pas.
Tu as gardé un modèle avec lequel tu as réalisé un exploit ?
En fait, j’ai gardé trois modèles de la Kennex Kinetic XL. Mais je dois avouer que je ne sais même pas si, parmi les trois, il y en a un qui a été en finale de Wimbledon. Depuis, on a déjà essayé de me les acheter, mais j’ai refusé. Ce n’est pas tant que c’est symbolique, mais c’est aussi la raquette avec laquelle je m’exprime le mieux. Or, comme je joue encore un peu, ce n’est pas négligeable !
Ah oui ? Tu joues encore ?
Oui, et uniquement pour le plaisir, mais avec ma vie de famille, ce n’est pas évident à gérer. Jouer à 17h30 le soir et le lendemain à 9h00, ce n’est pas toujours possible. On constate une baisse de la pratique du tennis, notamment au niveau des femmes ; je pense que revoir le format des tournois et des compétitions serait un bon axe de réflexion. Il n’y a pas de solution magique, mais c’est une piste à explorer.
Revenons à la raquette : la génération que tu entraînes, elle est plus axée sur le matériel que la tienne ?
Non, au contraire. Mais, là encore, il s’agit de mon expérience du terrain, donc il ne faut pas en tirer une généralité. Je dirais que cette génération présente un manque de connaissance sur certains aspects essentiels, comme l’équilibre d’un cadre, ou le fait que chaque raquette doit être identique. C’est là dessus que j’insiste. Que dans leur thermobag, les cadres soient les mêmes, à quelques grammes près. Même si on sait tous que ce n’est pas la raquette qui fait le champion.
On te sent très affutée sur la question…
Je n’avais pas un physique d’Enfer (rires) et, avec mon entraîneur, on a cherché à maximiser notre approche. Et la raquette faisait partie de cette démarche. Je voulais jouer vers l’avant, faire avancer la balle ; on a essayé des choses, comme rajouter du poids en tête, avec une raquette plutôt légère. Ca m’a permis de pratiquer le jeu que j’ai produit toute ma carrière, sans m’appuyer sur un physique de folie, tout en rythme, plutôt qu’en puissance ! (Rires)
Marion (Bartoli), elle a un peu cette attitude également, puisqu’elle joue avec une raquette allongée…
Oui, c’est un peu la même démarche. En gros, c’est compenser un manque physique et maximiser le potentiel de son cadre. Il s’agit juste de le vouloir, d’y croire, de faire des tests… Ne pas simplement penser qu’avec n’importe quelle raquette, on peut mettre en place n’importe quelle stratégie, n’importe quel type de jeu. C’est assez essentiel dans le tennis moderne.
« On a essayé des choses, comme rajouter du poids en tête, avec une raquette plutôt légère »
Est‐ce que l’avenir passe par une raquette bourrée de puces ? Elle te donnerait des informations précises sur le nombre de frappes, etc.
Je ne sais pas, je ne me suis pas posée la question. Mais ce serait le même débat qu’avec la vidéo. En fait, le joueur a tendance à ne pas croire son coach, il faut constamment lui prouver les choses. La vidéo sert à ça. Dans le cas d’une raquette bionique (rires), ce serait le même principe. Si j’observe que mon athlète décentre souvent ou que son plan de frappe n’est pas le bon, je pourrais, sur écran, confirmer mon analyse. Je gagnerai un peu de temps à le convaincre !
Tu as un peu disparu de la circulation ; que fais‐tu en ce moment ?
J’ai passé tous mes diplômes – et, notamment, ceux d’entraîneur de haut niveau – et j’ai eu la chance d’être missionnée par la Fédération Canadienne depuis août. Je cherchais un compromis entre ma vie de famille et mon envie de coacher, de transmettre mon savoir. Là, j’ai trouvé un véritable équilibre. Je m’occupe d’Eugénie Bouchard, qui va faire sa dernière année chez les Juniors en 2012. Notre objectif, c’est de tenter d’accrocher un titre du Grand Chelem à son palmarès et, surtout, de la préparer au haut niveau, parce que ça va venir très vite.
Quand on s’appelle Nathalie Tauziat, on peut entraîner une fille qui joue en fond de court ?
Oui et heureusement ! J’ai toujours voulu faire ça ; je ne suis pas coach par obligation, j’aime ça. Après, même s’il n’y a pas beaucoup de joueuses qui montent au filet, le tennis féminin reste un tennis d’attaque où il faut frapper tôt, ne pas attendre la faute de l’adversaire. Tout ça, ça ressemble beaucoup à mon approche et à ma philosophie de jeu.
Tu as un vrai regret dans ta carrière ?
Evidemment, oui… J’ai déconné lors de la finale de Wimbledon. Jamais je ne m’étais préparée à ça. Personne, dans mon entourage, ne pensait que j’allais disputer, un jour, ce genre de match. Du coup, quand c’est arrivé, je n’étais pas en mesure de donner le meilleur de moi‐même. Avec le recul, c’est un vrai regret. D’ailleurs, je décris assez bien cette situation et cet enchainement des événements dans mon livre…
Ah oui ! Ce fameux livre, qui avait fait grand bruit…*
Du bruit, c’est certain, mais pas pour les bonnes raisons. Mon intention, c’était de parler de ma vie sur le circuit. Mais quelques passages ont été mis en avant pour créer des polémiques. Je le regrette, car mon message était plutôt essentiel. Mon idée, c’était d’expliquer qu’on peut arriver à se hisser tout en haut de la hiérarchie du tennis, même sans avoir un physique de folie ou toutes les armes apparentes.
Si c’était à refaire…
Je pense que je ne le referais peut‐être… pas ! (Rires)
*Les Dessous du tennis féminin, Nathalie Tauziat
La raquette de Roger Federer, ici !
Publié le mardi 21 février 2012 à 17:23