Gros et grand match ce dimanche à Monte‐Carlo où Rafael Nadal s’est finalement imposé 7–5 7–5 face à Roger Federer après avoir été mené 4–0 dans le 2ème set. Mais cette nouvelle défaite du Suisse recèle plein de petits motifs d’espoir et une belle morale qui devrait libérer le numéro 1 mondial si dans un mois il retrouve l’Espagnol à Paris. Richard Evans nous le rappelait cette semaine : « Si Rafael Nadal n’était pas là, vous ne seriez pas là à me parler des problèmes de Federer sur terre battue. Le Suisse aurait déjà gagné Roland Garros trois fois et sa place dans l’histoire du jeu ne souffrirait aucune contestation ». Il avait raison notre Richard. Richard a d’ailleurs toujours raison. Mais voilà Rafael Nadal est bel et bien là. Ce dimanche à Monte‐Carlo, il a encore démontré que même quand Roger Federer commence à entrevoir quelques défauts dans la cuirasse, le gamin est encore capable de remettre un coup de booster pour emporter l’affaire.
Et pourtant les défauts sont apparus, évidents, comme une confirmation de ce que Tsonga avait déjà révélé à Melbourne : Nadal est vraiment très loin derrière sa ligne, Nadal n’aime pas rentrer dans le terrain sur son revers et surtout Nadal n’aime pas quand on joue les échanges en trois coups. Regardez le démarrer en retard sur toutes les attaques courtes croisées de Federer, sur ses petits chips long de ligne qui l’obligent à jouer son revers en toucher slicé, le Nadal il est très mal dans ces moments‐là. Federer vient finir au filet, le public est derrière pour célébrer le joli tour de con, et Nadal se frustre. C’est ça la formule idéale de Roland Garros, celle où tout le public parisien le tiendra à bout de bras pour mettre un souk sans nom dans la tête de l’Espagnol.
Alors pourquoi Federer n’arrive‐t‐il pas à le faire au‐delà de 7–5 4–0 (présentons même le score du jour comme si le Suisse avait gagné le premier set) ? C’est que pour jouer ces 16 jeux, le numéro 1 mondial lâche trop d’énergie, joue trop de revers au‐dessus de l’épaule, accepte trop d’échanges pour chaque point. On n’aurait pas le toupet de dire qu’à 4–0 on pouvait annoncer les 5 jeux de suite de Nadal, mais on pouvait juste être sûr que Nadal continuerait d’insister dans une stratégie de jeu dont il ne débande pas depuis 4 ans (revers, revers, revers, revers) en frappant juste encore plus fort avec encore plus de spin pour faire mal. Le calcul est simple et Nadal l’a intégré : même s’il perd le deuxième set 6–2, il vient encore d’obliger Federer à jouer 4 jeux de plus en tricotant à 2 mètres derrière la ligne de fond. Cela paiera. Cela paye toujours.
Voilà donc la grande morale du jour, celle qu’on avait déjà soulevé l’an dernier après la finale de Roland Garros et qui devrait finalement libérer le Suisse : Federer a les armes tactiques et techniques pour battre Nadal sur terre, mais il ne faut jamais au grand jamais qu’il accepte de jouer plus de 4 coups par échanges. Il finit aujourd’hui exsangue et ce n’est pas une question de manque de foncier au regard de sa mononucléose, c’est juste que tout le monde finirait sur les rotules au regard du programme d’essorage qu’a lancé Nadal au milieu du 2ème set. Et on a juste envie de demander à Federer d’imaginer dans quel état il finirait s’il avait encore à jouer un 3ème set derrière. Dernière trace à creuser : à deux exception près, Nadal n’a pas eu à jouer une volée de la journée. Quand Federer comprendra que son petit chip revers décroisé ou même un chip coup droit croisé obligerait Nadal à venir au filet et se présenter comme cible mouvante, le Suisse verrait que là aussi il y a tout un tas de séquences de jeu qui déstabilisent l’Espagnol car il n’a plus l’habitude de les jouer.
Mais parce qu’on ne veut pas faire que des cadeaux au Rodger et afin de ne pas décevoir les federistes de GrandChelem (qui n’en attendent pas moins d’Apolline), on a envie de lui dire que de son côté quand on a également passé autant d’années à vouloir devenir un joueur de fond de court pour pouvoir enquiller les titres sans avoir à monter au front, il y a un moment où la volée de coup droit on la joue tellement rarement dans la saison qu’elle est tout de suite un peu plus fragile aux moments‐clefs. Guy Forget nous avait signalé ce petit détail l’an dernier, il avait vu juste.
Bref si Federer veut gagner Roland, il va falloir qu’il prépare Wimbledon tout de suite.
Beau paradoxe, non ?
Publié le mercredi 21 mai 2008 à 16:05