En cette fin d’année, la traditionnelle saga des coups de coeur et coups de blues des membres de la rédaction va rythmer votre quotidien sur WLT. Aujourd’hui, place à un coup de blues partagé par beaucoup de fans tricolores : la retraite de Marion Bartoli.
Dans une carrière de journaliste il y a souvent de l’attente, de l’attente, de l’attente, et une certaine frustration. Car le journaliste n’est que l’intermédiaire, et ce rôle, bien que plaisant se paye souvent au prix fort. Le prix fort, ce sont les week‐ends sans week‐ends, les bouclages sans horaires, et les lapins sans oreilles. Oui, les lapins, ces rendez‐vous téléphoniques qui se terminent en messagerie, ces entretiens de cinq minutes à la va‐vite, ces bousculades idiotes pour récolter les mots d’un champion. Ces stars qui n’en sont pas, et ces starlettes qui en font trop.
Bref, le grand circus du tour, le tennis et sa cohorte d’agents en tout genre, ces paillettes, ces cocktails, et ces conférences de presse téléguidées et trop souvent monopolisées par les serviteurs d’un quotidien se croyant tout permis. Tout permis, c’est‐à‐dire de ne plus évoquer ses sources sur une information soit‐disant exclusive par exemple. Mais je ne suis pas là pour tirer sur ce monument en péril, je me dois de rester concentré.
Parce que mon coup de cœur, c’est une sensation, un moment, une rencontre, une atmosphère.
On est un samedi de juillet, il fait très, très chaud. Je suis parti avec ma douce comme photographe et Pauline, ma collègue, pour découvrir pendant trois jours, sous escorte amicale, le tennis en Bulgarie.
Après la visite de la fédération le vendredi, son siège social, ses entraîneurs, on nous a promis une surprise pour le lendemain. Nous voilà donc embarqués dans les Mazda rouge de la FBT, direction le Novotel de Plovdiv, la ville natale de Tsvetana Pironkova.
Selon nos accompagnateurs nous avons de forte chance de la rencontrer sur un des deux courts de l’hôtel, devenu son QG d’entraînement. Sceptiques, nous traversons le lobby fortement climatisé puis arrivons sur le trottoir au bord des terrains jouxtant le bâtiment signé par le groupe Accor avec le talent architectural d’un site construit début des années 80. Au loin, l’on aperçoit bien une grande silhouette brune, un thermobag sur le dos. Notre troupe s’empresse donc de courir et d’héler la championne qui était prête à s’engouffrer dans sa voiture. Nos cris la surprennent puisqu’elle reste sur place comme si finalement elle avait reconnu une voix, certainement celle d’un des officiels faisant partie de notre troupe.
Arrivés à sa hauteur, nous comprenons que c’est le cas. Rapidement présentés, nous enchaînons aussitôt sans filet une interview trottoir à la bonne franquette parlant de tout et de rien, de la victoire de Marion Bartoli, du tennis, de son aura, et de son programme à venir.
Pironkova répond avec courtoisie, presque amusement, elle se laisse même photographier sans faire la grimace, visiblement surprise de croiser à Plovdiv deux journalistes tricolores aussi enthousiastes.
Et, même si elle est serviable, on sait que l’on ne doit pas abuser de son hospitalité. Tsvetana vient de finir sa séance, on s’empresse donc de poser encore quelques questions histoire de pouvoir faire le papier, comme on dit, avant de lui demander pourquoi elle préférait s’entraîner ici plutôt que dans une grande académie américaine. Là, elle esquisse un dernier sourire, son sourire, et répond tranquillement : « Mais parce que Plovdiv est la plus belle ville du monde, vous verrez. »
L’entretien se termine sur ses mots, cette pirouette.
Même si Pironkova n’est ni Maria Sharapova, ni Serena Williams, je peux vous garantir, foi de journaliste, que jamais dans aucun pays du monde, nous n’aurions pu discuter aussi librement comme ça presque à l’improviste sur un trottoir avec une championne de tennis qui venait de finir une séance d’entraînement. Et ce moment, bien que furtif, restera mon coup de cœur 2013, comme, au fina,l la visite du club natal de Dimitrov le lendemain, mais pour d’autres raisons, que je vous conterai peut‐être un jour, si j’en ai le droit…
- La rétro WLT est organisée en partenariat avec « Rafa, mon amour », le livre tennis événement sur Rafael Nadal, et l’ensemble de la collection We Love Tennis des éditions Flora Consulting.
Publié le lundi 23 décembre 2013 à 12:09