Notre numéro 14, dont vous pouvez découvrir la une, est disponible dans notre réseau composé de 700 points dont 80 points en Belgique Francophone. Nous avons décidé de rendre hommage à Roger Federer en allant demander à des artistes reconnus ce qu’ils pensaient du Suisse. Très prochainement, vous pourrez lire ces interviews sur notre site. En attendant que le PDF soit mis en ligne ce soir. Voici l’édito qui accompagne notre dossier : Federer par les Artistes.
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Le 20 août 2006, l’écrivain David Foster Wallace s’est essayé dans le New York Times à un portrait original de Roger Federer. Ce dernier était alors au sommet de son art. Le style de Wallace, connu pour ses formes de narration très labyrinthiques traversés ici et là de fulgurances prophétiques, consacrait cette atteinte de la perfection tennistique par un titre qui sentait légèrement l’extase : « Federer comme une expérience religieuse ». A l’intérieur d’un texte paradoxalement très technique et qui remontait la chronologie des avancées significatives de l’histoire du jeu, il y développait l’idée de « Moments Federer », ces espaces‐temps plus ou moins longs où le Suisse se met à sortir des canons de l’arithmétique tennistique, se pose sur son petit nuage et sort des coups où la virtuosité le mêle à la vitesse d’exécution. Deux ans après ce texte, David Foster Wallace s’est suicidé. Aucun rapport, bien entendu. Juste le plaisir de savoir que l’œuvre survit aux hommes de talent et que le texte de Wallace sur Federer touchait à son but pour les siècles des siècles : essayer de trouver des mots simples, des mots doux, de mots durs, des mots qui disent ce qui est de ce qui n’est pas, les autres mots pour parler des autres êtres, des êtres hors du commun. C’est là une des fonctions de l’artiste : voir le monde comme les autres ne le voient pas, s’asseoir au bon endroit, le regarder sans bouger, respirer bien fort, fermer les yeux, tchac une photo, prier, rouvrir les yeux. Il est une autre fonction de l’artiste, elle couronne là les plus intuitifs, les plus transcendantaux : voir le monde comme il n’est pas, pas encore en tout cas, mais bon c’est juste une question de temps. Dans 5 ans, dans 50 ans, dans 500 ans. Viendra un temps où les fulgurances de Wallace feront sens. Dans son ouvrage référence, « L’Age des extrêmes. Histoire du Court XXème siècle », le grand historien anglais Eric J. Hobsbawn s’interroge à voix haute sur le sujet : « Pourquoi de brillants créateurs de mode, espèce notoirement non analytique, réussissent‐ils parfois mieux à anticiper la forme des choses à venir que les professionnels de la prédiction ? C’est l’une des questions les plus obscures de l’histoire, et pour l’historien de la culture, l’une des plus centrales ». C’est pourtant ce pari énigmatique qu’a décidé de faire la rédaction de GrandChelem il y a deux mois lors de la préparation de ce numéro : jouer la victoire de Federer à l’Us Open, et profiter de l’été pour aller voir de très grands artistes français, des artistes transversaux, des touche à tout passionnés de tennis, et prendre le temps avec eux d’une discussions sous les tilleuls pour parler du cas Federer. Quelle riche idée ! Quel bonheur gratuit nous nous sommes payés, même si le pari fut manqué de peu ! Car parler de Federer avec Pierre Barouh, c’est en effet découvrir un lien secret, insoupçonnable entre l’enfant de Bâle et Georges Brassens. Questionner CharlElie Couture en direct de la night cession de New‐York c’est se mettre à parler soudainement des psychopathes, ces gens qui commettent des actes incroyables sans se laisser atteindre par leur émotion. Vous le voyez venir, le CharlElie ? Non, alors allez lire son récit. Discuter encore avec Denis Grozdanovitch, c’est saisir que dans l’imaginaire collectif Roger Federer restera désormais indissociable de Rafael Nadal et qu’il n’est plus possible de parler de l’un sans parler de l’autre. Personne même n’y parvient. A quoi bon alors… Et puis il y a Jean‐Paul Goude, notre Jean‐Paul Goude national, ce Jean‐Paul Goude qui appartient à toute la France depuis qu’un certain 14 juillet, il a signé le plus beau défilé du monde sur la plus belle avenue du monde. Avec lui, le dessinateur, le réalisateur, le danseur et le mari d’une excellente tenniswoman, Federer va être croqué (et se faire croquer) en un seul trait ! Quelque chose entre le graffiti et la nature morte ! Federer comme une pêche de terroir, cette pêche de bon goût… en opposition à Nadal, la pêche abricot, la pêche trop juteuse, trop orange, trop tout, vous y aviez pensé ? Nous, non. Mais c’est au détour de cette belle rencontre avec ce génie du graphisme que la lumière est apparue. « Federer joue merveilleusement la pièce, mais c’est Nadal qui crée le drame » nous a lâché JPG au bout d’une heure à faire tourner le sens comme on fait tourner les tables pour rentrer en contact avec l’âme des guerriers. Vous l’aurez compris, cette phrase‐là, cette vision‐là vaut pour les 5 ans, les 50 ans, les 500 ans à venir
Publié le mardi 22 septembre 2009 à 12:36