Et se mettre au travail, s’appliquer à être un peu cohérent dans le feedback sur son travail au regard des innombrables chantiers à entreprendre, en un mot dire à ses joueuses et joueurs d’arrêter de donner l’impression qu’ils viennent de gagner Roland Garros quand ils ont battu un 80ème mondial au 3ème tour… si 3ème tour il y a.
Apolline ne donnera pas de noms parce que la liste serait trop longue, elle remplirait un article en 60 000 signes, mais depuis une semaine, elle s’assoit dans les différentes tribunes de presse et fosses de photographes, et elle entend des horreurs. Des horreurs sur tous les joueurs de tennis français en premier lieu mais des surtout des horreurs sur le tennis en général. Des horreurs parce que quel que soit le contenu entendu, les félicitations admiratives pour une victoire en trompe‐l’oeil ou les vannes assassines pour une défaite pleine d’enseignements, tout est marqué dans le ton de la plus abominable des vulgarités et de la plus incroyable méconnaissance sur ce qu’est le tennis. Et si Apolline ne donne pas de nom, elle peut tout de même vous dire que les gens dont elle parle ne sont pas des gamins. Ils officient à la télé, à la radio, dans les journaux populaires que vous regardez, écoutez et lisez (ou alors plus du tout). Et ils racontent tout simplement n’importe quoi. N’im‐por‐te‐quoi ! On pourrait les taxer d’être à la solde d’un enthousiasme commercial à entretenir pour faire croire en la chance du dernier français parce que ça fait vendre du papier, ça garde l’audience devant son poste, mais non ce n’est même pas ça : s’ils sont persuadés que Paul‐Henri Mathieu peut battre Novak Djokovic, « réaliser l’exploit » comme ils disent, c’est parce qu’il pense le plus sérieusement du monde qu’il a les armes pour le battre. Et d’ailleurs Mathieu « s’est libéré après avoir remonté 2 sets 0, puis avoir célébré sa victoire suivante en se couchant sur le sol ». Il y a eu le « déclic ». Ca, le déclic psychologique, c’est vraiment important. On va pouvoir s’y harnacher solidement pour faire son papier du jour.
Et puis il y a la réalité tennistique, simple et clair, celle que vous a déjà expliqué Apolline depuis 4 jours : Mathieu joue sans ses oreilles, il n’entend pas que le coup qu’il vient de délivrer vient de faire mal à son adversaire, il n’entend pas qu’il faut monter à contre‐temps et finir le point pendant que l’autre est en désorganisation, obligé de jouer une parade de bout de raquette, et comme il n’entend pas cela, Mathieu reste au fond un coup de plus. La balle de son adversaire revient molle et courte, et comme Mathieu se dit que là, avec ou sans ses oreilles, il faut qu’il monte parce que c’est pas Dieu possible de rester au fond, il attaque mais sans pouvoir s’appuyer sur la balle de son adversaire, et il se fait planter par le passing de Djokovic, avant ça celui de Schwank, avant ça celui de Hernandez. Hier cette séquence‐là est arrivée au même moment que dans tous les matchs de Paulo puisqu’elle déclenche le break du 1er set. Du 2ème. Du 3ème. Du 5ème. Du 7ème. Mathieu peut joueur 25 sets contre Djokovic, il prendra 6–4 à chaque fois parce qu’il monte au filet au mauvais moment, se fait planter, n’y monte plus et perd du fond. Pendant ce temps‐là, Djokovic fait tout ce que Mathieu devrait faire : jouer long, ne jamais reculer, prendre sa chance dès que l’occasion se présente. Hier Apolline montrait à un grand photographe français de passage en tribune où était la ligne de replacement de Djoko et celle de Paulo. Il y avait 50 centimètres de différence au bas mot. Ces 50 centimètres sont ce qui sépare un 12ème mondial d’un 2ème (la vraie place de Djokovic actuellement). Quand Mathieu aura compris ça, il sera 2ème mondial. Apolline le dit le plus sérieusement du monde. Mais pour ça, le chantier que doit entreprendre Wilander est colossal. Elle implique de la disponibilité, beaucoup de disponibilité, toujours de la disponibilité. Wilander en a‑t‐il ? Le veut‐il ? Pour bien le connaitre, on en doute. Trop libre pour ça. Trop Noahesque dans son besoin de faire les choses dans l’urgence.
On écoute alors ce que va raconter le dit Paulo en conférence de presse. On espère qu’il fera mieux que nos experts. Mais non, il fait encore pire ! Il parle du service de Djokovic ! Il parle de la qualité de son service et des aces servis sur les rares balles de break qu’il s’est procuré en 3 sets. Comme si c’était ça la clef du match. Il oublie qu’avant de prendre le service de l’autre, faudrait peut‐être donner l’impression qu’on peut prendre le sien sans jamais trembler. Or désolé mais dès le premier jeu, Djokovic a donné l’impression qu’il pouvait breaker 6 fois par set s’il le voulait. Dès lors est‐ce que Mathieu pense sérieusement que ça aurait posé un soucis à Djokovic de perdre une fois son service par set quand il sait qu’il peut débreaker dès les quatre point suivants ? Est‐ce qu’il pense que Djokovic sur terre battue et en 5 sets va se prendre la tête pour savoir s’il aura une chance de revenir s’il perd son service ? A qui Mathieu va‐t‐il faire croire ça ? Mais lisez aujourd’hui tout ce que la presse et la blogosphère a de grands spécialistes du jeu et vous ne lirez que ça. Comme vous lirez que Llodra avait mal à l’épaule, que Chardy n’a pas eu de chances, que Benneteau s’est bien battu et que Monfils doit encore nous révéler si Roland Garros est le seul tournoi qu’il coche dans son calendrier. Sans parler du bilan des filles.
Publié le lundi 2 juin 2008 à 09:10