Formidables demi‐finales hommes qui ont fini de montrer tout le bonheur du tennis quand il est joué sur terre : revers slicés, amortis rétros, coups droits croisés courts, volées plongeon, smashs de revers, et rebondissements à outrance même quand on a raté son premier ou ses deux premiers sets. Tout ça sous un vent à décorner des boeufs. Merci à Novak, Rafa, Roger et Gaël. Avec vous, on a envie d’éteindre la télé et d’aller jouer.
Sincèrement y a‑t‐il quelque chose à rajouter aux matches que nous avons vu aujourd’hui – et à la dernière chronique de l’imbuvable Apolline. A priori, rien. A l’oeil nu, il y avait tout dedans. S’il y a rajouter, c’est que malheureusement 99% des gens qui ont vu ce match et liront cette nouvelle chronique auront vu les rencontres à la télévision. C’est dommage parce qu’à la télévision, on ne voit pas grand chose. On ne voit pas comment bouge la 2ème balle de Rafael Nadal, on ne voit pas la hauteur de lift de Novak Djokovic, on évalue mal la lourdeur de la balle de Gaël Monfils et en conséquence on répète jusqu’à la bêtise que Roger Federer vient de faire un mauvais match ou qu’il est en train de décliner. A la télévision, on ne sent même pas le vent, le grand acteur du jour, celui qui a obligé nos quatre champions à devoir s’adapter en permanence et à révéler à leur façon des trésors de ressources et d’intelligence. Chapeau, messieurs.
Apolline n’en veut à personne de ne plus être capable de lire un match devant son poste, mais dans la mesure du possible, si vos économies et votre emploi du temps vous le permettent, n’hésitez jamais à retourner voir des matches dans les tournois environnants. Il y en a plein en France pendant toute l’année. Ca vous permettra de réimaginer la 3ème dimension qui manque à chaque fois que vous retournez devant l’écran.
Alors vous saisirez pourquoi on vient d’assister à une très grande journée de tennis à Roland Garros, la première pour ainsi dire. Cette journée, Soeur Apolline l’appelait de ses voeux depuis le début de la quinzaine et ne la voyait pas venir. Elle avait vu quelques bribes, quelques éclairs, quelques rayons de soleil (Chardy par ici, Llodra par là, un peu de Davydenko‐Ljubicic) mais pas ces sept sets où du premier point au dernier, tous les échanges sont joués comme une balle de match, à bloc.
Et c’est l’heure de comprendre tout ce qui sépare les protagonistes de cette journée de ceux qui se sont arrêtés bien avant : on était aujourd’hui en présence de joueurs qui ne se trompent pas, il n’y a pas de contre‐sens dans leur jeu et il n’y en a pas non plus tellement dans leur attitude. Ils sont là, ils jouent à être là et ils le font très bien, ils savent qu’il ne faut pas envoyer de signaux de faiblesse, ils savent qu’il faut donner l’impression que ça pourra toujours tourner en leur faveur. Ils jouent à faire numéro 1, numéro 2, numéro 3 et numéro 4 (futur s’il continue de s’en tenir à cette constance) mondial.
Qu’est‐ce qui fait penser à Apolline que Gulbis ne croit pas à ce jeu‐là, c’est qu’Apolline l’a déjà vu craquer plus d’une fois alors qu’on n’en était même pas encore à l’heure des vrais tests, à l’appel du loup, dans une impasse étriquée comme un coupe gorge. Gulbis est un formidable manieur de balle, mais en huitième de finale, dans un match qu’il a dominé de la tête et des épaules, il a encore réussi à balancer deux points de la plus abominable des façons quand Llodra eu le malheur de devenir menaçant en débreakant à la fin du 2ème set. Plus que les deux points, c’est la manière avec laquelle le Letton a fait ça qui l’a grillé tout de suite. Impossible de le prendre complètement au sérieux à la vue d’un tel comportement. Impossible de croire en lui quand on sait comment Niki Pilic l’a dégagé de son académie. Impossible de ne pas saisir ce que Djokovic sous‐entend quand il évoque les nocturnes inavouables passées avec le Ernests ou le fait qu’avec lui l’entrainement c’est pas le match. Et derrière, ce gamin en est encore à laisser entendre qu’il aime bien le tennis mais bon sans plus. Vérifiez le background parental et vous aurez une petite idée sur le pourquoi du comment. Alors Gulbis, oui très doué, oui super timing, mais non tant que le tennis c’est pas sa première vie, on n’y croira pas pour autre chose qu’un 5 sets épique en nocturne au 3ème tour de l’Us Open. Le stade d’après, c’est autre chose.
Mais puisqu’on y est désormais au stade d’après, vous attendez évidemment que votre tendre Apolline vous donne le fond de sa pensée sur la nouvelle finale Nadal‐Federer.
Publié le vendredi 6 juin 2008 à 22:34