Roger Federer‐Juan Martin Del Potro. C’est l’une des grosses affiches de ces quarts de finale. Un classique, une 14ème confrontation en carrière, une cinquième cette année. Un match d’autant plus important entre deux joueurs qui se cherchent et bataillent avec eux‐mêmes.
« Ca m’est égal. Je n’ai pas de préférence. » Ainsi répond Roger Federer avant‐hier lorsque, à l’issue de sa victoire sur David Goffin, les journalistes l’interroge sur son prochain adversaire, Tomas Berdych ou Juan Martin Del Potro. La sentence du champion, qui sait, quoiqu’il arrive, devoir se lancer à l’assaut d’un match compliqué pour gravir un peu plus la muraille d’un trophée à Roland. Mais sait, également, que de son niveau de jeu dépendra la victoire – comme souvent, c’est le Roi Federer qui a, en main, les clefs de la salle du trésor. Le sort a décidé : c’est une tour qu’il lui faudra abattre. Celle de Tandil, un mastodonte de près de deux mètres et 97 kilos. Gageons que l’ami Roger, avatar d’un autre suisse, tel Guillaume l’indépendant et l’arbalétrier, détient tant flèches et cordes pour aller de l’avant et prendre au piège la poutre ou le poney – au choix, franco‐hispanophones.
Abattre cette tour, c’est toujours un challenge. Roger Federer affronte Juan Martin Del Potro pour la 14ème fois de sa carrière. Au jeu des chiffres, le numéro trois mondial part largement favori : il mène rien moins qu’11–2 dans leurs confrontations directes. Il a gagné leurs deux affrontements sur terre battue. Et reste sur cinq succès consécutifs face à l’Argentin. Cette année, à Indian Wells, ce fut 6–3 6–2, à Dubaï, plus serré, 7–6(5) 7–6(6), à Rotterdam, facile, 6–1 6–4, à Melbourne, tranquille, 6–4 6–3 6–2, et à Cincinnati, en 2011, aussi, 6–3 7–5. Mais attention… Juan Martin reste le seul, avec Marat Safin, a avoir troublé l’hégémonie du Big Three depuis 2005. Remportant, au passage, un succès phénoménal sur son Suisse du jour à l’US Open, en 2009. La même année, il le domine aussi en phase de poule de la Masters Cup. Et, à Roland Garros, ici‐même, il le malmène jusqu’au bout des cinq manches dans le dernier carré. Tout le monde garde en mémoire cet affrontement titanesque, soldé par une victoire 3–6 7–6(2) 2–6 6–1 6–4 de Roger Federer.
La revanche de Roland 2009 ?
Cet après‐midi, rien n’est joué, la mise est peut‐être différente, mais les cartes sont tout aussi brouillées. Roger n’est pas au mieux depuis le début de la quinzaine. Il a déjà lâché trois sets en route, à Adrian Ungur, Nicolas Mahut et David Goffin, des adversaires qu’on l’imaginait pouvoir battre sèchement et à l’économie. D’autant plus surprenant que son tableau, très difficile à l’origine, s’est peu à peu miraculeusement éclairci avec les défections des Nalbandian et autres têtes de série. Il le dit lui‐même : il cherche « le bon rythme » et tente encore de « s’acclimater aux conditions de jeu, plus lentes que l’année dernière ». Sa nonchalance ne lui a pas encore joué de tours, mais, face à un joueur aussi dangereux que Juan Martin Del Potro…
Ceci dit, l’Argentin n’est pas non plus dans une forme olympique. Parfois en difficulté face à Albert Montanes et Edouard Roger‐Vasselin, il inquiète avant tout pour son état physique. Le genou va‐t‐il tenir ? Lui se veut rassurant et se dit « quasi à 100% ». Oui, mais « quasiment » et ses autres réponses, en conférence de presse, témoignent d’un optimisme un peu forcé. Malgré tout, le voilà qui sort d’une victoire assez forte sur Tomas Berdych, l’un des épouvantails à l’orée des terres de la Porte d’Auteuil. Mieux, face à l’ex‐numéro un mondial, il connaît la recette : « Jouer un match incroyable, tenter de prendre ma chance sur chaque occasion, tout faire à 100%, frapper des coups gagnants avec mon coup droit, comme avec mon revers, et le mettre en difficulté. Il me faut être plus agressif que lui, car je n’aime pas trop courir. Il me faudra surtout être capable de le déborder. Cette année, ce sera notre première sur terre battue. Les précédents affrontements m’ont été utiles pour lire et apprendre son jeu. Mon objectif est simple : réduire l’écart qui nous sépare. »
Bon, okay… Plus facile à dire qu’à faire. Mais soyez sûr que Juanma‐le‐démolisseur possède toutes les armes pour tenir les assauts élégants et puissants de l’archer Federer. Nul besoin de rappeler les mots de ce dernier, en 2009 : « Je n’ai jamais rencontré un joueur qui frappe aussi fort dans la balle… » Nous voilà tous prévenus ; Roger devra plomber, barbeler et huiler le moindre de ses coups !
Publié le mardi 5 juin 2012 à 16:00