Depuis 6 mois, le mot se passe, discrètement, entre observateurs attentifs : « Tu vas voir, Alizé Cornet, tu vas voir, la prochaine c’est elle. En plus la fille est intelligente, elle sait où elle va. Tu vas voir ». Cette prophétie n’attendait que des résultats un peu plus explicites. Ils arrivent et voilà donc la Une de l’Equipe Magazine spécial Roland Garros pour une joueuse qui n’a pourtant pas dépassé une seule fois le 3ème tour en Grand Chelem.
Ce samedi ou ce dimanche, Welovetennis a rendez‐vous avec la mère du tennis français pour une grande interview que nous préparons depuis maintenant deux mois. Vous devez la connaître. Elle a remporté deux Grands Chelems, joué cinq finales, glané 18 titres. Bah non c’est pas Amélie Mauresmo. La mère du tennis français, c’est Mary Pierce, tout le monde sait ça. C’est celle qui a tout déclenché, y compris l’accession d’Amélie Mauresmo à la place de numéro 1 mondiale. Souvenez‐vous, ça s’est joué un week‐end de Fed Cup dans la maison du tennis français, à Roland Garros, contre la Russie de Dementieva. Mary Pierce avait tellement tenu le vaisseau France à elle seule que tout le monde était tombé sur le poil de sa collègue Amélie ce qui avait dû passablement énervé cette dernière au point qu’elle avait juré qu’elle ne lirait plus les médias français, à savoir une économie de 85 centimes d’euros. Quelques temps plus tard, elle venait battre Pierce pour décrocher son premier titre important : les Masters. C’était le déclic et on connait la suite.
La première fois qu’on a vu Mary Pierce arriver sur un des courts annexes de Roland, avec ses grosses lunettes et sa queue de cheval, on a eu une sensation très claire au regard de son tennis : non seulement cette fille donnait l’impression qu’elle pouvait battre n’importe quelle joueuse, mais qu’elle pouvait le faire en la pulvérisant. Cette sensation et jusqu’à ce jour, elle ne nous a jamais plus quittée. Dans quelques mois, Mary Pierce va revenir pour son dernier come‐back et on ne prend aucun risque à dire que tel des joueuses comme Davenport ou les soeurs Williams, Pierce peut encore exploser Ivanovic en deux sets secs. Sur le principe en tout cas. Et le principe c’est déjà beaucoup quand une moitié de soi vient du Nouveau Monde : celui de ces Amériques où il suffit de penser que tout est possible pour le faire.
Toutes les joueuses françaises sont les enfants de Mary Pierce. Dans tous les résultats de Mauresmo, de Golovin, de Bartoli, il y a du Pierce, et dans le simple fait même d’avoir voulu faire mieux qu’elle. En cela Alizé Cornet est effectivement « la prochaine », celle qui va d’ailleurs avoir la chance de vivre les dernières heures d’éclat de sa glorieuse ainée pour voir de près ce que c’est que d’être Mary Pierce, voir ce que ça veut dire de faire encore peur à tout le monde.
Et elle fera bien de regarder dans les détails où ça se joue, car Apolline est encore une fois désolée de passer pour la rabat‐joie de service d’autant qu’Alizé Cornet a l’air effectivement d’avoir la tête bien posée sur les épaules – et Apo aime les joueuses, les spectatrices et les lectrices intelligentes – mais la vision de l’essentiel du match de la Niçoise contre Agniezska Radwanska doit tout de même soulever un certain nombre d’interrogations dans le camp français. Alizé Cornet et surtout tous les gens qui sont autour d’elles et qui sont les relais depuis 6 mois de son début d’éclosion sont‐ils conscients que cette jeune fille joue déjà à bloc et dans la limite de ses capacités techniques. Un service honorable pour sa taille, un coup droit bien enveloppé, un revers qui neutralise, mais à part ça les armes d’Alizé, c’est quoi ? Quand elle va jouer du top 10 pendant toute l’année, elle va faire les points avec quoi ? Son service ? Son coup droit ? Son intelligence ? Faut être un peu sérieux là. En face il y a du Sharapova, du Jankovic, du Ivanovic, des Williams quand elles s’intéressent au tennis. Il y a des filles qui servent le plomb, font les points avec le coup droit et qui peuvent vous balayer en deux revers. On peut les battre une fois en semaine à Rome, mais pas en week‐end de Grand Chelem. Rajoutons que si Cornet jouait son revers à une main et venait au filet, on envisagerait également une capacité de parades qui irait trouver son inspiration dans la variété technique de Justine Hénin ou d’Amélie Mauresmo, mais là aussi ça laisse sévèrement à désirer.
Tiens par exemple, personne ne note ça, mais il y a tout de même une hallucination dans le jeu d’Alizé : elle ne sait pas faire un revers chopé. Et non seulement elle ne le sait pas le faire, mais vue la technique qu’elle emploie – un lâcher total de la main gauche qui tombe ballante le long du corps nous ramenant à la vision dantesque du revers de Christophe Roger‐Vasselin – on se demande comment il est possible qu’un seul formateur technique français ait pu laisser passer ça depuis qu’elle a commencé le tennis. Et ça fait 14 ans quand même ! Quand on sait l’atout que constitue un bon revers chopé chez les filles, pour faire avancer l’adversaire dans le terrain (ce que toutes les filles détestent), la planter sur une amortie, ou encore pour la fixer au centre, cette lacune est une hérésie. Et on a vu d’autres trucs qui nous font juste conclure poliment que pour Alizé Cornet le plus gros du chantier démarre.
Mais comme elle ne veut pas faire des comparaisons à sens unique, Apolline sera magnanime. Ce week‐end elle rencontrera la mère du tennis français, une mère dont on ne peut pas dire non plus que le revers chopé ait déplacé des montagnes. Mais Mary Pierce n’en a jamais eu besoin tant elle peut faire mal à chaque frappe, se prémunir même d’avoir à jouer quelque revers chopé que ce soit vu le programme de lessivage qu’elle engage dès la première frappe.
Le Piercing a toujours fait mal, l’Alizé c’est un peu plus doux, non ?
Trop ?
Publié le samedi 31 mai 2008 à 10:26