Ancien coach de nombreux joueurs suisses, Cyril Cornu sera cette année notre consultant de luxe pour comprendre la saison de Roger Federer et compagnie. Bien évidemment, Cyril a visionné la finale dans sa globalité et il revient pour nous sur ce match d’anthologie.
Qu’est‐ce qui t’a le plus surpris dans ce duel ?
« Je savais que le match allait être tendu, mais je ne pensais pas qu’il allait atteindre un tel niveau. Et j’ai ressenti cela tout de suite à l’échauffement. Les deux joueurs savaient que ce rendez‐vous pouvait être le dernier. »
Est‐ce le niveau de tennis atteint t’a bluffé ?
« Bien sûr que l’on est toujours surpris car quoi que l’on dise quand ils s’affrontent cela atteint des sommets techniques. Après, pour être proche de l’environnement de Roger, je peux vous dire que je sais tous les efforts qu’il a accomplis. Je connais bien aussi Pierre Paganini, et avec lui, rien n’est laissé au hasard. Tout a été mis en œuvre pour que Roger revienne en grande forme, avec un état physique optimal et une vraie nouvelle approche dans son jeu. »
Celle qui consiste à avancer toujours et encore ?
« Je ne trahirai personne en disant que l’on attendait tous cela. Un Roger qui tente, qui prend des risques, qui n’a pas peur, qui se lâche. »
As‐tu eu peur pendant cette finale ?
« Peur, ce n’est pas le mot. Pour moi, le deuxième set a été important. Même si Roger le perd, on sent comme il l’a dit qu’il ne lâche rien, qu’il reste dans sa filière. Dans cette manche, Rafael Nadal joue un tennis incroyable, il emmène Roger dans son défi. Du coup, le troisième set, qui est un vrai récital, est crucial. Ce qu’il faut quand même souligner, et c’est essentiel, c’est que seul Nadal peut créer cela chez Roger. Il sait que face à lui, il doit être toujours à son maximum. »
Dans L’Équipe, Mats Wilander évoque l’idée que libéré, il peut faire une grosse saison ?
« Je ne pense pas qu’il soit libéré, ce n’est pas le mot juste. Roger est heureux. Cette vie sur le circuit, c’est la sienne. Il va être dur à battre sur les grands événements. S’il est revenu, c’est pour le plaisir mais aussi parce qu’il sait qu’il est compétitif. De plus, ce succès va lui donner une confiance, il est allé au bout de son jeu sur ce match, ça c’est essentiel. »
En Suisse, cela doit être l’effervescence ?
« Évidemment, inutile de dire que tout le pays était derrière lui. C’est clair que ce succès à 35 ans, après une période si longue d’absence, a une valeur particulière. C’est quand même gigantesque, on manque de superlatifs finalement. »
Quand il a gagné, il aurait pu éclater en sanglots, et pourtant on l’a trouvé très sobre…
« C’est ça Roger, il se retient, il a aussi fait cela car il sait à quel point la défaite est douloureuse surtout pour Rafa qu’il apprécie énormément. Ces deux hommes incarnent le tennis, ils sont liés pour la vie, ils le savent alors forcément chacun n’en fait pas trop. Ce sont des seigneurs. »
Cyril Cornu a été coach de Marc Rosset (2001−2004), de George Bastl (2004), de Michael Lammer (2004−2006), de Stéphane Bohli (2003 et 2007), d’Yves Allegro (2009−2011). Aujourd’hui, il dirige la société Five Management et il est toujours très impliqué dans le coaching et le tennis. Cyril tiendra également un journal dans le magazine GrandChelem pendant toute l’année 2017.
Publié le lundi 30 janvier 2017 à 14:35